II. - Chansons, modes de transmission de valeurs

Grâce aux genres littéraires oraux, les Ding orientaux tentent d’exprimer les représentations de leurs comportements fondamentaux. Les récits oraux de chansons donnent les différentes formes de modes de transmission de leur vision du monde, de génération en génération. Ce sont, notamment, les berceuses 99 , les chansons élégiaques et les chansons des jumeaux. Ces chansons sont principalement exécutées par les femmes. Un contexte précis et différent décrit les dimensions temporelles, initiales et significatives de chaque catégorie de chansons. D’une façon globale, chaque genre littéraire oral a son contexte d’exécution. Les berceuses (les Ndziém i ndeel) sont des chansons exécutées par les filles baby-sitters 100 . On se rappellera que la culture africaine n’organise pas la garde d’enfants uniquement pendant l’absence de parents d’un enfant. Plusieurs autres occasions le permettent : les travaux ménagers ou champêtres. Dans l’un ou l’autre cas, les parents pourraient être présents, sans garder eux-mêmes leur enfant. Tandis que les chansons élégiaques (les Ndzém i mimpaambul) sont exécutées par les femmes plus à l’occasion du décès d’une personne âgée que de celui d’un enfant, du jour du décès à l’inhumation, les chansons des jumeaux sont exécutées par tous les parents des jumeaux, présents au village, à la naissance des jumeaux. Les berceuses et les chansons élégiaques sont uniquement accompagnées de battements ou de balancements de mains, l’usage du tam-tam n’étant pas requis comme dans les chansons des jumeaux. Si les chansons élégiaques sont macabres et donc quasi tristes, décrivant les qualités physiques et morales du défunt, les deux autres catégories ont un caractère gai, joyeux. Seule l’exécution de chansons élégiaques requiert, en plus, une certaine tenue, pour les femmes : porter des outils de travail entre les mains, par exemple, des paniers, des hottes, des machettes, des houes, des haches, des arcs et des flèches.

De toutes ces chansons, nous avons préféré présenter le contexte détaillé de chansons des jumeaux, qui présente beaucoup d’aspects riches d’enseignements. La naissance des jumeaux est analysée pour essayer de comprendre les configurations de la vie, de son mode de transmission et d’harmonisation ou de régulation. Nous retrouverons plus tard ces éléments dans la palabre, chez les Ding orientaux, où sont essentiellement exaltées la vie, son harmonie et la communauté.

Notes
99.

Ce mot désigne aussi bien les baby-sitters (ndeel en dialecte Ding chez les Ding orientaux) que les chansons exécutées.

100.

Dans certains milieux africains, ce sont des gardiennes ou des berceuses. Dans la suite, nous emploierons les trois expressions.