L’ethnie Ding organise une longue et laborieuse initiation pour certains adultes, ceux qu’elle considère comme les garants du mystérieux et de l’occulte. Il s’agit des guérisseurs (médecins traditionnels), des exorcistes, des mages, des prêtres de la terre, des voyants, des magiciens, des sorciers et des forgerons. Ils sont tous initiés à connaître les intentions secrètes et les desseins cachés de tous ceux qui habitent le « monde de la nuit » 142 et y évoluent : les êtres invisibles, les divinités, les génies, les mânes, les revenants, les morts et tous les êtres fabuleux. Ils dialoguent avec eux. Invisible à nos yeux puisqu’il dépasse la vue et le savoir des hommes ordinaires, ce monde est pourtant visible : il est au milieu de nous, dans nos maisons, dans nos champs, à la chasse, à la pêche, sur le chemin. Actuellement, certaines personnes voient ce monde dans beaucoup d’endroits publics, par exemple les hôtels, les restaurants, les marchés, les hôpitaux, les églises. Il n’est pas le royaume des ténèbres et des démons. L’initiation de tous ces adultes consiste à ouvrir les yeux au néophyte et à lui faire acquérir, par elle, « quatre yeux » 143 , afin de mieux l’introduire dans ce monde-là. Cependant, des mauvais sorts comme se perdre en forêt ou contracter quelque maladie mystérieuse, pouvaient être le plus souvent jetés aux non initiés. Une fois initiés, les guérisseurs Ding, par exemple, peuvent aller dans les cimetières ou dans certaines parties de la forêt, inaccessibles aux néophytes, peuplées de bosquets et d’arbres sacrés, pour y prélever des essences médicinales nécessaires 144 . Cette partie de la forêt contient des arbres sacrés et des lieux réservés aux cérémonies particulières comme le bain de purification des jumeaux, le choix d’un arbre, dont les grumes serviront de cercueil pour enterrer les morts ; ce choix était précédé d’un rite de prise de possession exigeant l’immolation de victuailles et des libations. Certains arbres sacrés sont considérés comme les réceptacles des âmes des ancêtres et des forces naturelles. Par exemple, on vénère un gros arbre foudroyé, sous lequel on peut soigner le munzel 145 . D’autre part, il existe aussi des cours d’eau 146 , où sont faites plusieurs cérémonies rituelles : la purification d’un enfant né d’une union incestueuse est la plus caractéristique. Ce rite commence au village ; il consiste à conduire la mère et son nourrisson en un lieu de la rivière afin d’y plonger neuf fois l’enfant dans l’eau. Il existe également des ablutions que les Ding font à l’occasion de la naissance des jumeaux, du désenvoûtement, des funérailles des adultes.
Cfr. HEBGA, M., Sorcellerie. Chimère dangereuse ?, INADES, Abidjan 1980, p. 32-33.
Cfr. E. de ROSNY, Ndimsi. Ceux qui soignent dans la nuit, Clé, Yaoundé 1974.
Lire B. BUJO, « La conception négro-africaine de la nature et le problème de l’écologie » dans E. FUCHS et M. HUNYADI, Ethique et natures, Labor et Fides, Genève, 1992, p. 153.
C’est une maladie qui provoque des frissons et de violents maux de tête.
Cfr. KINZAM, K., Exaltation solennelle chez les Ding. Analyse des figures de similitude et de contiguïté dans les chansons louangeuses, Mémoire de Licence, UNAZA, Lubumbashi, 1979.