7. Différentes échelles temporelles pour l’analyse du savoir enseigné

"Every human action, all human activity takes place on one or more characteristic timescales. A heartbeat, a breath, a step, a spoken word takes but a moment; a stroll, a conversation extends over many such moments; and an education or a relationship may be a lifetime project" (Lemke, 2000, p.273). Cette activité humaine, précisément celle qui en lien avec la vie du savoir en classe dans notre cas, peut donc être analysée à différentes échelles temporelles ; Afin de pouvoir la caractériser, le chercheur doit se placer à ces différentes échelles temporelles, ce qui nous mène à préciser celles des phénomènes que nous cherchons à étudier.

Nous suivons Mercier et al. (2005) qui considèrent que "chaque système produit son temps propre". Ainsi, pour un système donné, certaines échelles de temps sont plus appropriées que d’autres. Le système éducatif d'un pays dépend du gouvernement qui décide de la succession des années académiques et du programme officiel consacré pour chaque année. Ce programme précise le savoir à enseigner pour une année scolaire en spécifiant son contenu et souvent la durée approximative consacrée à chaque contenu. Cette organisation produit ce que Mercier & al. (2005) appellent le "temps académique" ; nous considérons que ce temps est situé à une échelle de temps macroscopique. Cependant, la progression du contenu de l'enseignement est spécifique d'une classe et est sous la responsabilité du professeur qui doit présenter le programme officiel à sa classe. Elle est aussi dépendante de la classe dont l’activité rythme l'introduction de nouveaux éléments de savoir. Ce rythme produit le "temps didactique" (Mercier & al., 2005) spécifique d'une classe puisqu'un même professeur dans deux classes différentes gère différents temps didactiques. Ce temps est situé à une échelle de temps mésoscopique qui caractérise la vie du savoir enseigné en classe. L'analyse du savoir à cette échelle montre ce qu'un élève idéal fictionnel peut apprendre (Tiberghien & Buty, 2005).

Nos hypothèses d’apprentissage posent que le savoir peut être acquis par « petits éléments » ; ce phénomène d’apprentissage nous conduit à considérer une échelle microscopique de temps qui correspond à celle de l’analyse du chercheur à un niveau de granularité plus fin. Pour caractériser une classe et ainsi la comparer à d’autres, le chercheur va étudier les événements de la classe à une échelle fine du temps et de l’espace. L’échelle temporelle sera celle des énoncés ou des gestes des personnes, c’est-à-dire autour de la seconde ; il s’agit aussi d’une échelle plus fine dans l’espace puisque les événements peuvent se situer dans l’interaction entre deux élèves (Tiberghien & al., 2007a)

Tableau 1. Echelles de temps selon les systèmes et la granularité de l’analyse; chaque échelle de temps est donnée avec le temps physique (Tiberghien & al., 2007a)
Tableau 1. Echelles de temps selon les systèmes et la granularité de l’analyse; chaque échelle de temps est donnée avec le temps physique (Tiberghien & al., 2007a)

Nous situons donc nos analyses à trois échelles temporelles, macro, méso et micro. Pour Lemke, "each scale of organization in an ecosocial system is an integration of faster, more local processes (activities, practices, doings, happenings) into longer timescale, more global or extended networks" (Lemke, 2000, p.275) ; « activities at higher levels of organization are emergent, their functions cannot be defined at lower scales, but only in relation to still higher ones.  […] Going « up » we know the units, but we know neither the patterns of organization nor the properties of the emergent higher level phenomena » (Lemke, 2001, p.25). L'intérêt de mener des analyses à différentes échelles temporelles vient donc du fait qu'un événement se produisant à une certaine échelle peut être intégré dans des échelles de niveau supérieur. Le niveau inférieur informe le niveau supérieur mais il ne nous permet pas d’avoir la structure et les propriétés de l’activité au niveau supérieur. Il faut donc se mettre au bon niveau pour pouvoir étudier certains phénomènes.