IV. - Interrogations provisoires.

Au terme de cette analyse sur les politiques éducatives qui se sont succédé dans la République démocratique du Congo, nous pouvons dire que, dans ce pays, l’éducation vise, après bien des échecs, une formation harmonieuse de l’homme, citoyen responsable, utile à lui-même et à la société, capable de promouvoir le développement du pays et la culture nationale. L’objet d’une telle éducation, c’est la culture intellectuelle, la formation morale et civique. Cette éducation est assurée dans le cadre de l’enseignement national, réparti en établissements publics officiels et publics privés (confessionnels ou non). Par principe et à travers l’enseignement national, l’État s’oblige à permettre à tous les Congolais d’exercer leur droit à l’éducation et d’aider les parents à mieux réaliser leur devoir d’éduquer leurs enfants, avec l’aide et sous l’autorité de l’Etat. À défaut d’une Charte nationale de l’Education, tant réclamée depuis, l’enseignement national est régi en général par des textes de loi et autres règlements fondamentaux relatifs à l’éducation. Les textes de la Loi-cadre n°86-005 du 26 septembre 1986 de l’Enseignement ont régi l’enseignement, sans que le Président-Fondateur, Président de l’Etat, en ait signé les mesures d’application. Dans la ligne de la Conférence Nationale Souveraine, cependant, et dans le souci de disposer d’une Charte nationale de l’éducation en R.D. Congo, des modifications sont proposées aux textes de la Loi-cadre de 1986. Et les résolutions des États Généraux de l’Education tenus du 19 au 29 janvier 1996, proposant des grandes orientations du nouveau système éducatif, sont la somme de textes qu’aujourd’hui le Parlement congolais doit analyser pour délibérations et décisions. De cette manière, l’État congolais aura enfin un instrument juridique aussi important pour la cohérence des différentes structures du secteur éducatif, que pour son fonctionnement et son organisation. Toutefois, la Convention du 26 février 1977, signée entre l’État et les Eglises, est restée l’unique document officiel de référence, pour régir les écoles confessionnelles. D’autres textes réglementaires importants régissent actuellement l’enseignement national, pour l’enseignement primaire et secondaire ainsi que pour l’enseignement supérieur et universitaire. Tous ces principes et objectifs généraux montrent que l’État congolais est l’institution officielle qui crée et gère des établissements scolaires. Par cette idéologie, qui en fait un monopole de l’État, l’enseignement fut centralisé, avec la ferme volonté de rétablir l’autorité de l’État et d’aboutir à une gestion dictatoriale. Avec le nationalisme de Lumumba, l’enseignement était décentralisé. Mais, après lui, l’État parle de libéralisation de l’enseignement ; il accepte également que d’autres institutions ou d’autres personnes morales gèrent les écoles sous son autorité et avec son aide. Dans cette forme de nationalisme, Mobutu décrète le recours à l’authenticité pour affirmer son autorité. Voilà pourquoi l’unique idéologie étatique aura trois modes d’application : la laïcité, l’authenticité et l’institutionnalisation du MPR. Ces modes doivent toutes se référer à l’idéologie mobutiste de l’Authenticité. Celle-ci est l’enseignement et la référence des valeurs, pour changer les mentalités. Un Congolais authentique devait être membre effectif du MPR, Parti-Etat et Parti Unique, qui véhicule la doctrine de l’Authenticité, c’est-à-dire le nationalisme « zaïrois » authentique. Or, pour ne pas les laisser dans le doute et pour les aider à demeurer zaïrois authentique, chaque fille et fils de la nation doit recourir à l’Authenticité. Telle fut l’exigence de Mobutu.

Ce bref parcours historique des politiques éducatives nous met en présence d’une triple crise : crise des relations entre l’Eglise et l’État, crise des consciences, donc des valeurs, et crise du système éducatif. Celle-ci semble la conséquence évidente de la relation biaisée entre l’État et l’Eglise ; elle a des conséquences sociales sur toute la nation. La République Démocratique du Congo, comme beaucoup de pays de l’Afrique Centrale, vit une crise économique, sociale et politique. Dans son cas particulier, cette crise multiforme naît de la déformation des consciences. Règnent alors les anti-valeurs. En effet, au niveau national, la politique du « Recours à l’Authenticité » mal comprise, la nationalisation des institutions d’Eglise par l’État et la crise économique ont causé d’importants dégâts, avec pour conséquences le renversement des valeurs : vol, mensonge, délinquance juvénile et sénile, banditisme, pillage, corruption, assassinat, négligence du bien commun sont devenus courants dans la vie publique des citoyens congolais.Toutes ces situations affectent gravement le système éducatif. Elles font baisser le niveau d’instruction et d’éducation, mais elles entraînent surtout l’Ecole à être condamnée, elle aussi, par les anti-valeurs : indiscipline, paresse, injustice, malhonnêteté, corruption : la « coopération » sert à mieux couvrir des pratiques inavouables : achat des notes et des titres scolaires, vandalisme, relativisation du bien et des valeurs, manque de respect envers les morts ou les vivants « les anciens » ; les plus âgés de la communauté : aînés (es), chansons obscènes. L’autorité du chef d’établissement et celle des personnels de l’éducation en pâtissent, surtout lorsque les élèves et les parents savent que l’État ne paie plus régulièrement les personnels et cadres éducatifs. Ainsi, l’école ne joue plus son rôle de porteuse des valeurs au sein de la communauté, par « l’éducation considérée commeun droit fondamental de l’Hommedevant permettre le développement économique et social.