IV. - Société

Si on les considère du point de vue de leur organisation sociale, on peut dire que leur société n'était qu’une mosaïque de clans hiérarchisés suivant leurs capacités politiques et économiques. Au sommet trônait le clan Ntshum, qui non seulement monopolisait les symboles politiques les plus prestigieux mais thésaurisait aussi une grande partie de la richesse du groupe (monnaie destinée aux transactions d'ordre matrimonial : peau de léopard 49 , plumes d'aigles, défenses d'éléphants…). La gestion politique de l'entité ethnique était assurée par le clan Ntshum qui, aux yeux des Ding, se présentait comme le seul garant de l'ordre et de la prospérité. Ce clan constituait, en quelque sorte, une famille dynastique, qui engendrait l'élite politique du groupe. Les Ding Mbensia connaissaient l'exercice de la pratique politique à trois niveaux : le village, la chefferie et la nation. Cette organisation peut être qualifiée d'étatique. Elle présente des similitudes non seulement avec le royaume Kuba mais aussi avec les royaumes de l'Ouest, ceux de Tyo et de Loango. À l’aube de l'implantation européenne, les institutions politiques Ding Mbensia traversèrent une période de crise, due essentiellement aux tensions internes au clan régnant.

Ce fait explique en partie l'effondrement rapide de ce système de valeurs devant l'incessante pression de la modernité. Tout d’abord, le système de valeurs traditionnelles n’a pas résisté aux tensions internes du clan régnant, pas plus qu’à l’influence occidentale et moderne. Il y a ici une double division de ce système : tradition et tradition, puis tradition et occident. Cette situation provoqua un changement à la fois social et culturel et politique. « À partir du foyer Nguun, les Ding, les Yans, les Mbuun et les Songo formaient déjà des entités ethniques distinctes 50 . Quand on lit les récits des premiers témoins missionnaires et exploitants commerciaux et leurs jugements sur les indigènes qui, dès le contact initial, furent considérés comme des sauvages, apathiques et superstitieux, on saisit aujourd’hui l’ampleur de la tâche accomplie et l’importance du parcours effectué ensemble. Néanmoins, ces adjectifs reflètent bien le choc subi par les européens au contact des autochtones Ding.

Notes
49.

Chez les populations Ding comme dans les autres tribus de l’Afrique, on assimile le léopard à un chef qui incarne la puissance et qui, par sa force, n’est plus comme les hommes ordinaires. Animal exceptionnel, le léopard est doté d’une autorité sans doute supra-naturelle. On retrouvait ainsi presque dans toutes les sociétés anciennes sa peau et ses dents comme attributs royaux. Le clan royal Ntshum des populations Ding était assimilé à la race des léopards. Certaines légendes rapportaient même qu’à leur mort, les membres de ce clan se transformaient en léopard.

50.

NKAY MALU, F., Les Missionnaires catholiques chez les Ding orientaux de la République Démocratique du Congo. 1885-1964, Mémoire de D.E.A. Histoire religieuse, Université Lumière Lyon 2, Lyon, 2001, p. 95.