II. - Tradition éducative des Ding orientaux

Communautaire et « locale », elle consiste à donner à l’enfant le sens de la responsabilité familiale, de la coopération clanique et de la solidarité au niveau du village et de la tribu. 138 En effet, dans cette forme d’éducation, nous pourrons reconnaître que l’enfant devient un homme à partir de plusieurs processus et pratiques. Ce sont, par exemple, l’apprentissage des coutumes et de la sagesse ancestrales, l’initiation par les anciens pour apprendre les valeurs et les coutumes de la vie, l’initiation à l’art de vivre (aux filles on apprend par exemple comment se comporter dans le mariage envers leur enfant et leur époux et, là où la polygamie existe, on leur apprend les attitudes propres à cette forme de mariage). L’initiation aux métiers et au sens de la responsabilité n’est pas sans importance pour la maturation de l’enfant. Cette initiation ressemble à l’éducation de l’enfant à la valeur de la responsabilité. Dans ce cas, « l’éducation a pour fonction de faire émerger et de développer le sentiment de la responsabilité, c’est-à-dire de rendre celui-ci adéquat aux responsabilités effectives et objectives du sujet à l’égard de ce qu’il a fait ou fait, mais aussi de ce qu’il projette. En ce sens, la formation à la responsabilité doit d’abord être aussi, à la mesure des sujets, en fonction de leur âge et de leur réceptivité intellectuelle, une éducation à l’anticipation, c’est-à-dire à la représentation des effets possibles des projets qu’ils nourrissent ou des actes qu’ils s’apprêtent à poser. » 139

Dans l’ethnie Ding, le garçon est très tôt initié à la chasse, à la forge, à la construction d’une maison, à l’élevage d’animaux domestiques, notamment du chien, en vue de prouver, par la fidélité à ce dernier et la capacité de bien l’élever, qu’on est capable d’être responsable, par exemple en se mariant. La fille est initiée aux travaux de l’agriculture, à la pêche ou à la gestion d’un grenier d’arachides, etc. D’autres ethnies initient le garçon à la fabrication des objets d’art, et les filles à l’art de conter, à l’initiation aux sociétés ésotériques et aux associations socioculturelles (cas d’apprentissage des pratiques sorcières ou de la guérison par des plantes médicinales traditionnelles). Les Ding initient très peu leurs jeunes aux pratiques ésotériques, sorcières et aux techniques de la thérapie traditionnelle. Dans ces formes d’éducation, c’est la méthode de l’observation participante et l’usage de l’intelligence pratique qui compte. Chez les Ding, l’éducation de la jeunesse est essentiellement communautaire. Elle se justifie par la conception de la société : le clan, la cellule de base, la famille étendue, dont le chef est l’oncle maternel. Il s’agit d’intégrer les jeunes dans cette société clanique qui détermine son mode de vie, son cadre de pensée et d’action. Dans l’ethnie Ding, l’éducation traditionnelle est l’action d’une communauté sur une personne. Il s’établit ainsi une double relation : la relation du groupe avec une personne et celle d’une personne avec le groupe. Grâce aux moyens traditionnels employés, ce type d’éducation permet à l’individu de devenir responsable et autonome : il prend des décisions et des initiatives. Membre à part entière de la communauté, l’individu doit, dans ses difficultés et son autonomie, compter aussi bien sur le village que sur le clan. Ceux-ci lui sont solidaires comme il l’est vis-à-vis d’eux.

Afin de mieux assurer l’autonomie de l’enfant, la tradition Ding procède par initiation et imitation, différentes selon les sexes. En effet, si l’on éduque séparément le jeune garçon et la jeune fille, c’est pour aider chacun à devenir adulte. En apprenant ce que fait son initiateur (trice), il est invité et obligé à faire exactement comme lui (elle). On pourrait dire que le « produit » final de cet « apprentissage » est la copie conforme de l’initiateur (trice). De même, on note une division sexuelle du travail : il existe des travaux pour hommes et des travaux pour femmes, sanctionnés souvent par des interdits. Cette division sociale du travail se fait au sein de la maisonnée. En revanche, l’ethnie Ding ne connaît pas de rites d’initiation comme dans d’autres ethnies comme les Pende, les Tshokwe, où l’on isole des enfants de plus ou moins 11 ans pour les soumettre à des rites et interdits afin de les faire passer de l’enfance à l’âge adulte et à la maturité. Quand un enfant réalise seul au moins un de ces travaux importants ou à risques (faire un champ, construire une maison, faire la chasse 140 , tendre des pièges, récolter les noix, tirer le vin de palme, tisser des pagnes avec les fils de raphias pour s’habiller), on dit alors qu’il est mûr. Il l’est aussi quand il s’engage dans la vie en se mariant, en choisissant un métier, par exemple.

Notes
138.

Cfr. E. GIRARDOT, Le projet d’avenir des jeunes écolières à IDIOFA ZAÏRE, Montrouge, Mai 1972, p. 59, cité par Florent MUFER Mbala, Formation et intégration des jeunes dans le monde rural. Etude d’un cas : Progrès Populaire à Idiofa (Zaïre), Mémoire pour le Diplôme, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris 1976, p. 31.

139.

MOUGNIOTTE, A., La Démocratie : idéal ou chimère…quelle place pour une éducation ?, Paris, Hongrie, Italie : L’Harmattan, 2002, p. 80.

140.

Les Ding distinguent deux sortes de chasse : dans la 1re, une chasse individuelle, odzwâm, où une personne est seule à chasser et, dans la 2me, opaâ, une chasse collective où plusieurs hommes se mettent ensemble pour faire la chasse, avec des chiens aux grelots, des filets et des arcs.