Chapitre 2 : Evaluation de l’enseignement et de l’éducation par l’école

I. - À l’échelon national au Congo-Kinshasa

Nous pouvons affirmer que la colonisation, l’évangélisation missionnaire et l’indépendance du Congo ont eu quelques incidences sur l’école et l’éducation de l’enfant. D’une façon générale, rappelons d’abord que « la politique coloniale de l’éducation de la part de l’État comme celle de l’Eglise, était centrée sur la formation d’une main-d’œuvre apte à servir l’État colonial. L’école se trouvait ainsi être le moyen le plus sûr d’instruire et d’éduquer et par conséquent de « civiliser l’indigène » pour en faire un auxiliaire au service de la colonie : « Préparer les jeunes Congolais à servir l’État et les sociétés dans les positions subalternes, voilà les objectifs que s’était fixés l’enseignement au Congo » 375 Aussi l’enseignement primaire était-il plus développé que le secondaire et le supérieur. Toutefois, l’ensemble de l’enseignement national connaît de grandes déperditions. En 1970, par exemple, près de 64 % d’enfants admis au premier cycle du primaire (1e et 2e année) n’accédaient pas en 4e année (2e cycle). Pour 100 élèves inscrits en 1e année, 48 % sont admis en 4e, 41 % en 6e année et 15 % seulement sont passés en secondaire 376 . Il en est de même pour l’enseignement secondaire : sur 100 élèves inscrits en 1re année (Cycle d’Orientation 1) 15 % seulement terminent les secondaires et à peine 6 % sont absorbés par l’enseignement supérieur. Chaque année, l’école déversait sur le marché du travail de la campagne zaïroise (congolaise actuellement) des milliers de jeunes non scolarisés, aigris, sans aucune préparation pour affronter la vie réelle du village, dont ils se sentent déracinés. Et pourtant, ils auraient été bien accueillis pour cultiver la terre avec la force de leurs bras. Ils vivent une très grande désaffection à l’égard du village et des travaux manuels.

On en arrive évidemment aux conflits de valeurs suite à la rencontre entre l’éducation traditionnelle et l’éducation scolaire. Tandis que l’éducation traditionnelle insistait sur la survie du groupe, à laquelle l’individu devait consacrer toutes ses forces en l’intégrant, par l’éducation, à la vie culturelle et économique du village, l’école insiste sur la réussite de la personne, la valorisation de l’individu. Elle permet aux jeunes diplômés d’avoir du travail et une promotion sociale. La sélection scolaire et le manque de structure d’accueil pour ceux qu’elle forme mettent en cause cependant son efficacité. D’une part, chaque fille et fils du pays n’a pas droit à l’école, de l’autre ceux qui en sortent diplômés ne peuvent ni facilement ni tous avoir du travail. Cela n’est pas dû seulement au manque d’une formation adaptée aux réalités rurales, pour ceux qui y retournent, mais aussi au manque de structures adéquates au développement global du pays.

Notes
375.

Cfr. Assemblée des Vicaires Apostoliques du Congo 165, p. 55-57, cité par Florent MUFER MBALA, Formation et intégration des jeunes dans le monde rural…Etude d’un cas : Progrès Populaire à Idiofa (Zaïre), Mémoire pour le Diplôme, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1976, p. 34.

376.

Cfr. Cahiers INPP N°10, 1970, p. 24.