I. - L’exploitation économique.

Les Ding orientaux ont connu l’occupation économique du fait du Roi Léopold II qui, dans son décret du 30 octobre 1892, accordait une zone ouverte à la liberté du commerce sur les rives du Congo et le bassin du Kasaï. Il s’était initialement basé sur l’acte final de la Conférence de Berlin (26 février 1885), dont le premier article stipulait la liberté du commerce 179 sur toute l’étendue du Bassin Conventionnel du Congo. Dans le bassin du Kasaï, ce décret concernait le territoire des Ding, la partie Nord entre le bassin du Lac Léopold II et du Kasaï et celui du Sankuru. Il concernait aussi les territoires du Comité spécial du Katanga à l’Est, les frontières de l’Etat, au Sud, et la rivière Inzia, à l’Ouest. Deux types de produits étaient recherchés dans tous les villages : le caoutchouc et l’ivoire. L’histoire économique et sociale des Ding orientaux concernait en particulier la Compagnie du Kasaï (C.K.) créée par le décret du 24 décembre 1901 du Roi Léopold II, afin de « civiliser » les indigènes. Pour toute l’Afrique, cette Compagnie avait pour siège reconnu Dima, « point de jonction de toutes les voies navigables ». Le pays des Ding orientaux y était le plus actif : « le travail dans les régions situées entre le 19è et 20è de longitude Est (bassin de la Lié et de la Lubué) jusqu’au 7è parallèle environ a été des plus actifs et des plus féconds en résultats. Cette région est entièrement occupée. » 180

Des centres tels que Lubwe, Mangai et Pangu ont acquis une grande importance. Cependant, l’abus de pouvoir des agents de la C.K. était double : ils se substituaient fréquemment aux administrateurs de l’État et ils imposaient des corvées aux indigènes ; cela valut, dès 1905, à la C.K. une opposition des Protestants anglais et des approches de la « Congo Reform Association de Casement et Morel ». Cette provocation a sûrement entraîné l’Etat dans la Question Congolaise (la campagne antiléopoldienne) contre laquelle la C.K. réagit vigoureusement de deux manières : en publiant deux brochures de propagande et en faisant un appel aux missionnaires de Scheut 181 pour l’hôpital de Pangu et la santé spirituelle des travailleurs indigènes. C’est ainsi que les Ding orientaux ont finalement été « civilisés » par l’apprentissage des valeurs que sont le commerce, le travail, l’argent, l’autorité. En effet, ce sont les agents de la C.K. qui les ont transmises parce qu’ils étaient très proches des indigènes. Néanmoins, l’exploitation du caoutchouc (de 1901 à 1913) n’a pas eu plus de succès que celle de l’ivoire. Cette faillite se comprend mieux si l’on pense à la concurrence commerciale que menaient d’autres sociétés basées, avant elle, sur toute l’étendue du Congo, pour les mêmes produits. Citons, par exemple, la « Nieuwe Afrikaansche Handels Vennootschap » (N.A.H.V.), la Société Anonyme Belge pour le Commerce du haut Congo (S.A.B.), filiale de la Compagnie du Congo pour le Commerce et l’Industrie (CCCI) dont une factorerie était déjà située à Bandundu depuis 1891. Pendant la colonisation économique la production de l’ivoire et du caoutchouc inaugura, chez les populations Ding, la modernité économique qui culmina dans l’accès à la technologie et au commerce. On vit, en fait, s’installer la Compagnie du Kasaï et de l’Equateur (C.K.I.) et circuler de l’argent. Il est évident que les Ding ainsi que les Ngwi aient connu ces valeurs : le commerce, la rationalisation, l’argent et la gestion. Car le premier Européen qui révéla la civilisation européenne aux Ngwi-Ding fut un commerçant. Cette influence commerciale dura jusqu’à 1900, qui vit la fin des représentants commerçants jusque-là présents chez ces peuples. Cette activité eut, pour sa stabilité jusque vers 1950, besoin de ports d’attraction pour des bateaux. Cela introduisit la valeur de technologie « moderne ». Les Missionnaires, notamment ceux du Cœur Immaculé de Marie, sont venus plus tard s’installer à Pangu (1910) et commencer à baptiser les premiers chrétiens. D’autres Blancs étaient des représentants de l’Administration coloniale.

Notes
179.

Mouvement Géographique, 1892, p. 89.

180.

Anonyme, Question congolaise. La Compagnie du Kasaï à ses actionnaires, Bruxelles, 1906, p. 32.

181.

Ce sont les Missionnaires de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM) initialement installés à Scheut, un faubourg de Bruxelles.