2. Les difficultés rencontrées pour réaliser cette recherche

Pour Arthur, l’enquête s’est bien passée dans l’ensemble, les enquêtés étaient très à l’aise. Mais :

‘«  Leur vrai problème était le manque de temps » (CE). ’

C’est difficile d’avoir des intellectuels en groupe : ils se dérobent facilement, en raison de leurs nombreuses occupations, qui ne leur laissaient plus que la nuit pour s’occuper de notre recherche.

En effet :

‘« Vous savez que nous sommes dans un pays où chacun doit mener une vie difficile, ce serait difficile de l’immobiliser pour une interview…Moi-même, j’ai eu beaucoup de difficultés pour le transport. »(CE) ’

La plupart de nos enquêtés étaient absents lorsqu’il nous était possible d’arriver chez eux. Toutefois, reconnaissons que, pour la plupart d’entre eux, s’il y a eu des rendez-vous manqués, c’est qu’ils étaient pris par leurs activités personnelles et les soucis de leur vie quotidienne. Il nous était difficile de trouver des enquêtés disponibles durant la journée, eux-mêmes étant aussi occupés à leurs propres problèmes. Néanmoins, quand cela était possible, la disponibilité de nos enquêtés s’accompagnait quelquefois de leur humour :

‘« Vous devez acheter notre contribution, car vous allez avoir de l’argent avec cette recherche ou ceux qui sont en Europe vont faire de l’argent avec cette recherche » (CE).’

Mais, dans sa démarche, notre chercheur de terrain a évité de voir se faire jour une confusion entre une recherche commanditée par les acteurs pour des motivations financières comme réponse à « la crise économique » de chacun, et une recherche en vue d’essayer de répondre à leurs attentes. Toutefois, le « pessimisme », généralisé, les fait baigner dans un trop grand subjectivisme, ce qui n’est sans doute pas mauvais (une richesse, quelle idée l’acteur se fait du monde social ?).

Cette situation rendait difficile la gestion de rendez-vous et obligeait sans cesse un réajustement de planning des uns et des autres. Bien plus, l’insécurité due à la situation politique et aux guerres de notre pays n’a pas, à tous les coups, facilité les choses. Habitant loin de nos enquêtés, nous n’avions pu souvent réaliser les interviews prévues dans des quartiers ou des communes fort éloignés de notre maison ni y atteindre nos enquêtés, n’ayant pour seul moyen que le transport en commun. De fait, les distances entre enquêtés et enquêteurs étaient tellement grandes qu’il fallait prévoir beaucoup d’argent pour les frais de transport et beaucoup de temps pour atteindre les lieux de rendez-vous.

Nous aurions eu besoin d’argent pour notre transport, pour acheter ou renouveler des matériels de recherche (piles, cassettes audio, et autres matériels d’enregistrement performants, etc.) et encourager, en revanche, quelques disponibilités par un pourboire [le verre de l’amitié : bière (boisson) congolaise]. Par exemple : les piles non rechargeables ne permettaient pas toujours des enregistrements de longue durée et de bonne qualité.

Au regard de ces difficultés, nous avons fait preuve de réalisme, nous contentant de ce que nous avions pour conduire notre recherche. Ce qui ne nous facilitait pas toujours la tâche, le manque d’électricité dans certaines communes de notre recherche ayant énormément gêné notre travail, au point de nous faire tristement dire :

‘« Je n’ai plus de munitions » (piles, cassettes, etc.), nous n’avons pas tous les nécessaires » (CE) ’

Pour continuer la recherche pendant le laps de temps prévu. Une solution compensatoire et palliative : poursuivre l’interview en notant les réponses sur des papiers plutôt que de les enregistrer, puis produire des textes manuscrits complémentaires aux bandes cassettes audio. La gestion et l’organisation matérielle de temps ont également été une des difficultés pendant la recherche, car il n’est pas facile de concilier les horaires et les intérêts des gens.

‘« Vous savez que l’on ne manifeste pas les mêmes intérêts. Pendant que nous allons vers les gens que nous devrions écouter, il n’est pas dit qu’ils aient les mêmes intérêts que nous. Non. Vous pouvez vous fixer un rendez-vous, vous vous déplacez et vous engagez des dépenses, alors que, à votre arrivée, ils ne sont pas là. C’est une difficulté matérielle liée au travail en tant que tel. » (CE)’

Toutes ces difficultés n’ont pas complètement constitué un obstacle à la réalisation globale de notre recherche.

Voici cependant les difficultés de la réalisation de la partie documentaire sur les manuels scolaires : Il n’était pas facile de savoir s’il fallait choisir uniquement les manuels d’apprentissage de lecture dans les écoles catholiques. De plus, il n’y a pas d’écoles où l’enseignement se fait à partir des manuels scolaires portant uniquement sur les questions africaines traditionnelles. On aurait eu quelque chose de ce genre avec le manuel de la sociologie africaine, mais notre choix est allé du côté de la langue française, considérée jusqu’alors comme langue officielle de notre pays, et dont l’apprentissage contribue énormément à la compréhension de toutes les autres matières et à la communication intra et interculturelle et interpersonnelle.

Les moyens de transport faisant défaut depuis le Congo, les livres ne nous sont parvenus qu’un an après leur envoi et, qui plus est, par porteur, lequel est passé d’un pays européen à un autre, sans privilégier leur réexpédition en France où nous résidons.