D’une façon générale, au Congo Belge, la constitution de familles chrétiennes stables, fondée sur le principe du mariage monogamique et indissoluble, a été le cheval de bataille de tous les missionnaires. L’enjeu était de taille, d’autant plus que, pour bon nombre d’entre eux, la plupart des coutumes locales paraissaient foncièrement perverses et opposées aux fondements mêmes de la doctrine chrétienne du mariage. Aux Ding orientaux, en particulier, on reprochait la polygynie, les mariages précoces et forcés (mariages préférentiels), surtout pour les jeunes filles, et la polyandrie 416 pratiquée dans les régions voisines de Lele. Dans leur lutte contre ces perversions, les missionnaires n’ont pas lésiné avec les moyens. Avec la complicité tacite de l’État colonial qui avait instauré un « impôt supplémentaire » 417 pour les polygames, certains missionnaires, accompagnés de zélés catéchistes ont incendié les cases et fouetté les polygames. À la Conférence Plénière des Ordinaires du Congo et du Ruanda-Urundi, en1956, Mgr Bossart soumit à l’Assemblée le problème de la polyandrie. Discuté puis adopté, le dossier fut transmis aux autorités civiles, qui produisirent un décret, interdisant cette pratique, comme contraire à la moralité publique et à la dignité de la personne humaine 418 . Plus positivement, les missionnaires ont favorisé des mariages entre les jeunes filles instruites par les religieuses et leurs catéchistes et instituteurs. Ils ont préparé des couples chrétiens qui, aujourd’hui encore, donnent l’exemple de la fidélité et de l’engagement perpétuel.
La nouvelle donne chrétienne va imprimer des nouveaux rapports de force dans les relations parentales traditionnelles. D’abord la famille nucléaire, au sens classique, s’affirme comme unité parentale de base et le père voit son autorité et ses responsabilités s’accroître sur sa femme et ses enfants, sans paradoxalement affaiblir ses liens avec ses nièces et ses neveux qui le réclament toujours comme leur père juridique. Ensuite, comme dans les sociétés de type occidental, les enfants portent tous le nom de leur père, auquel on ajoute un prénom puisé dans le répertoire de saints de l’Eglise catholique. Enfin, le père reste oncle maternel s’il est chrétien, est obligé, malgré lui, d’aller consulter le devin quand son neveu est malade.
Nous allons l’analyser dans les pages qui suivent. Mais auparavant, disons que, sous l’autorité coloniale, elle a été supprimée par l’Ordonnance-Loi n°37/AIMO du 31 Janvier 1947 portant interdiction de la polyandrie.
NDAYWEL E NZIEM, I., Histoire du Zaïre. De l’héritage ancien à l’âge contemporain, Louvain-la-Neuve : Duculot, 1997, p. 382 : « On distinguait l’impôt de capitation de l’impôt supplémentaire. Le premier frappait tout le monde adulte tandis que le second ne frappait que les polygames et était variable suivant le nombre d’épouses ».
RIBAUCOURT, J.-M., Op. cit., p.143.