Chargé d’enseigner, puis de conseiller et de contrôler un vaste secteur d’écoles publiques et privées au cours de la dernière décennie dans notre pays, la République Démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) 1 , nous 2 avons pu voir de près les dramatiques effets de la crise de l’éducation. La crise, estimons-nous, n’est pas seulement celle des valeurs, mais celle de l’éducation aux valeurs. Nous voudrions offrir à l’élève les principes de base sur lesquels il puisse former sa personnalité et apprécier les valeurs humaines de la vie. Telle est notre problématique.
Guy Avanzini écrit que l’éducation consiste à susciter chez l’éduqué « une reconnaissance, librement acquise et consentie, des principes qu’elle voudrait voir adopter. » 3 Ce serait de l’amener à « une morale ‘ autonome’, c’est-à-dire à l’acquisition personnelle des principes universels permettant d’évaluer le sens de ses actes. » 4 C’est « éduquer à l’autonomie morale », donc à une éthique. Dans cette perspective, l’éducation aux valeurs n’est ni un dressage, ni une conformisation de comportement par crainte de quelque sanction, mais elle désire susciter l’adhésion aux valeurs et l’intériorisation de celles-ci, et ce par la formation du jugement.
La République Démocratique du Congo est un mini-continent. Pour ne pas nous perdre dans les généralités qui pourraient nous éloigner de la réalité vécue, nous avons choisi d’étudier les Ding orientaux et l’éducation aux valeurs chez eux, de 1885 à nos jours. Ce sont des peuples situés dans les milieux ruraux et urbains africains, notamment congolais, au croisement de plusieurs groupes linguistiques et d’influences d’autres populations. Cette région fut un espace d’escale pour des Européens qui allaient vers le Kasaï et le Katanga, pays miniers de grande attraction. Comme les Ngwi, les Ding furent accueillants, paisibles et disponibles, pour commercer avec H.W. Wissmann, le premier Européen commerçant qui arriva chez eux le 19 juin 1885, quand il parcourait le bassin du Kasaï pour le compte de Léopold II. Mais ce fut surtout une région très intéressante aux yeux des Européens à cause de transactions sur les produits de cueillette (fruits de palme, les amandes palmistes) et sur les fibres végétales qui favorisèrent la culture de l’Uréna labata et la récolte de triumfetta (Punga). Les Ding orientaux occupent essentiellement la mission Ipamu 5 . La valeur de la qualité et de leur personnalité tient à leur spontanéité et à leur enthousiasme vis-à-vis de la Mission. Ils furent, en effet, ouverts à la région coloniale. De fait, la majorité d’entre eux se sont convertis au catholicisme, contrairement aux ethnies « voisines », comme les Pende, les Lele, les Wongo, considérés comme arriérés ou hostiles à la religion coloniale.
Nous signalons que nous emploierons aussi les appellations « Zaïre » et Congo-Kinshasa pour désigner le même pays, selon la nécessité historique ou linguistique.
Notre passé professionnel nous a rapproché des écoles, de leurs populations et de leurs problèmes, aussi bien du point de vue humain qu’administratif. D’une part, en approchant les activités culturelles et spirituelles pour l’encadrement des jeunes et adultes dans le cadre de la pastorale scolaire et, d’autre part, en réglant des conflits entre l’école et les parents d’élèves ou entre l’école et les gestionnaires des écoles, nous avons souvent eu l’occasion de nous intéresser à ce qui relève, à notre sens, de l’éducation aux valeurs.
AVANZINI, G., Caractéristiques structurelles de l’éducation aux valeurs. Postface 1, in Constantin XYPAS (sous la direction de -), Education aux valeurs. Approches plurielles, Paris : Anthropos, 1996, p. 184.
XYPAS, C., Education aux valeurs. Approches plurielles, Paris : Anthropos, 1996, p. 3-4.
Fondée en 1922, la paroisse d’Ipamu est située au Nord-Est du diocèse d’Idiofa et à 120 Km du chef-lieu du diocèse. Par route, elle est à 850 Km de Kinshasa, la capitale de la R.D. Congo, soit à 700 Km à vol d’oiseau. A 15 Km au Nord, elle est bornée de la rivière Kasaï, un des grands affluents du Fleuve Congo. Sa population actuelle est de 30.750 habitants qui parlent le Ding et le Ngwi et s’étendent sur 95 Km2. Ipamu repose sur une galerie forestière fertile. Au Sud, elle est limitée par la paroisse de Lakas, à l’Est par celle de Dibaya-Lubwe et à l’Ouest par la paroisse de Mangaï qui forme avec Dibaya-Lubwe ses deux grandes agglomérations. La paroisse d’Ipamu compte actuellement 85 villages et communautés ecclésiales vivantes, dont le village le plus éloigné est à 70 Km. C’est une paroisse où sont créées beaucoup d’écoles. Six institutions scolaires fort peuplées sont installées en effet au chef-lieu. On compte : deux écoles primaires (une pour les filles, une pour les garçons), un lycée (collège et lycée français) accueillant uniquement les filles réparties sur 2 options, un grand complexe scolaire d’écoles secondaires mixtes regroupant 5 options d’études, un Institut des Techniques Médicales et un Institut Supérieur des Techniques Médicales.