Chapitre 2 : Le contexte religieux Ding

Au-dessus de ces éléments généraux se trouve la vision du monde qui fonde et régule la vie des Ding orientaux et leur comportement quotidien. La vision du monde fonde et conditionne les valeurs et les normes dont se réclament ces peuples, c’est-à-dire le comportement quotidien de l’individu et de la communauté. En ce sens, il existe un lien inextricable entre vision du monde et conduite de vie, donc la conduite de vie, que stipule le système des valeurs et normes africaines, dépend essentiellement de la vision du monde. Ici, c’est la littérature orale en général, et chaque genre littéraire en particulier, qui en constitue la base essentielle. A travers les genres littéraires oraux sont en effet véhiculés les valeurs traditionnelles, les mœurs et les coutumes, leur univers « magique » et les croyances religieuses. Or, dans la catégorie de genres littéraires oraux sont les proverbes, les devinettes, les chansons, les symboles, les rites, les contes, les interdits, choisis et employés différemment dans plusieurs occasions. Ils sont transmis d’une génération à une autre, et chaque génération en retient un ensemble de valeurs, des traditions et des croyances religieuses.

Chez les Ding orientaux, on trouve donc aussi des proverbes, des contes, des interdits, des devinettes et des chansons. Nous n’allons pas nous préoccuper de l’approche épistémologique de tous les éléments des genres littéraires. Pour saisir la « mentalité Ding », nous avons choisi deux entrées : l’univers religieux et magique, ainsi que les chansons. Du contexte religieux dépendent la conscience collective Ding et la production littéraire diversifiée. L’aspect pratique de ce contexte sera élucidé dans l’analyse de chansons élégiaques, de berceuses et de chansons exécutées à l’occasion de la naissance des jumeaux. Notre attention sera particulièrement centrée sur les chansons de jumeaux comme expression sociale concrète de certains éléments de l’univers magico religieux dont fait partie l’association des jumeaux, magyaa. Elles constituent ainsi pour nous une des catégories littéraires orales où sont cumulés plusieurs aspects de la représentation des Ding sur les valeurs. D’une façon générale, la connaissance de ces deux genres littéraires choisis, religion et chansons, pourra nous offrir des représentations du monde chez les Ding orientaux et la trame d’éléments socioculturels de leur identité et du système de leurs valeurs traditionnelles. En effet, les populations Ding connaissent la diversité des valeurs, une résultante de la rencontre des valeurs de l’Occident et de la tradition. L’éducation des enfants est confrontée à cette diversité, la culture Ding en soi l’est aussi. C’est fondamentalement à travers l’éducation et la culture Ding, ainsi qu’à travers l’identité de l’enfant que circulent ces diverses valeurs. Les populations Ding n’échappent pas aux incessantes mutations et aux changements historiques aux niveaux socioculturel et physique (géographique). Cela touche aussi bien leurs structures sociopolitiques, les personnes, leur économie, leurs mœurs et coutumes, que leur identité socioculturelle et leur système des valeurs. A cet égard, il convient d’analyser le contexte social général des Ding orientaux.

Nous avons situé le fondement de leur conscience collective dans le contexte religieux : un contexte fondateur des sentiments collectifs. Sa compréhension vient avant tout de l’analyse de l’objet d’étude dans lequel il s’enracine, ainsi que l’affirme Alex Mucchielli  : « Les niveaux contextuels d’une situation représentent les différents niveaux de production du sens. Ils renvoient tantôt à la psychologie propre de l’acteur, tantôt au contexte affectif groupal immédiat ou à la mentalité d’un groupe homogène de ce point de vue, tantôt à des situations culturelles et, enfin, tantôt à des problématiques humaines fondamentales » 69 . La religion fait naître la conscience collective, la transforme. Elle est le centre de tout l’édifice social. Ses valeurs imprègnent les cultures. Elles sont à la base des normes et valeurs sociales. Vie quotidienne et conscience collective Ding sont ainsi inextricablement liées. Mais la religion reste le facteur fondamental de la construction de la pensée sociale des populations Ding. Elle est complétée par l’ensemble de mouvements religieux qui forme, avec le contexte religieux, le contexte social global qui intéresse notre analyse. Nous allons tenter de présenter le contexte particulier de la religion traditionnelle et de mouvements religieux, puis de faire ressortir la relation qui pourrait exister entre eux.

Notes
69.

MUCCHIELLI, A., L’Analyse phénoménologique et structurale en sciences humaines, Paris : PUF, 1983, p. 140.