1. Les Missionnaires de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM) ou Missionnaires de Scheut, à Pangu.

LaCongrégation du Cœur Immaculé de Marie (« C.I.C.M ») fut fondée en 1862 par un prêtre diocésain, Théophile Verbist. L'appellation de Missionnaires de Scheut par laquelle ses membres sont connus tire son nom du faubourg de Bruxelles où la congrégation vit le jour. À l’origine le fondateur l'avait destinée à l'évangélisation de la Chine mais, par la volonté insistante du roi Léopold II, elle s'était retrouvée, dès 1888, propriétaire du vaste Vicariat de l'État Indépendant du Congo.

Quant aux fondations, les pères Scheutistes ont réalisé des œuvres qui méritent attention et gratitude de la part de la population congolaise. Arrivés au Congo en 1888, ils se sont rendus à Kwamouth pour occuper, sur la rive droite du Kasaï, la mission Notre-Dame de Bungana, abandonnée par les pères Blancs depuis le mois de mars précédent. Cette première fondation reçoit le nom de Berghe-Sainte-Marie parce que son existence ne fut possible que grâce au soutien financier de Mgr Oswald-Marie van den Berghe, curé de la paroisse Saint-Joseph d'Anvers. À partir de cette mission-mère, les Pères de Scheut vont d'abord remonter le fleuve pour fonder à Makanza, chez les Bangala, la mission de Nouvelle Anvers (1889); ensuite, Eméri Cambier ira à la conquête du Kasaï, où il fonde Mikalayi-Saint-Joseph en 1891. C'est cette dernière mission qui intéresse notre étude car c'est de son extension que naîtra Pangu, chez les Ding orientaux.

Rapidement la Mission de Mikalayi prend un extraordinaire essor. Par un décret du 26 juillet 1901, la Propagande sépare la 'Mission du Haut-Kasaï' du vicariat apostolique du Congo indépendant. Le 20 août, E. Cambier en est nommé supérieur. A ce moment la nouvelle circonscription compte déjà cinq missions : Mikalayi ou Luluabourg-Saint-Joseph (1891), Mérode-Salvator (1894), Saint-Trudon (1895), Hemptinne-Saint-Benoît (1897) et Tielen-Saint-Jacques (1898). Dès le 18 mars 1904, la Mission du Haut-Kasaï est élevée au rang de Préfecture apostolique, bordée à l’Ouest par la rivière Lubwe en plein territoire des Ding, et ayant comme titulaire E. Cambier, qui rentra définitivement en Belgique en 1913. Par un autre décret romain du 13 juin 1917, cette préfecture deviendra vicariat apostolique dont le premier vicaire apostolique fut August De Clerq, pour s’occuper d’une population catholique de 60 000 âmes réparties entre 18 stations, dont Pangu. Le projet de l'érection de la mission de Pangu daterait de 1904 ou 1905 lorsque la C.K. eut l'idée de construire un hôpital pour ses travailleurs et entendit en confier la direction aux pères, tandis qu’elle s'occuperait elle-même de l'engagement d'un médecin et verserait aux pères des subsides pour leur entretien. La direction de la C.K. à Dima commença une série de démarches auprès du père E. Cambier. Les recherches 234 récentes de Flavien Nkay qui reprend les propos du Père Schheitler, montrent que Pangu n'était pas fondé le 14 juillet mais bien plus tard, comme l’écrit le père Janssens, un de ses fondateurs,:" Le 12 novembre de l'année 1908 les R.R.PP. Janssens & Grombé et le R. Frère Isidore Bracke quittant la mission de Mushenge Lukengo sont arrivés à Mpangu envoyés par le Révérendissime Père Préfet et le R.Père Provincial pour fonder la Mission de Pangu-Hôpital. Ils y sont venus par steamer N.D. du Perpétuel secours avec une vingtaine de familles chrétiennes, une douzaine d'orphelins et une quarantaine de travailleurs 235 ". Les débuts de la nouvelle mission n'ont pas été de tout repos pour les nouveaux arrivants. Rien n'avait, au préalable, été préparé : « Ici à Mpangu, ils sont arrivés tout à fait à l'improviste c.-à-d. qu'il n’y avait rien de préparé pour les recevoir et qu'ils ont dû loger avec la plus grande partie des caisses dans deux chambres qu'après deux jours le Docteur de la Compagnie M. De Mey a bien voulu mettre à leur disposition dans l'ancienne maison des Magasins généraux 236 ". La même recherche confirme qu’il existe une importante documentation sur les origines et les progrès de la mission de Pangu jusqu'à son déclin en 1919. À côté des notes du Père Janssens dont nous venons de citer des extraits, il existe un autre document de grande importance, les diaires de la mission, soigneusement conservés aux archives des Scheutistes à Rome. Ici aussi, on trouve les listes des missionnaires qui ont oeuvré à Pangu, les lettres de certains missionnaires, la correspondance avec la C.K., les agents de l'État et la hiérarchie ecclésiastique. Les Missions en Chine, aux Philippines et au Congo publiaient aussi quelques articles sur cette mission. Il serait par ailleurs intéressant de confronter les sources missionnaires avec les témoignages des agents des compagnies commerciales qui ont vécu dans la région, notamment à Mangai et à Lubwe.

Les Pères arrivent dans la région au moment où la maladie du sommeil fait des ravages. Leurs premiers baptisés l'ont été in articulo mortis. Avant de se lancer à la conquête du pays intérieur, ils ont d'abord sillonné les rives du Kasaï en allant en aval jusque Dima. À Mangaï, ils établiront une école chapelle : "L' établissement de l'école chapelle de Mangay au milieu d'une population très attaquée par la maladie du sommeil mais bien disposée en même temps qu'elle offrira l'occasion d'envoyer beaucoup d'âmes en Paradis, sera toutefois une source de dépenses aussi 237 ." À l’intérieur, les missionnaires de Pangu, après avoir fait connaissance avec les Ding orientaux, dont ils nous ont laissé de précieuses descriptions, visitent les Lele, les Wongo, les Ambuun et les Pende. A la mission même, la population était très hétérogène. À côté des Ding, des Banzadi, des Ngwi, des Lele, des Wongo et des Pende, les Pères parlent des Luba, des Baja, des Basongomeno, des Bena-Lulwa, des Bene - Kama... C'est l'époque où s'opère le premier brassage des populations, qui conduira à la création, le long du Kasaï, de centres extra-coutumiers comme Baningville, les cités de Mangaï I et II, et celle de Dibaya-Lubwe. Les Pères organisent à Pangu un orphelinat pour garçons et pour filles, des écoles où garçons et filles suivent des leçons quotidiennes; l’hôpital de la Compagnie du Kasaï où ils vont administrer les sacrements aux malades, une pharmacie où il y a même un infirmier noir qui soigne, un catéchuménat où le catéchisme est donné aux adultes, un bateau, des élevages. Beaucoup de missionnaires 238 avaient œuvré à Pangu entre 1908 et 1919. Ils se sont fait aider par les indispensables catéchistes éparpillés dans six postes dont les plus connus restent Dima, Mangaï et Lubwe. Quant à la suppression de la mission en 1919, elle était prévisible dès 1912, lorsque la Compagnie du Kasaï supprima son hôpital et, en 1913, ses subsides aux missionnaires. À partir de ces années, en même temps que les supérieurs du Vicariat multiplient les contacts épistolaires avec les instances romaines et les Jésuites de la Préfecture voisine du Kwango, les Pères, sur place, se plaignent du manque de moyens et de la longue distance qui les séparait de Luluabourg. À la fin de l'année 1918, les derniers Scheutistes quittent Pangu, en laissant derrière eux 400 enfants à la mission et après avoir baptisé 800 personnes. C’est le Bref pontifical du 2 mars 1921 qui confiera à la préfecture limitrophe du Kwango la partie du Vicariat située à l'Ouest de la Loange. Toutefois déjà, dès 1920, les Pères Jésuites avaient visité cette région et noué des contacts avec les anciens de Pangu.

Notes
234.

Cfr. NKAY MALU, F., Les Missionnaires catholiques chez les Ding orientaux de la République Démocratique du Congo. 1885-1964, Mémoire de D.E.A. Histoire Religieuse, Université Lumière Lyon 2, Lyon, 2001 et sa Thèse de doctorat en Histoire Religieuse des Ding orientaux…

235.

JANSSENS, A., Notes sur la Mission de Mpangu, le 27 juin 1912, Rome, Archives générales des Missionnaires de Scheut, Dossier Z/III/b/3/1/21, p.8.

236.

Idem.

237.

Idem.

238.

Il s'agit des Pères Auguste Janssens, Crombé, René Baerts, Sterpin, Van Aelst, H.Moons, Van Oost, Laemont et des frères Isidore Bracke et Amandus.