1.2.3. Lien avec les pratiques de classes

La continuité des facettes est en faveur de la classe 2, avec 27 réutilisations (25 concernant le contact et 2 les actions réciproques) de l’ensemble des facettes en jeu dans ces questions en lien avec le contact et les actions réciproques pour cette classe contre 22 pour la classe 1 (18 concernant le contact et 4 les actions réciproques) et 20 pour la classe 3 (15 concernant le contact et 4 les actions réciproques). L’ensemble des facettes contact recouvre presque la majorité des thèmes qui suivent leur introduction (il existe quelques thèmes où ces facettes n’y sont pas mais sans que cela ne constitue une coupure) dans les classes 1 (12 thèmes de 18 au total) et 2 (14 thèmes de 27 au total). Pour la classe 3, il existe une coupure entre l’introduction de ces facettes contact et leur réutilisation puisque le professeur reprend la loi d’interaction gravitationnelle entre temps ; cependant après la première réutilisation de ces facettes, celles-ci recouvrent les thèmes qui suivent (10 thèmes de 28 au total), à l’exception aussi de quelques uns.

Nous regroupons ci-dessous les résultats finaux des trois classes ainsi que leur évolution pour l’ensemble des items concernant les actions/forces de contact, en mettant en gras pour chaque item, la classe qui le réussit le mieux afin d’avoir une vue d’ensemble des résultats, pouvoir les comparer et les relier aux pratiques de classe. Nous avons rajouté les résultats concernant la force dans la direction du mouvement et qui est traitée en détail dans le paragraphe suivant.

Tableau 102. Pourcentage de bonnes réponses à l’ensemble des items des questions 3, 4, 6 et 7 mettant en jeu les forces de contact et les actions réciproques. Les trois derniers items sont présentés et détaillés dans le paragraphe suivant «un objet en mouvement peut ne pas avoir de force dans le sens du mouvement ». En italique, des résultats très proches du meilleur résultat parmi les classes ; en italique gras, le meilleur résultat parmi les classes.
Tableau 102. Pourcentage de bonnes réponses à l’ensemble des items des questions 3, 4, 6 et 7 mettant en jeu les forces de contact et les actions réciproques. Les trois derniers items sont présentés et détaillés dans le paragraphe suivant «un objet en mouvement peut ne pas avoir de force dans le sens du mouvement ». En italique, des résultats très proches du meilleur résultat parmi les classes ; en italique gras, le meilleur résultat parmi les classes.

Le tableau 102 montre que la classe 2 réussit mieux que les autres classes : elle est la meilleure (en score, mais les résultats des autres classes peuvent être très proches) pour dix items sur 14, la classe 1 pour trois items et la classe 3 pour un item. De plus, la classe 2 a des résultats très proches (différence négligeable) des classes 1 et 3 quand ces classes sont celles qui réussissent le mieux certains items. Le croisement fait entre les items de la question 4 et ceux de la question 7 renforce l’écart entre la classe 2 et les deux autres classes ; ceci prouve que la classe 2 a la plus grande stabilité dans l’acquisition des actions/forces de contact alors que les deux autres classes réussissent certains items et d’autres non.

La différence de continuité entre les classes peut expliquer en partie les différences de performances entre ces classes concernant les actions/forces de contact mais l’analyse au niveau mésoscopique déjà faite au chapitre précédent nous permet de mieux éclairer ce lien en regardant la façon dont les facettes et en conséquent le concept ont vécu dans les classes.

Dans la classe 1, les forces sont introduites par leurs effets au moyen de monstrations et le contact n’est pas mis en avant pour repérer les forces de contact ; les facettes relatives au contact sont donc implicites. Afin d’affirmer si un objet exerce une force sur un autre, on regarde s’il le met en mouvement ou s’il modifie son mouvement ou sa forme et non pas s’il est en contact avec lui. Le contact reste en général implicite dans cette classe pour le reste de la séquence il est rarement explicité par le professeur.

Dans la classe 2, les actions de contact sont introduites par une activité mettant en jeu un matériel expérimental et qui met les élèves face à la situation où ils peuvent observer et sentir les choses afin de produire du savoir sur les actions ; les facettes contact sont alors implicitement introduites par les élèves. Ces facettes se trouvent ensuite incorporées à la représentation « diagramme système-interactions » où l’interaction de contact est symbolisée par une flèche pleine, ce qui renforce l’idée de toucher, de contact, et celle à distance par une flèche en pointillés ; ces facettes sont alors explicites dans ce registre et implicites dans le registre de la langue naturelle puisqu’elles ne sont pas verbalisées. Avec l’introduction des forces, elles se trouvent à nouveau implicites soit dans le bilan des forces soit dans leur représentation.

Les facettes relatives au contact sont les plus explicites en langue naturelle dans la classe 3 où le professeur propose aux élèves de poser toujours la question « l’objet est en contact avec quoi ? » pour trouver ces forces. La facette est introduite par une monstration de procédure que le professeur fait pour montrer aux élèves la procédure à suivre pour faire le bilan des forces. Elle est institutionnalisée par le fait que la procédure est schématisée au tableau par le professeur et copiée par les élèves sur leur cahier. Dans les thèmes qui suivent l’introduction des forces de contact, le contact est explicite du fait que la classe se pose toujours la même question pour trouver ces forces de contact et devient à la fin implicite au bilan des forces quand cette question n’est plus posée.

Les classes 1 et 2 ont réussi en général de manière presque identique, la plupart des questions. Pour certains items, la classe 2 a réussi mieux que la classe 1 et avec une différence remarquable, pour ces items, seul le contact permet de repérer les forces. Nous faisons l’hypothèse que le fait de repérer les forces par leurs effets peut avoir conduit certains élèves de la classe 1 à ne pas prendre en compte certaines forces dans les questions dont les effets ne sont pas observables (ou imaginables) comme la force exercée par l’aimant sur la main. De même le fait de repérer les forces par leurs effets peut avoir conduit les élèves de cette classe à considérer que la main du joueur ou de l’arbitre exerce une force sur le palet ou le ballon puisque l’effet de cette force est toujours remarquable même quand la main n’est plus en contact avec le palet ou le ballon. Les croisements entre plusieurs items montrent une plus grande stabilité dans la réussite aux questions pour la classe 2 par rapport à la classe 1. D’ailleurs cette stabilité se trouve aussi chez le groupe 2 et est moins présente chez le groupe 1. Cela peut contribuer à prouver un effet de la séquence SESAMES. D’ailleurs cette différence entre le repérage des forces de contact par le contact ou par les effets est présente entre la séquence SESAMES et le programme officiel qui insiste beaucoup plus sur les effets d’une force ; l’analyse conceptuelle (voir chapitre 4) que nous avons faite montre partiellement cette différence. L’écart dans le repérage des forces de contact entre les classes 1 et 2 vient donc à la base d’un écart entre les structures conceptuelles des séquences qu’elles ont suivies et peut avoir été renforcé dans la pratique effective des deux classes.

Nous pouvons nous demander pourquoi dans la classe 3 où les facettes contact sont le plus explicitées en langue naturelle, les performances sont les moins bonnes. En fait, dans la classe 3, les élèves ne travaillent jamais en groupes, ni même individuellement et ont rarement la chance de se trouver seuls face à une situation et pouvoir y réfléchir afin de produire du savoir ; ils doivent tout le temps progresser au rythme de la classe géré en grande partie par le professeur. En plus dans cette classe, le matériel expérimental est rarement utilisé ; le professeur lance parfois un crayon ou une craie ou tient un livre et les élèves observent mais ne sentent jamais les objets et leur mouvement. Alors que dans les classes 1 et 2, et beaucoup plus dans la classe 2, les élèves travaillent souvent en groupes et ont la chance d’observer et de sentir le matériel qui leur est présenté. Dans la classe 2, trois registres différents sont employés pour exprimer le contact : la langue naturelle où il est le plus souvent implicite (mais il est explicité quelquefois), le diagramme système-interaction où il est explicité par la flèche de contact et la représentation vectorielle des forces où il est implicite puisque la flèche des vecteurs forces ne traduit ni un contact ni une distance entre les objets. Ces registres sont reliés dans ces activités : le passage de l’explicite (diagramme système-interaction) à l’implicite (vecteurs force ou bilan des forces) se fait de façon progressive puisque les deux registres sont employés ensemble dans des activités et les élèves peuvent ainsi faire des liens avant de passer complètement à l’implicite. Alors que dans les autres classes deux registres seulement sont employés. Il est important d’ajouter aussi que la variété des champs d’application dans lesquels les action/forces de contact sont en jeu, est beaucoup plus grande pour la classe 2 que pour les deux autres classes ; elle est de même supérieure pour la classe 1 par rapport à la classe 3.

Nous faisons l’hypothèse que tous ces facteurs, en plus de la continuité des facettes, peuvent avoir influencé les performances des élèves dans les trois classes. Cependant, nous n’arrivons pas à interpréter certains résultats comme le fait que la classe 3 régresse souvent et énormément sur certains items comme « la bille exerce une force sur le fil » et « la valise exerce une force sur moi pendant que je la traîne » alors qu’elle réussit d’autres qui sont similaires comme « le stylo exerce une force sur moi pendant que je le pousse ». Il faut noter que lors de la passation des questionnaires avant et après l’enseignement dans la classe 3, nous n’étions pas présentes, donc nous ne connaissons pas très bien les conditions de passation ; nous savons uniquement que le questionnaire « après » a été passé dans cette classe vers les dernières séances de l’année scolaire et nous supposons que les élèves peuvent être un peu nonchalants dans ce cas en répondant aux questions. Nous n’arrivons pas non plus à interpréter le fait que la classe 1 évolue beaucoup pour l’item « le caillou se trouvant sur le toit d'un camion exerce une force sur ce camion » alors que l’effet de cette force n’est pas du tout remarquable.