I. - Souhait de tous

‘« L’Education est l’affaire de tous », c’est-à-dire la famille, la société, l’Etat, les Eglises, l’école et les parents. Et, par voie de conséquence, « la formation de nos enfants est une tâche trop sérieuse pour qu’on puisse la confier à n’importe qui. » 523

Ces deux textes interpellent et invitent en même temps toute la nation congolaise à prendre conscience de la responsabilité d’éduquer et de former l’enfant en général, et à réfléchir sur l’importance d’une politique qui contribue au renouveau social en RDC. Cette vision qui replace l’enfant au cœur de toute la problématique de la formation, ouvre en particulier la question de l’éducation aux valeurs. Mais il ne semble pas facile de définir le point de convergence entre l’enseignement et la formation.

Selon Olivier Reboul, « la fin de l’enseignement, ou du moins son objet, est l’élève. L’objet de la formation est la fonction sociale 524 Former engage ainsi l’enfant à une fonction utilitaire dans la société. Dans ce sens, précise-t-il, « qu’elle soit technique, professionnelle, militaire, sportive, et même si l’on y inclut tous les recyclages, la formation est la préparation de l’individu à telle ou telle fonction sociale. 525  »

Des choses étonnantes sont hélas constatées. Il est vrai que les parents ont le droit d’éduquer leurs enfants, sous l’autorité et avec l’aide de l’Etat, autant qu’ils ont le droit et la liberté de donner à leurs enfants l’éducation religieuse, morale, civique, intellectuelle dans l’école de leur choix. Mais dans les Articles qui définissent la Réforme du Système Educatif de l’Enseignement Primaire Secondaire et Professionnel (EPSP) en 1981, l’Etat ne leur laisse presque pas de latitude pour leur proposer des valeurs éducatives. Pourtant, les parents, les élèves et les personnels d’éducation veulent bien aujourd’hui sortir du règne d’anti-valeurs : Ils désirent en effet s’engager pour l’éducation aux valeurs. Les voix en milieu rural rejoignent celles du milieu urbain. Nous pouvons cependant nous demander quelle place les Institutions en général leur accordent réellement, pour l’éducation de l’enfant. Il vaut sûrement les associer aux réflexions sur les valeurs et les modalités de leur intégration dans les écoles, si l’on veut réussir la promotion de la jeunesse et son avenir.

Les travaux de la Conférence Nationale Souveraine du Zaïre sont faits pour marquer aussi l’apport général de la Société zaïroise au changement. L’ouverture de ladite Conférence (7 août 1991) et surtout la mise en place du Bureau définitif de cette dernière en décembre 1991, confirment le déclenchement réel d’un processus qui semble irréversible et la promesse d’un changement radical et total. A l’installation officielle de son bureau, l’interpellation de Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, alors Président de la Conférence Episcopale du Zaïre et Président de la Conférence Nationale Souveraine, en donne le ton :

‘« Dieu nous interpelle en ces termes : Peuple zaïrois ! Je vous ai donné un pays merveilleux. Je l’ai doté des richesses inouïes et enviées tant pour ce qui est du sol que du sous-sol et d’une population saine et robuste. Qu’avez-vous fait pour que ce pays merveilleux devienne ce qu’il est aujourd’hui ?’ ‘La nation africaine nous interpelle à son tour : Peuple zaïrois, avec les richesses dont tu disposes, tu devrais pouvoir non seulement t’assurer une vie décente mais aussi être en mesure d’assister les populations des pays pauvres et démunis de notre nation. Mais comment as-tu fait pour que ta population se retrouve aujourd’hui plus pauvre que la plus pauvre d’Afrique ?’

Et le monde nous interpelle à son tour en ces termes : « La solidarité internationale s’est montrée autrement généreuse à ton égard, peuple zaïrois. Mais comment se fait-il que son aide n’ait profité en grande partie qu’à quelques groupes au lieu de la grande masse de la population ? Et que répondrons-nous à ces interpellations, nous peuple zaïrois réuni en Conférence ? A notre avis, nous dirons à Dieu, à la Nation africaine et à l’Histoire que nous nous engageons à tout faire pour que cela change… » 526

A travers ces textes nous lisons encore la volonté de toute la nation congolaise de changer. Et, dans le secteur de l’enseignement, l’Etat comme les Eglises sont en particulier animés du souci réel d’aider l’apprenant à trouver sur sonchemin, pour son éducation aux valeurs, des moyens humains qui facilitent et favorisent la réussite de son éducation. Comme je l’ai dit dans le chapitre qui précède, la finalité de toute l’éducation, c’est la maturité humaine et la dignité de la personne. Comment réussir ce projet ?

L’Eglise parle de l’éducation chrétienne et du respect de ses principes dans le milieu éducatif chrétien, elle s’adresse aux apprenants, et aux enseignants. L’Etat insiste sur la moralité des cadres zaïrois. Car ceux-ci sont aussivictimes des conséquences de la crise multiforme de notre pays. Ainsi le système éducatif pourrait-il être un lieu d’expression des valeurs essentielles pour les deux entités. Dans ces conditions, une des voies de la réussite de l’éducation aux valeurs serait que les personnels, les élèves, les parents, en soient auteurs et acteurs. Le Recueil des Directives et Instructions Officielles nous révèle ceci : « D’abord, nous allons poursuivre l’assainissement des effectifs des enseignants et du personnel administratif afin de ne garder à leur poste que des personnes aux compétences et aux « qualités éprouvées ». Ces « qualités éprouvées » dont parle le même document, dans le contexte de l’année du social, se retrouvent dans l’article de la Convention de gestion des Ecoles signée, le 26 février 1977, entre l’Etat et les Eglises (islamique, protestantes, kimbanguiste, catholique) au sujet de la qualité du personnel pédagogique et administratif du milieu éducatif des écoles. Ainsi, il y est écrit : « Le milieu éducatif des écoles conventionnées est conditionné en premier lieu par la qualité du personnel pédagogique et administratif : la moralité publique éprouvée : attestée par l’extrait de casier judiciaire, le respect des principes des institutions ecclésiales sur la vie matrimoniale, l’honnêteté dans la gestion financière. » 527 Pour la même finalité, cette Convention précise les responsabilités des uns et des autres, les principes d’organisation interne et leurs objectifs.

L’Article 8 du Statut du Personnel de Carrière des Services Publics de l’Etat abonde dans le même sens: « Nul ne peut être recruté comme agent de carrière s’il ne remplit les conditions suivantes :… être de bonne moralité . » 528 Il faudrait penser ici aux effets de témoignages des personnes comme gage dans l’éducation aux valeurs. Car «les structures se modifient mais les hommes demeurent » 529 .

Notes
523.

MOBUTU SESE SEKO KUKU NGBENDU WA ZA BANGA , BILAN ET PERSPECTIVES. Discours prononcé au Palais du Peuple par le Président-Fondateur du M.P.R., Président de la République, le Maréchal à l’occasion de la Prestation de son Serment Constitutionnel, Kinshasa, le 5 décembre 1984, in R.D.I.O., p. 27-29.

524.

REBOUL, O., La philosophie de l’éducation, Paris : PUF, 1989, p. 17 (Que sais-je ?).

525.

REBOUL, O., La Philosophie de l’éducation, Paris : PUF, 1989, p. 17 (Nous précisons que c’est un autre livre).

526.

NDAYWEL E NZIEM, I., HZ., p. 759.

527.

BUREAU DE COORDINATION NATIONALE DES ECOLES CONVENTIONNEES CATHOLIQUES, Ecoles Conventionnées Catholiques, Kinshasa : édit. Saint Paul Kinshasa, 1977, p. 6.

528.

JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU ZAÏRE, Statut du Personnel de Carrière des Services Publics de l’Etat, Kinshasa : Bureau du Président-Fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution, Président de la République, 22 ème Année, N°15, 1 er Août 1981, p. 12.

529.

NDAYWEL E NZIEM, I., HZ, p. 258.