4. Savoir scientifique versus savoir naïf

L'élève n'est pas un vase vide qu'il suffit de remplir, il a des connaissances préalables qui lui permettent de construire des interprétations de la très grande majorité des situations proposées, même nouvelles. Ces connaissances préalables, à partir desquelles les connaissances nouvelles sont construites, jouent donc un rôle dans l'apprentissage ; elles peuvent aussi bien être le fruit d'un enseignement que celui de l'expérience quotidienne des élèves.

"Le terme naïf renvoie aussi bien aux connaissances ou savoirs communs ou quotidiens partagés socialement, qu'aux connaissances spontanées mises en œuvre par les individus dans des situations particulières" (Tiberghien, 2003, p.334). Selon Bachelard (1938), la connaissance commune présente des caractéristiques qui la distinguent nettement de l’approche scientifique. Cette connaissance ne fait pas le détour conceptuel qui fonde l’expérimentation. En effet l’expérience quotidienne se suffit à elle-même par le seul fait que l’homme est constamment en situation d’action et de prise de décision. La démarche scientifique exige une certaine cohérence puisqu’une loi physique n’en serait pas une si elle ne s’appliquait que de temps en temps, sans qu’on sache pourquoi. On s’attend à ce que la physique atteigne une certaine généralité et qu’elle soit définie par un certain domaine de validité.

Piaget et Vygotski distinguent tous les deux les concepts naïfs des concepts scientifiques, en revanche, ils divergent sur leurs développements respectifs. Les connaissances naïves se développent vers les savoirs scientifiques selon Piaget ; les connaissances naïves sont essentielles en tant que connaissances préalables et sont ensuite marginalisées. Alors que Vygotski considère qu'il ne s'agit pas d'éradiquer les connaissances naïves, mais les deux types de connaissances, naïves et scientifiques, vont se développer et peuvent interagir (Tiberghien, 2003).

"Nous disposons donc d’un fonds commun de raisonnements auxquels nous tenons. Leur relatif degré de cohérence contribue à leur résistance. Et si quelqu’un vient nous dire qu’ils sont erronés, cela ne va pas nous en détourner du jour au lendemain" (Viennot, 1996, p.13). On observe partout et avec des fréquences impressionnantes, des raisonnements et des tendances de pensée non compatibles avec la théorie enseignée. Ces raisonnements se révèlent résistants à l’enseignement, vu qu’on les rencontre souvent chez les élèves durant et après l’enseignement. Il se pourrait, que ces raisonnements fréquemment rencontrés, obéissent à une logique propre qui contribue à expliquer leur résistance. C’est pourquoi ils ont fait l’objet de nombreux travaux, notamment ceux sur les conceptions, cherchant à mettre en évidence des invariants dans les connaissances des élèves sur le monde matériel.