1.3. Analyse des résultats

1.3.1. Les Ding face aux valeurs de la colonisation et du christianisme.

«  La collaboration du christianisme avec la colonisation a favorisé l'acculturation des Ding  » (EC).

Chez les Ding orientaux, l’Occident a introduit la culture, l’instruction, le complexe de supériorité et la communication. Ces valeurs ont rejoint celles de la religion traditionnelle, de la croyance et du culte des Ancêtres, de l’obligation de la conscience morale, du respect de la coutume traditionnelle, de la polygamie et de la sorcellerie sous tous ses aspects. Les Ding orientaux distinguaient les fétiches de la sorcellerie nuisible et destructrice. Les fétiches servaient à guérir les maladies ou à protéger le clan, le village, les activités agricoles. Les Ding orientaux pouvaient avoir le lagnak (philtre d’amour), le lanié (pour dominer ou avoir de la chance) ou du niang (pour avoir beaucoup de produits agricoles). Sous son second aspect, la sorcellerie est employée pour nuire aux personnes ou aux biens. Cet objectif aboutissait à un meurtre. Les Ding orientaux utilisaient la pratique d’ékong (lance) 298 pour le réaliser. L’objectif de cette pratique était de lutter contre ces contre-valeurs : la paresse, le vol, l’oisiveté, le mensonge, son but étant de punir celui qui nuisait à la vie et à la paix des Ding orientaux. Pour eux, l’usage d’ékong fut le gage de la sagesse : les membres du village se réjouissaient ; il n’y avait plus de vol ni de mensonge, ni de meurtre. Mais, la sorcellerie destructrice apporte aussi des valeurs comme l’honnêteté, le travail et la vérité. C’est-àdire que le fait, pour les Ding orientaux, de prendre conscience des effets destructeurs de la sorcellerie les prédisposent, en contre-partie, à se prémunir contre ses effets « pervers ». Toutefois, avant la colonisation et l’évangélisation, les Ding orientaux connaissaient bien Dieu, mais pas Jésus Christ. Ils avaient des valeurs ancestrales jalousement conservées.

Le christianisme, lui, a introduit la prière comme cette relation personnelle avec Dieu. C’est un acte de foi et d’espérance en vue du salut. On distingue les prières de louange, de demande, d’intercession, d’action de grâce, que l’on peut dire seul ou en communauté.

Les Ding orientaux ont accueilli le christianisme sans heurts, faisant preuve de grande hospitalité et de générosité, partageant, non seulement avec les Occidentaux, nourriture, logement et produits de la cueillette, mais aussi avec beaucoup d'ethnies congolaises et africaines. Ainsi se sont-ils montrés bienveillants aux personnes d'origine étrangère. Ils ont joué le rôle de protecteur de la vie de ces dernières par certains fétiches. Chez les Ding orientaux les étrangers étaient préservés de la mort.

Au-delà de leurs effets positifs de l'ouverture des Ding orientaux au monde et de leur apprentissage de la charité, l'imbrication de la colonisation et du christianisme a eu des conséquences néfastes. Le christianisme a également imposé la monogamie, s’opposant vigoureusement à la polygamie régnante, à la sorcellerie et au culte des ancêtres. Il a même empêché l'usage du fétiche protecteur, alors que, porteur de la vie, il était objet de la bienveillance de fétiches protecteurs et de leurs garants. Pour les Ding orientaux, la suppression, par le christianisme et la colonisation, de ce qui leur donnait santé, vie, est perçue comme une contradiction intrinsèque flagrante par rapport à leurs objectifs propres. Ainsi qualifient-ils, par exemple, la colonisation d'être une punition sévère, mieux un esclavage :

‘« C'était de la servitude. » Le colonialiste est concrètement considéré comme assaillant, et ses méthodes « n'ont pas également été bonnes sur le plan social, politique dans la mesure où cela était plus avantageux aux colons qu'aux peuples congolais en général et aux peuples Ding en particulier » (EC). ’

De fait, l'application du message évangélique et de valeurs occidentales de technologie, d'économie, d'argent, de gestion, de rationalisme et de commerce les a transformés : ils connaissent l'individualisme et la pauvreté sociale, matérielle et anthropologique. Par la suppression du troc pouvant leur permettre la rencontre de personnes et l'échange, et son remplacement par le commerce et l'argent, ces peuples semblent perdre les valeurs ancestrales de solidarité et d'amitié. Ils connaissent la destruction de l'environnement, de la faune et la flore. Tout cela les enracine dans leur propre culture. Dans ce sens, le christianisme fut perçu donc, chez ces populations, comme un vecteur de contre-valeurs : l'enfermement et l'individualisme. Cette série de contradictions portent en elles-mêmes des points de discontinuité-continuité importants : la consolidation de nouvelles cultures et la formation d'une nouvelle société :

‘« La colonisation a apporté le métissage de races, de cultures dans des villages, des cités surtout. On pourrait, à ce sujet, dire que certaines cultures émergent sur d'autres. » (EC).’
Notes
298.

Chez les Ding orientaux, ékong était aussi un fétiche protecteur fait de la mixture de cheveux et d’ongles d’un défunt, que l’on dépose dans une casserole nécessaire pour détecter celui qui a jeté le sort. Pratiquer ce fétiche signifie tuer symboliquement quelqu’un (le présumé coupable d’un vol, d’un meurtre, ou d’une pratique morale ou sociale contre-indiquée) avec une matière pointue (une flèche, un couteau) visée dans un vase contenant de l’eau où l’on voit la personne. On pouvait aller voir une personne réputée dans l’exécution d’ékong ou on pouvait se faire procurer ce fétiche que l’on déposait soi-même là où l’on voulait de la protection (un champ, une maison, des arbres fruitiers, par exemple contre du vol).