5.1. 1ère loi de Newton:

Tous les travaux des didacticiens montrent que l'apprentissage du principe d'inertie est en fait très difficile pour les élèves. Tout d'abord une analyse épistémologique permet de mieux comprendre cette difficulté. Ainsi Koyré (1955/1990) montre que le principe d'inertie ne peut se comprendre que dans certains cadres de pensée du monde et que "pour les Grecs, ainsi que pour le Moyen Age, ces conceptions auraient semblé (ou ont semblé) être manifestement fausses; et même être absurdes" ; de plus il s'agit d'une vision d'un monde idéal qui n'existe pas : "Le concept Galiléen du mouvement (de même que celui de l'espace) nous paraît tellement naturel que nous croyons même que la loi d'inertie dérive de l'expérience et de l'observation, bien que, de toute évidence, personne n'a jamais pu observer un mouvement d'inertie, pour cette simple raison qu'un tel mouvement est entièrement et absolument impossible (p. 383)".

Nous donnons quelques conceptions des élèves concernant les relations force – mouvement et force – vitesse et qui peuvent rendre l'acquisition du principe d'inertie difficile.

Dans la vie quotidienne on explique souvent le monde matériel en considérant qu’un changement a une cause et donc un mouvement, quel qu’il soit, a une cause (Viennot, 1996). En effet, un raisonnement typique chez les élèves est de considérer qu'un mouvement implique une force dans le sens du mouvement (Viennot, 1979, 1996 ; McDermott, 1998 ; Clement, 1982 ; White, 1983 ; Halloun & Hestenes, 1985). Ainsi, une balle lancée vers le haut, continue de monter après que le lanceur l'ait lâchée grâce à une force exercée vers le haut. Viennot (1996) explique ceci par le fait que les élèves attribuent une force à l'objet, "la force de la masse vers le haut", "la masse a de la force". Ceci autorise l'idée de stockage, "un capital de force vers le haut", qui permet à une cause antérieure de rester une raison de mouvement, ou de non-chute, présente à l'instant voulu: "il y a délocalisation dans le temps des grandeurs impliquées, pour les nécessités de l'explication – causale – commune" ; la force exercée par le lanceur au moment du lancer continue donc de s'exercer pendant la montée alors que le lanceur ne touche plus la balle. McCloskey (1983), Halloun & Hestenes (1985) et Hestenes & al. (1992 a et b) mettent en relation de telles erreurs des élèves avec l'idée de l'impetus, une force intrinsèque qui permet aux objets de conserver leur mouvement. Cette théorie de l'impetus a été développée par Jean Buridan, trois siècles avant Newton, qui la résumait ainsi: "Quand une personne met un corps en mouvement elle lui communique un certain impetus, c'est-à-dire une certaine force le rendant capable de se déplacer dans la direction où la personne l'a engagé: vers le haut, le bas, sur le côté ou bien en cercle. C'est grâce à cet impetus qu'une pierre continue à se mouvoir après que le lanceur a cessé de l'accompagner" (McCloskey, 1983, p.70). Cette théorie est en désaccord avec la mécanique Newtonienne car elle suppose que le mouvement doit avoir une cause. Le fonctionnement de certains élèves donnant des réponses comme la présence d’une force exercée par un agent causal même lorsqu’il n’y a pas de contact, peut être rapprochée de cette théorie.

D'autres conceptions concernant également la relation force-mouvement se traduisent sous cette forme: "aucune force n’agit sur un corps au repos " et "en l’absence de force, les objets soit sont au repos soit ralentissent" (McDermott, 1998 ; Halloun & Hestenes, 1985).

De nombreux élèves considèrent que la relation entre la force et la vitesse est linéaire (Viennot, 1979, 1996 ; Champagne & al., 1980 ; Halloun & Hestenes, 1985 ; McDermott, 1998). Cette relation linéaire conduit à plusieurs implications comme: "si la vitesse d'un corps est nulle la force exercée sur ce corps est nulle aussi", "si la vitesse d'un corps est constante la force exercée sur ce corps est constante","si la vitesse d'un corps augmente la force exercée sur ce corps augmente", "si la vitesse d'un corps diminue la force exercée sur ce corps diminue", etc. et inversement.