2. D’hier à aujourd’hui

Les principales valeurs des populations Ding après l’Indépendance du Congo se comprennent mieux en les situant dans l’ensemble des valeurs coloniales congolaises 212 , celles qui ont été le plus en vue entre 1950 et 1960. Ce sont les valeurs économiques et les valeurs industrielles congolaises qu’on retrouve dans le développement économique de la colonie et du développement industriel du Congo. Les sociétés industrielles sont classées d’après les différents secteurs d’activité, les plus importantes étant l’industrie minière, l’industrie alimentaire, les entreprises financières et les entreprises diverses. Ces valeurs ont favorisé l’expansion économique du Congo sur le marché des valeurs congolaises et ont donc occupé une place très importante dans le portefeuille de nombreux épargnants belges et de la Bourse belge. Les sociétés minières sont les plus importantes et les titres de certaines sociétés ont été choisis le plus souvent comme valeur de placement. Tandis que l’Union Minière du Haut-Katanga, la Geomines (Compagnie Géologique et Minière des Ingénieurs et Industriels Belges), la Société des Mines d’or de Kilo-Moto et la Société Minière du Bécéka constituent essentiellement les valeurs de l’Union Minière, la brasserie Bralima 213 et la Belgika 214 sont des valeurs de l’Industrie Alimentaire qui fournit la consommation locale. La Compagnie Financière Africaine, qui participe non seulement à la constitution de toute entreprise commerciale, industrielle ou financière mais finance aussi les travaux publics ou privés, et la Banque du Congo qui a soutenu, par la capacité de ses dirigeants et l’essor économique du Congo, l’expansion industrielle et économique de la colonie, forment les Entreprises Financières. Quant aux titres des Entreprises Diverses 215 , on note la société pétrolière, la société de transport et la société d’électricité. Respectivement, on cite, par exemple, la Pétrocongo (Société des Pétroles du Congo chargée de créer l’outillage nécessaire pour l’emmagasinage et la distribution du carburant), la K.D.L. (Compagnie des Chemins de fer Katanga-Léopoldville chargée de l’électrification des tronçons routiers et de l’accroissement des matériels roulants) et la Colectric (Société Africaine d’Electricité). Les transports par eau, rail, route, air et l’énergie électrique furent énormément développés. Les domaines social et humanitaire, agricole et publique (la santé, l’environnement, l’habitat pour les indigènes et pour le personnel administratif, l’éducation, la nutrition, la promotion du paysannat indigène, les domaines scientifique et technique) connurent, eux aussi, un grand essor. Toutes ces sociétés citées ont connu une chute brutale à cause des événements politiques 216 douloureux du Congo, notamment ceux de juillet 1960 et de 1961.

Il existait donc, d’une part, les valeurs sociales et humanitaires comme l’environnement, la santé, l’éducation, l’habitat, le paysannat, l’artisanat, puis les produits de l’agriculture comme l’huile de palme, le riz, le caoutchouc et le coton, tout cela pouvant servir à la technologie et au domaine scientifique ; d’autre part, les Soiétés Financières, par exemple, La Banque du Cong Belge, La Compagnie Financière Africaine, et les Sociétés Industrielles et Textiles : Ciments au Congo, Colectric, Pétrocongo, K.D.L., Bralima, Geomines, Belgika, Bécéka, Union Minière du Haut-Katanga, Sociétés des Mines d’or de Kilo-Moto, Cotonco (Coton du Congo). Ce furent des valeurs boursières du Congo.

Au niveau institutionnel, il y eut perte de la valeur de l’autorité manifestée concrètement par la crise institutionnelle : l’Etat Congolais avait démissionné et avait perdu une vraie gestion de l’institution. De fait, « l’État a perdu toute autorité et tout contrôle sur les institutions. La justice elle-même a failli dans son rôle de régulateur des conflits. » 217 L’État Zaïrois négligea remarquablement le domaine de l’enseignement, oubliant la place de ce dernier, ainsi que celle des religions et des systèmes politiques grâce à ses comportements et à son style de pensée. Les efforts de changement des mentalités inaugurés par le Gouvernement de Transition (1990-1997) et soutenus par l’avènement des Kabila respectivement Père et Fils en passant par une prise de conscience de la détérioration du pays et de la dégradation des mentalités ne rencontrèrent que très peu de succès : les différents services de l’Etat se détournèrent de leurs objectifs initiaux. 218

Le domaine religieux, lui aussi, avait connu les conséquences de l’effondrement des institutions formelles du Zaïre. L’abandon des Eglises traditionnelles et officielles pour entrer dans les nombreuses églises indépendantes fut une solution efficace pour pallier la crise économique. Là, les adhérents ne devaient ni avoir faim, ni être au chômage, ni être victimes des contre-valeurs, mais leur nouvelle religion leur donnait l’image d’un Dieu qui avait des « solutions à tout problème ». Dans la plupart des églises, on l’appelait « La Solution des solutions ». Comme la sorcellerie 219 qui fut, pour les autochtones, une des valeurs traditionnelles contre laquelle a lutté l’évangélisation missionnaire, « ‘la prière’, écrit Isidore Ndaywel, est une alchimie à laquelle on recourt pour réussir dans une entreprise. La prière est même appelée à assurer le succès de combines, parfois des plus douteuses. Nombre de voyages d’affaires, en Europe et en Amérique, se réalisent à l’occasion de « conventions » de prière ou de pèlerinages. C’est, du reste, l’un des moyens les plus sûrs et les moins coûteux d’accéder au statut d’immigré clandestin.» 220 Cette façon d’agir montre une continuité dans la croyance en une force extérieure. Seulement, la sorcellerie était une recette matérielle alors que la prière est une recette spirituelle.

Au niveau économique, après l’indépendance du Congo, en particulier, les réactions des autochtones atteignirent leur sommet. De fait, de 1965 à 1970, la situation économique du Zaïre fut prospère et atteignit son apogée. On peut se rappeler la sensible augmentation du cours du cuivre et celle de la contribution de la Gécamines aux recettes de l’État aux environs des années 1969. Dans tous les domaines et dans beaucoup d’aspects de la vie sociale, il y avait stabilité. En 1973, la politique de la Zaïrianisation jeta, cependant, le pays dans une période de crise. Cette politique avait pour objectif de récupérer les filiales Zaïroises des sociétés belges et des entreprises commerciales étrangères et de les redistribuer aux Zaïrois. Ses fâcheuses conséquences sur le plan économique influèrent également le niveau social au Zaïre : elle créa une nouvelle structure d’inégalité sociale et aggrava les conditions de vie déjà précaires. Le pays connut le délitement de la société et le délabrement de son système étatique. Les Hauts cadres du MPR étaient appelés des acquéreurs et ils formaient une nouvelle classe politico-commerciale, celle de la petite bourgeoisie qui menait une vie aisée jusque 1990 avec l’avènement de la « transition démocratique ». Selon Falangani Mvondo Pashi, la « petite bourgeoisie » est « une catégorie faite de cadres de l’État, des sociétés privées et para-étatiques (ingénieurs, médecins, juristes, enseignants), donc des universitaires ou assimilés qui peuvent exercer diverses fonctions, mais dont les revenus (officiels) proviennent principalement d’un salaire régulier. » 221 L’économie formelle céda ainsi, complètement, sa place à une économie de l’informel ; chaque Zaïrois devait trouver ses moyens de survie et, donc, créer ses propres valeurs pour sortir, bon an mal an, de la crise déstabilisatrice. Profondément, ce fut une période d’anarchie et de corruption, qui plongea toute la nation d’abord dans le désespoir de rétablir non seulement l’économie formelle, mais, ensuite, surtout dans le scepticisme et le pessimisme par rapport à la capacité d’un nouveau gouvernement de créer le marché de l’emploi et de restaurer, par le fait même, la dignité de son peuple. Sur le plan économique, le passage de l’économie formelle à l’économie informelle a transformé la valeur de l’économie : partout, ce fut l’économie de la « débrouille », définie comme informelle, qui commença pendant la période de la transition démocratique au Congo-Zaïre. Elle a été le plus pratiquée, en général, par des « sans-métiers », des fonctionnaires de l’Etat, des bureaucrates, des enseignants. Actuellement, cette économie est, en particulier, pratiquée par les femmes et les enfants. Grâce à elle, la plupart des Congolais ont pu garder la santé et survivre au jour le jour. Ce passage a aussi transformé la valeur de la technologie ainsi que la valeur de l’argent. Caractérisée par son instabilité, l’économie de la « débrouille » a renforcé la perte de la valeur de l’argent. En effet, « …le Congo indépendant a toujours connu une monnaie instable. Depuis 1975, l’inflation n’est jamais descendue en dessous de 27% par an. Ce chiffre est celui d’une « performance » : il a été atteint dans la période où le FMI qualifiait le Zaïre de « bon élève » (1985). En moyenne, l’inflation annuelle a été de 64 % dans la période 1975-1989, et de 3, 616 % dans les années 1990-1995. La raison fondamentale de l’inflation rampante d’avant 1990 et de l’hyperinflation des années quatre-vingt- dix est que la monnaie zaïroise n’a pas seulement été un moyen d’échange, une unité de compte et une valeur d’encaisse, mais aussi un instrument étatique d’imposition. » 222 La monnaie congolaise n’a donc joué ni sa fonction économique ni sa fonction politique. De plus, la monnaie du pays a profondément perdu sa valeur, alors qu’il est devenu objet d’un goût effréné, même chez les enfants, et ce au prix de n’importe quel moyen. Mais il faut avouer également que le Congo a plusieurs fois connu la démonétisation de son argent. En même temps, la hausse des prix, les salaires dérisoires, le non-paiement des salaires et l’endettement n’ont pas favorisé la dignité de la personne ni le respect de la vie et des valeurs vitales fondamentales de la famille. Avec Passy, qui appelle « métier de transition » sa débrouille dans la boulangerie 223 , on est tenté d’affirmer donc que la période de la transition a donné naissance aux « métiers de la transition », à une économie de la transition, à une société de la transition, à des « institutions » de la transition et aux valeurs de la transition. Toutefois, l’Historien Isidore Ndaywel è Nziem fait remarquer que « le recours à l’informel ne constitue pas une innovation de la période de la transition. Il s’inscrit déjà dans la durée de l’histoire postcoloniale. Progressivement, avec la débâcle précoce de l’économie nationale, s’est imposée l’habitude du recours au petit commerce en vue d’arrondir de maigres revenus. Puis, le cadre professionnel formel a perdu de son utilité première au profit d’un espace de relations et d’échanges favorables à l’éclosion de ces activités.» 224 Les milieux urbains semblent devenir des « sociétés anonymes », où valeurs traditionnelles et modernes sont transformées et perdent continuellement leur valeur réelle. C’est comme si l’on vivait l’ère d’un imaginaire inventif : des mots nouveaux et des significations nouvelles, y compris la brouille des signes du pouvoir. On aura, par exemple, ces expressions fort employées dans les années quatre-vingt-dix : être « conjoncturé » ou vivre « au taux du jour » (être victime de la crise), pratiquer la « coop » (la « coopération » : magouille et trafic), les « dinosaures » (dignitaires de la seconde République), le « voisin » (le président Mobutu), les « bureaux » (les maîtresses au sens européen), les « laboratoires et les cartouches ». 225 Par voie de conséquence, une mutation de tous genres s’opère : on ne respecte plus les origines tribales, on change d’identité personnelle d’une région à une autre quand on court après des intérêts. On adopte ainsi des comportements liés aux circonstances des temps et lieux.

Au niveau social, cependant, les Autochtones firent preuve d’une mauvaise gestion de la « res publica » et de corruption. Ils créèrent gravement un clivage social et économique au Zaïre qui transforma négativement les valeurs. Ce fut le règne des contre-valeurs, si bien exprimées en termes de « Mal Zaïrois » stigmatisé globalement par le manque de conscience professionnelle, le manque de respect des biens publics et l’individualisme, le passage de la solidarité dans le bien à la solidarité dans le mal : « la coopération ». Cette grande crise tenait à des différents facteurs dont les principaux furent « les querelles politiciennes permanentes au sein des institutions de l’État, la crise socio-économique et l’inflation monétaire, les pillages de grande ampleur perpétrés au détriment des entreprises de production, en particulier en 1991 et 1992, le vol systématique des biens publics au niveau des ministères et des entreprises para-étatiques par les mandataires de l’État placés à leur tête, et la corruption généralisée prévalant dans ces institutions.» 226 Dans la société, on assiste, impuissant, à la transformation des valeurs. C’est le règne des contre-valeurs : la prostitution des jeunes filles et des étudiantes pour payer leurs études, la promiscuité, la corruption aussi bien par les étudiants que par les professeurs, le désengagement des parents à assumer les responsabilités, la déviance perpétrée par la consommation du chanvre, de la drogue et la pratique de l’escroquerie, du vol et de la criminalité. Diverses formes de la solidarité dans le bien (cette fois opposée à la « transitoire » forme de solidarité, la « coopération » ou la collaboration pour le mal) sont développées comme conséquence positive de l’économie informelle, Isidore Ndaywel è Nziem affirme que, pour la « débrouille », « il apparaît clairement qu’il n’y a aucune chance de succès, sans une pratique active de solidarité. La capacité de mobiliser des ressources et des moyens dépend de l’insertion dans une pluralité de réseaux de solidarité, comme les « amis du service », les frères et sœurs en Christ, les parents (maris, oncles, cousins, tantes)…La solidarité dont il s’agit, précise notre auteur, n’est pas nécessairement familiale. La famille traditionnelle fait l’objet de remises en cause, tant elle peut entraver ses membres les plus actifs, les obligations de la redistribution familiale faisant souvent obstacle à l’acquittement d’une dette envers un tiers. » 227 En clair, on peut donc dire avec Tshiamala Mujanji que « la situation économique et sociale du pays (Zaïre) n’a cessé de se dégrader depuis 1975. De nombreuses mesures ont été prises pour conjurer cette détérioration, mais vainement. La descente aux enfers s’est poursuivie, avec des conséquences socio-économiques désastreuses : le chômage des diplômés de tous les niveaux s’aggrave ; les salaires deviennent de plus en plus dérisoires, amputés par les dévaluations en cascade de la monnaie nationale ; la production agricole, tant pour l’exportation que pour la consommation locale, diminue ; la qualité de l’enseignement public baisse spectaculairement ; les soins de santé, qui se détériorent surtout dans le secteur public, ont des coûts de plus en plus prohibitifs aussi bien dans ce secteur que dans le privé ; des maladies endémiques, disparues depuis belle lurette ou qui n’avaient plus qu’une fréquence fort rare – la maladie du sommeil, l’onchocercose, la tuberculose – réapparaissent… » 228 Cette situation désastreuse favorisa, en revanche, l’esprit de créativité pour une autonomie économique et, même dans sa nouvelle forme, la solidarité (« la coopération » ou « la coop ») n’encouragea pas trop l’individualisme ou une bourgeoisie « égoïste ». On assista, en effet, aux initiatives privées de fondation des entreprises personnelles, des écoles et des organisations non gouvernementales comme solution même transitoire à certains problèmes sociaux ou économiques. Par rapport aux valeurs, Tom De Herdt et Stefaan Marysse affirment que la vie des Kinois, c’est donc aussi la quête désespérée de signes tangibles, de valeurs stables, de points de référence qui permettent de distinguer le bien et le mal, sans lesquels la sociabilité et donc le « libre échange » deviennent impossibles. » 229 « Que faire ? On ne peut viser à supprimer l’informel qui, d’ailleurs, joue, à plusieurs égards, un rôle indispensable et positif. Il faut tenter d’en réduire les méfaits et chercher à susciter, à partir des petites activités informelles, la création de véritables PME qui contribueront à l’essor économique du pays. » 230 Il faudrait ainsi créer une économie formelle. « La construction d’un « formel » qui viendrait prendre en charge le savoir-faire qui s’est développé pendant la transition, voilà un programme qui rentabiliserait tant d’efforts de créativité qui se sont déployés au cours de cette sombre période.» 231 Mais, pour corriger les dérives, il convient de leur proposer une éducation aux valeurs, susceptible d’aider à changer de mentalités. 

Au sujet de cette double occupation économique et administrative, on peut donc affirmer avec Augustin Sagne que, « malgré ces quelques points de conflits, missionnaires et administrateurs coloniaux eurent beaucoup de terrains communs : tous chercheront à s’appuyer auprès des chefs traditionnels, les uns pour favoriser leur apostolat, les autres leur gestion administrative et économique » 232 . Entre les Missionnaires et les Administrateurs coloniaux, il existait, par le fait même, une collaboration intéressée.

Notes
212.

NOBELS, P., Les valeurs coloniales depuis 1950 à nos jours, Mémoire des Sciences Commerciales et Financières, Université Catholique de Louvain, 1962.

Par son étude, l’auteur analyse les conséquences de la crise du Congo sur le portefeuille des actionnaires et épargnants belges depuis 1950. Selon lui, cette année est d’une double importance, d’une part, pour l’expansion économique du Congo et pour les valeurs boursières en Belgique et, d’autre part, elle met fin à la baisse des mêmes actions qui eut lieu au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

213.

La « Bralima », c’est l’ensemble de cette triple activité, la brasserie, la limonaderie et la malterie.

214.

C’est une entreprise agricole qui produit de façon variée l’huile de palme, la culture rizière, le caoutchouc et le coton.

215.

La Pétrocongo a soutenu l’essor de l’économie en lui fournissant l’énergie nécessaire pour sa réalisation. La K.D.L. contribua énormément à faire face aux besoins accrus de transport lors de l’expansion économique du Congo de 1950 à 1960, alors que la Colectric, une des sociétés de distribution d’électricité, fournit particulièrement l’électricité à Léopoldville.

216.

Il s’agit de « l’envoi, le 9 juillet, d’unités de parachutistes belges et le rapatriement des femmes et enfants de l’ex-colonie ; le 10 juillet, la proclamation par M Tshombé de l’indépendance de la province katangaise ; la rupture, le 14 juillet, des relations diplomatiques avec la Belgique ; l’occupation civile et militaire du Congo par l’O.N.U. vingt jours après son indépendance » et d’autres faits comme les accusations lancées contre la Belgique. Il faut aussi ajouter l’incapacité du Conseil des Commissaires congolais installés en septembre 1960 par le colonel Mobutu à redresser la situation politique du Congo.

217.

Idem.

218.

Cfr. TSHIAMALA Mujanji, Quelques visages de l’informel. Le cas de la ville de Mbuji-Mayi, in de Gauthier de VILLERS et alii (sous la direction de-), « Manières de vivre. Economie de « débrouille » dans les villes du Congo/Zaïre », Cahiers Africains, N° 49-50 (séries 2001), Paris, Tervuren, L’Harmattan, Institut Africain CEDAF 2002, p. 63.

219.

Chez les Ding, le ndoki (sorcellerie)est perçu comme une sanction contre l’immoralité, le vol et comme moyen de protection pour soi-même ou la communauté. On devient ndoki (sorcier) par un sacrifice humain ou une redevance à payer pour acquérir cette puissance surnaturelle qui lui permet d’agir ou d’opérer. Dans la tradition Ding, le ndoki (sorcellerie) assure la protection du groupe (famille, village, clan). C’est aussi une façon de sanctionner les personnes victimes de conduite immorale et les récalcitrants de la société. Comme tel, le ndoki assure la discipline dans la société. Ce double objet du ndoki est respecté de tous les Ding. Ainsi, par exemple, certains villages avaient leur ndoki contre les maladies et les attaques extérieures. Le village Bampum Lukumu ou Bampum Laken Okpa est, par exemple, un village protégé contre la foudre qui n’y tombait jamais. Dans ce village, en effet, on trouve un gros arbre sous lequel les ancêtres ont enterré les fétiches protecteurs du village contre la foudre. Ces fétiches, faits de crapauds, agissent chaque fois qu’une foudre menace de tomber, pour dévier sa trajectoire. Le chef de clan ou de famille a également des fétiches pour protéger son clan ou sa famille des attaques de sorciers d’autres clans ou d’autres villages. Personne ne peut envoûter un membre de son clan, sans le consentement du chef de clan ou sans aucune vraie raison. Les chefs de villages et de clans forment une confrérie ; ils se concertent toujours pour tous les problèmes dans le village. Un enfant impoli, un homme ou une femme qui a commis l’adultère, un voleur peut être ensorcelé et, pour en être guéri, il doit publiquement demander pardon lors d’une cérémonie de réconciliation au village ou dans le clan. On lui frottera le caolin (otungn mpiam) et un féticheur sera désigné pour le soigner (osa maso). Le cas le plus grave, c’est le recours à la pratique de la lance (ekong) quand on a épuisé toutes les voies pour punir ou quand le cas est très grave. Elle entraîne souvent la peine de mort. Les autres sont souvent punis par une sorte de grave malédiction que les Ding appellent Evu. En général, dans la conception Ding, ce n’est pas n’importe quelle personne dans le village qui pouvait détenir les ndoki. C’était une affaire jalousement réservée aux chefs de clan, du village ou à une catégorie de la communauté. Ainsi, pour les Ding, le kindoki (la sorcellerie) se transfère du père au fils, de l’oncle au neveu. Il ne fallait pas le prendre ailleurs, car chaque communauté a ses secrets, sa tradition au sujet de ndoki et sa place dans la confrérie.

220.

Ibid., p. 166.

221.

FALANGANI MVONDO PASHI, Paupérisation de familles petites-bourgeoises et transformation des valeurs en période de crise, in de Gauthier de VILLERS et alii (sous la direction de-), « Manières de vivre. Economie de « débrouille » dans les villes du Congo/Zaïre », Cahiers Africains, N° 49-50 (séries 2001), Paris, Tervuren, L’Harmattan, Institut Africain CEDAF 2002, p. 113.

222.

Tom DE HERDT et Stefaan MARYSSE, La réinvention du marché par le bas. Circuits monétaires et personnes de confiance dans les rues de Kinshasa, in Revue de Gauthier de VILLERS et alii (sous la direction de-), « Manières de vivre. Economie de « débrouille » dans les villes du Congo/Zaïre », Cahiers Africains, N° 49-50 (séries 2001), Paris, Tervuren, L’Harmattan, Institut Africain CEDAF 2002, p. 175.

223.

Cfr. NDAYWEL E NZIEM, I., Le territoire médical à l’épreuve de l’informel. « Survivre » comme infirmière aux Cliniques Universitaires de Kinshasa, in Revue de Gauthier de VILLERS et alii (sous la direction de-), « Manières de vivre. Economie de « débrouille » dans les villes du Congo/Zaïre », Cahiers Africains, N° 49-50 (séries 2001), Paris, Tervuren, L’Harmattan, Institut Africain CEDAF 2002, p. 141-169.

224.

NDAYWEL E NZIEM, I., Op. Cit., p. 160-161.

225.

« Laboratoires » , terme qui désigne un espace de réflexion et de travail (une cabane en plein air, des toilettes, une salle de classe, un trou profond discrètement recouvert de paille)où des intellectuels (anciens élèves ou personnels) répondent aux items d’Examens d’Etat pour les élèves en salle d’examens. « Cartouches », c’est le résultat obtenu : des réponses marquées sur des morceaux de papiers aux écritures fines et concentrées, à donner aux élèves en salle d’examens. Ces morceaux de papiers enroulés sont comme des munitions.

226.

Cfr. FALANGANI MVONDO PASHI, Op. cit., p. 113.

227.

NDAYWEL E NZIEM, I., Op. cit., p. 164-165.

228.

TSHIAMALA Mujanji, Quelques visages de l’informel. Le cas de la ville de Mbuji-Mayi, in de Gauthier de VILLERS et alii (sous la direction de-), « Manières de vivre. Economie de « débrouille » dans les villes du Congo/Zaïre », Cahiers Africains, N° 49-50 (séries 2001), Paris, Tervuren, L’Harmattan, Institut Africain CEDAF 2002, p. 66.

229.

Dom DE HERDT et Stefaan MARYSSE, Op. Cit., p. 174.

230.

Ibid., p. 140.

231.

NDAYWEL E NZIEM, I., Op. cit., p. 169.

232.

Cfr. SAGNE, A., Op. Cit., p. 582.