7. La polygynie royale

Munken (le roi des Ding), avons-nous dit, avait beaucoup de femmes. La coutume exigeait que chaque clan lui en donne une pour épouse. Le don d'une femme par un clan constituait, en quelque sorte, un symbole de reconnaissance et de soumission au pouvoir du roi. La première femme de celui-ci ou Mulor mu Munken avait l'obligation d'aller chercher, pour son mari, des jolies filles du pays.

Chez les Ding orientaux, on parlait de la polygynie royale une fois pratiquée dans le clan royal Ntshum afin de lui permettre la croissance des unions matrimoniales avec les autres clans. Nous savons, en effet, qu'à la mort de Munken, ses épouses n'étaient pas abandonnées. Grâce au système du lévirat, elles devenaient soit les épouses de son successeur, soit celles des autres membres du clan Ntshum. Le mariage constitue un véritable gage entre les clans. L'union polygynique était le privilège de Munken favorisant un accroissement des liens amicaux entre les Bantshum et les autres clans. Ces alliances polygyniques permettaient au clan Ntshum d'avoir beaucoup de fils et de petits-fils, associés tous au pouvoir de Munken. Ceci avait, pour conséquence, le renforcement du pouvoir royal, chaque clan étant représenté dans la capitale par les fils et les petits-fils royaux. Par l'intermédiaire de ceux-ci, chaque clan était associé au pouvoir central et recevait ainsi une parcelle de la noblesse. Les fils constituaient aussi une source de revenus pour le clan Ntshum. Nous savons qu'ils pouvaient travailler pour leur père. Chaque fois qu'un fils tuait un gibier, la coutume exigeait qu’il en réserve une part pour son père et ses oncles paternels. Le fils était encore important dans l'économie du clan paternel, dans la mesure où, à sa mort, ils recevaient une part d'héritage que les Ding Mbensia appellent Usamwan 438 . Si les fils et les petits-fils ont été importants dans l'accroissement du prestige et des revenus du clan Ntshum, les filles et les petites-filles (Batwil) l’ont aussi été à certains égards.

En effet, pour le mariage de sa fille, le père recevait une partie de la dot, appelée Ilie nser, et le grand-père recevait, pour le mariage de sa petite-fille, une quote-part, le Ndiong. Grâce aux alliances matrimoniales polygyniques qu’ils avaient le privilège de contracter, les Ntshum avaient beaucoup de filles et petites-filles et pouvaient facilement thésauriser la monnaie de prestige versée comme dot. Les unions préférentielles qui lient, dans le mariage, les neveux du grand-père avec ses petites-filles, permettaient aussi au clan Ntshum de renouveler, à chaque génération, ses alliances politico-matrimoniales avec les autres clans. Pendant plusieurs siècles, le clan Ntshum a su ainsi conserver son prestige et ses privilèges politiques. À chaque génération, il avait de nouveaux amis. Le privilège polyandrique et la polygynie royale sont donc deux principes qui ont permis aux membres du clan régnant de renforcer leur autorité et de conserver, pendant longtemps, leurs privilèges politiques.

Notes
438.

Le terme USAMWAN dérive du verbe Usi qui signifie laisser, et du nom Mwan qui veut dire enfant. Usamwan = ce qui a été laissé par l'enfant : héritage.