1. Les Sœurs de Marie de Namur et leurs activités

Selon le droit de l’Eglise et sous sa forme actuelle, la Congrégation des Sœurs de Sainte Marie de Namur est une institution de droit pontifical. Elle a été fondée en 1819 par le père Nicolas Joseph Minssart et elle fusionnera avec le groupe initié par Rosalie Nizet. Ses Constitutions, approuvées le 21 septembre 1834, lui assignent comme buts le soin aux malades et l’éducation des jeunes filles désœuvrées. Elle est sollicitée en 1922 par les Jésuites pour rendre service à la Mission du Kwango. Voici comment une religieuse décrit leurs débuts au Congo : « Les Sœurs de Saint-Marie de Namur aspiraient depuis longtemps à l’honneur de coopérer au Congo, à l’œuvre magnifique de civilisation et d’évangélisation qu’y poursuit glorieusement la Belgique. L’heure providentielle sonna enfin : le premier groupe de cinq missionnaires s’embarqua à Anvers, le 11 septembre 1923. Elles furent d’abord fraternellement initiées à leur mission, par les Sœurs de Notre Dame, à Kisantu, et par les Franciscaines Missionnaires de Marie, à Léopoldville. Le 18 décembre, elles s’installaient enfin au poste que leur avait assigné la Providence : à Leverville (Kwango) au confluent du Kwilu et du Kwango. La mission des Pères Jésuites y était en pleine voie de prospérité au point de vue de l’apostolat de la jeunesse masculine ; mais rien encore n’avait pu être réalisé en faveur des enfants et des fillettes. Les Sœurs se mirent vaillamment à l’œuvre, elles inaugurèrent successivement des classes élémentaires, un dispensaire, la consultation des nourrissons,- tout en assumant la direction du lazaret des Huileries du Congo Belge (H.C.B .) et en exerçant leurs fillettes aux travaux de défrichage et de culture. » 261 Parties de Leverville, le 17 juin 1928, les Sœurs arrivent à Ipamu quelques jours plus tard, elles y resteront jusqu’à 1937. Ici elles soignent les malades, assurent consultation des nourrissons, préparent les femmes aux sacrements et tiennent les classes. Pour les jeunes filles, en particulier, la perspective d’éducation scolaire ne s’est pas réalisée sans peine, car leur mentalité est traditionnellement façonnée par l’idéal de cultiver les champs et de mettre au monde de nombreux enfants. À ce sujet la Sœur Anne-Marie, des Sœurs de Saint François de Sales, témoigne : « Pour obtenir de nos élèves l’effort nécessaire, il fallut même faire briller à leurs yeux l’appoint financier dont bénéficierait plus tard leur foyer. Elles restaient sceptiques, souriaient… » Une jeune fille, gagner de l’argent ?...Ce n’est pas possible. » Ellesn’avaient pas compris que nous attendions d’elles non plus une aide bénévole maisun service. Durant leur enfance au village, nos jeunes filles n’ont pas été habituées à un travail régulier. L’obligation de faire la classe chaque jour durant un temps déterminé, de suivre toujours un horaire, de tenir même un journal de bord les laissait rêveuses. Leur besoin d’indépendance, leur versatilité s’accommodaient mal de cette régularité assez astreignante. Et puis, être instruite, c’est être responsable. Il faut s’oublier pour se dévouer au service de 30 ou 40 petits qui vous sont confiés, déployer toute son ingéniosité et son bon vouloir pour ouvrir leurs intelligences et façonner leurs cœurs. » 262

Ces nouvelles institutrices autochtones sont maintenant à l’aise et sans complexe. Leur influence est profonde auprès des enfants Noirs, en particulier auprès des Ding : elles unissent enseignement et apostolat grâce aux méthodes acquises au cours de leurs études.

« À l’Ecole d’Apprentissage Pédagogique, précise la Sœur Anne-Marie, la méthode d’enseignement a été conçue en fonction de la mentalité et du type d’intelligence africains. Les principes d’éducation sont enseignés de la façon la plus concrète et la plus vivante qui soit. Chaque règle donnée est aussitôt illustrée de multiples exemples et de directives précises : « Il faut faire ceci…ne faites jamais cela. » Pour nos élèves, un tout petit exemple vaut mieux qu’un long discours.  On s’attache ensuite à la pratique de l’enseignement : pour que les futures institutrices apprennent à se conformer à une méthode, on la leur expose au cours de plusieurs leçons modèles. Encore cette méthode ne sera-t-elle comprise pratiquement que le jour où chaque élève aura à l’expérimenter aux classes d’application. C’est là que la monitrice en herbe sent qu’une marche méthodologique doit être suivie. Elle constate qu’à se laisser porter par l’inspiration du moment, à travailler « la bride sur le cou », comme elle est toujours tentée de le faire, on aboutit à de piètres résultats. Aussi, dans la critique qui suit l’une de ces leçons données par l’une d’elles, le premier point examiné par les compagnes est le suivant : ‘ A-t-elle suivi la marche ?’ » 263 Cependant, faute de personnel, les Sœurs de Sainte-Marie de Namur cèdent leur maison d’Ipamu aux Sœurs de Saint François de Sales, auparavant installées à Mwilambongo.Quelques sœurs relatent 264 leur expédition de secours médicaux au village Nkaynkung pour y soigner des personnes atteintes de la dysenterie amibienne. Joyeuses d’avoir réussi cette tâche après cinq visites et d’avoir joui d’une chaude hospitalité et d’une étonnante curiosité des Ding, ces courageuses infirmières regagnèrent Ipamu. Elles étaient très heureuses de se faire admirer, autant d’ailleurs qu’elles-mêmes admiraient la forêt et les enfants pendant leurs promenades. Pour répondre à la générosité de l’accueil, elles distribuèrent à tous des médicaments, aux jeunes comme aux adultes. On ne peut que regretter leur départ définitif d’Ipamu, aux environs de 1935, où elles seront remplacées par les Sœurs de Saint François de Sales.

Notes
261.

Missions belges de la Compagnie, 1930, p.123.

262.

Sœur ANNE-MARIE, Un nouvel idéal pour la femme africaine. Le beau métier d’éducatrices, in Pôle et Tropiques, Février N°2, 1954, p. 10.

263.

Sœur ANNE-MARIE, Op. Cit., p. 11.

264.

Cfr. Anonyme, Place aux « Ba Masoeur » Infirmières !..., in Messager, Mai 1934, p. 104-106.