D’une façon générale, nous n’avons pas constitué un échantillon, vu le caractère ambivalent et complexe du thème de notre recherche : sa délicatesse et son caractère abstrait nécessitent, en effet, pour répondre, un certain niveau de formation. Mais, nous avons cherché, le plus possible, le côté pratique, d’abord quasi facile pour les Ding de tous niveaux, dès lors qu’on parle de ce qu’ils aiment le plus et de leur quotidien.
Nous avons mené des entretiens individuels et collectifs, sans cibler, à l’avance, des personnes, et avons privilégié les interviews en groupe : ce sont autant de discussions en profondeur, pouvant compléter les réponses au questionnaire écrit. Celui-ci a été également remis à quelques intellectuels Ding, pour recueillir leurs réponses. Certes, notre enquête manque d’un échantillon représentatif. Néanmoins, elle a été réalisée auprès de personnes qui ont accepté de participer librement à notre recherche. Nous l’avions présentée comme la nécessité de recueillir des riches informations sur la tradition Ding, en vue d’une réécriture. Nous n’aurions eu personne ou très peu de disponibilités si nous avions couru le risque de cibler des personnes à l’avance. Ce n’est pas tant par désintérêt à l’égard de la recherche, mais par manque de temps lié aux obligations familiales ou personnelles pressantes en temps de crise et de chômage aigus que de donner son temps à quelque chose qui ne « paie » rien en retour.
Pour des interviews individuelles, nous avons choisi en premier des personnes capables de nous renseigner abondamment en raison de leur âge et de leur instruction scolaire, de niveau supérieur. Le papa Lucien Mbiapa 288 et quelques étudiants longuement entretenus pendant l’enquête ont largement satisfait à ces critères. Néanmoins, le critère d’instruction a entravé le choix de certains intellectuels Ding plus disponibles pour un questionnaire écrit que pour des entretiens.
L’objectif de l’analyse de ces interviews, c’est aussi de voir si elles attestent ou non les conflits de valeurs constatés dans les racines historiques traditionnelles et occidentales et confirmés éventuellement dans les manuels scolaires.
Nous avons également eu des entretiens semi-directifs, avec un guide d’entretiens, de questions, de réponses par dialogue progressif, à bâtons rompus, avec des relances. Un bon groupe de nos enquêtés était sollicité par rendez-vous téléphonique sur le critère : « C’est un Ding oriental ». Entre nos enquêtés, la majorité des contacts sont déjà noués avant; car on ne vient pas par hasard. Un lien les marque et ils se reconnaissent entre eux : relations par le village, le quartier, les familles, le secteur ou la collectivité, ou une amitié. D’autres, la majorité, c’est-à-dire ceux qui ont directement répondu à nos questions, ont été repérés à l’occasion de deuils, de fêtes de mariage, par exemple. C’est en des telles circonstances que la plupart de nos interviews furent réalisées, car il y avait du monde.
A toutes les personnes rencontrées s’ajoutaient librement celles qui voulaient dialoguer avec nous et nous renseigner sur les traditions culturelles Ding. Se mit alors en place une population à majorité masculine, composée d’agriculteurs, d’enseignants et d’étudiants. Le groupe d’agriculteurs ne comprenait aucune femme. Toutefois, la plupart des hommes mariés venaient chacun avec leur épouse, mais aucune ne participait à ces entretiens, sauf à assister et à s’occuper des tâches matérielles. Quelques-unes répondaient quelquefois, leur niveau étant très faible (elles n’ont pas fait d’études). Parmi les agriculteurs, on en trouvait qui n’avaient pas étudié ou étaient d’un niveau moyen et faible. En revanche, quelques intellectuels de niveau supérieur venus assister à un deuil ou à un mariage les rejoignaient quelquefois et participaient aux interviews. Les élèves scolarisés ne furent pas interrogés en raison de la difficulté d’obtenir l’image réelle de l’école congolaise actuellement. Ainsi, nous nous sommes rabattu sur les manuels scolaires, car la situation sociopolitique de notre pays pendant l’enquête était marquée par l’insécurité et la crise économique, l’instabilité du système scolaire et l’éclatement ou le morcellement des institutions. Tout cela aurait certainement provoqué la mobilité de la recherche et le déplacement continuel de la problématique, sans oublier la prolongation de la durée de recherche et l’incertitude de la finir et de la mieux réaliser. L’instabilité de la situation économique et/ou la stagnation de la dégradation de la situation sociopolitique auraient sans doute augmenté la distance entre le chercheur et son objet d’étude (mobilité des acteurs sociaux et différents rapports avec les milieux socio-historiques, avec le contexte, et surtout avec l’objet d’étude). Elles auraient également minimisé l’importance de la recherche. La volonté politique de la reconstruction du pays et la dégradation de l’économie auraient pu rendre difficiles les démarches du chercheur, et peu ouvertes ses relations. Nous avons finalement interviewé environ 52 personnes.
Les variables sexe, âge, niveau d’instruction et identité Ding à travers attitudes et comportements ont contribué à l’explication de conflits de valeurs.
Un de nos Informateurs en RD Congo, in Annexes I : Renseignements sur les personnes interviewées.