II. - La situation politico-administrative.

L’administration coloniale et le commerce ont permis la réalisation du processus de modernisation, qui reposait sur le projet de civilisation et d’occidentalisation des populations primitives. Par-là même, la voie était donc ouverte à la culture extérieure. Il faut retenir que, profondément, l’évangélisation, l’administration et le commerce constituaient les trois éléments de la « trinité » coloniale. L’évangélisation était la pierre angulaire de l’enseignement, selon deux approches différentes : le catholicisme et le protestantisme, dont l’implantation connut un rythme différent. Tandis que celle du protestantisme, au XIXè siècle, est plus ancienne que celle du catholicisme, l’évangélisation catholique, quant à elle, précise Isidore Ndaywel è Nziem, s’est déployée en deux temps : le premier entre 1482 et 1835 et le second commença vers 1880 182 . Le protestantisme n’a pas eu l’appui politique du souverain de l’État Indépendant du Congo ; il était même combattu. Ce qui n’était pas du tout le cas du catholicisme. Dans ces conditions, toutefois, l’évangélisation protestante, confirme Isidore Ndaywel è Nziem, avait aussi ses avantages : elle était moins ambiguë et ses missionnaires vivaient l’abnégation et la générosité.

Du point de vue des acteurs sociaux Ding qui ont vu s’établir les rapports entre les missionnaires et l’autorité coloniale, nous allons tenter d’analyser ces rapports et de voir leurs incidences sur les populations Ding et leur système politico-administratif. Tout d’abord, signalons que les Ding sont situés dans le district du Kasaï, qui existait depuis 1888 183 à côté de dix autres 184 . Il fallut attendre 1904 pour la création des secteurs reconnus comme unités administratives de police attribuées dans certaines régions, à des compagnies commerciales. Or, la Compagnie du Kasaï (1901-1913) administrait réellement jusqu’en 1913 les Ding orientaux qui l’avaient déjà accueillie, ainsi que le confirme Nicolaï : « Il n’y a pas dans cette vaste région du Kwango au Kasaï Supérieur, dans ce vaste territoire drainé par l’Inzia, le Kwilu, la Kamtsha, la Lie, la Lubwe et la Loange, un seul poste d’Etat. Ce sont des commerçants qui devaient seuls amorcer et poursuivre des relations difficiles avec des populations passablement belliqueuses. Ils devaient assurer la police, rendre la justice et assurer la représentation de l’Etat. » 185 Auparavant, le décret de 1910 sur les chefferies et sous-chefferies à base tribale régissait les populations indigènes elles-mêmes. Ainsi constatait-on, pour la « chefferie Ding Bambentshia », quatre sous-chefferies dont le Munken Mbel, Ibo et Ntor, à laquelle appartiennent les Ding orientaux. Kalanganda, la 4è sous-chefferie, abritait en majorité les populations Bambunda. On peut préciser que, à partir du 28 novembre 1913, les Ding orientaux furent régis par deux administrations territoriales : celle de Basongo pour les Ding de l’entre Lubwe-Loange et celle de Kamtsha-Lubwe pour les Ding de l’entre Piopio-Lubwe. Il s’agit de préparation économico-politique à l’évangélisation. De l’administration coloniale sont nées les valeurs de la rationalisation et de l’écriture. Aussi la gestion et la conservation des textes sortaient-elles quelque peu les autochtones de leur univers symbolique et oral, bien qu’efficace.

Notes
182.

Cfr. NDAYWEL E NZIEM, I., Op. Cit., p. 345-357.

183.

Cette date marque les débuts de l’histoire administrative du Congo et la division du pays en onze districts par le décret royal du 1er août. Le douzième (district) fut créé le 10 juin 1890 ; on l’appela le « Kwango oriental ». Toutefois et de manière générale, le Congo passa, en 1895, de douze à quinze districts.

184.

Banana, Boma, Matadi, Cataractes, Stanley-Pool, Kasaï, Equateur, Ubangi et Uélé, Aruwini et Uélé, Stanley-Falls et Lualaba.

185.

NICOLAÏ, H., Le Kwilu. Etude géographique d’une région congolaise, CEMUBAC, Bruxelles, 1963, p. 306.