II. - Institutions et éducation aux valeurs dans le domaine scolaire

1. L’Etat

Même sans trop de conviction, l’Etat marque sa contribution à l’éducation aux valeurs par la prise de conscience nationale de la crise morale et de la nécessité de changer de mentalité. En 1981, il a essayé d’immortaliser cette ferme volonté d’éradiquer le mal par ce slogan  populaire : « Moto na moto abongisa » (Que chacun améliore). Le rappel de ce slogan ici, et surtout l’analyse affinée qui s’en suit me paraissent très précieux. Par ce slogan, M. Joseph-Désiré Mobutu, alors Président de la République du Zaïre, marquait personnellement sa volonté de changer : il ne restait pas insensible à la crise morale de son pays. Dans le domaine scolaire, les conséquences de pareille pensée touchent tout le monde. Chacun participe à l’effort de redressement, sans tout attendre des pouvoirs publics.

La finalité de ce slogan est d’aider l’Etat à s’éduquer soi-même, à faire de l’enseignement national un fait politique car, en tant que « garant de la préservation de l’identité culturelle nationale, il veille, à ce titre, à la valeur éthique des programmes et pratiques scolaires et académiques ainsi qu’à la valeur professionnelle et morale du personnel de l’enseignement national » 530 . Se profile ainsi à l’horizon sur l’étendue nationale une lueur d’espoir, pour un nouveau type d’homme, un nouveau Zaïre, et surtout un enseignement nouveau. La révolution que ce slogan doit susciter au niveau de l’école consiste à dénoncer et à corriger les défauts d’application des instructions sur l’engagement des personnels salariés par les réseaux d’enseignement, tous azimuts, à charge de l’Etat, autant qu’il se reproche à temps le manque de leur contrôle. Dans le contexte de la proclamation de l’année du social en 1981, le Comité Central du MPR s’engage à réprimer les désordres (l’engagement désordonné et démesuré des personnels au-delà des possibilités économiques, l’organisation des actions déstabilisatrices du système budgétaire pour l’éducation, etc.) pour les ordonner à l’organisation des activités et au contrôle rigoureux de celles-ci, par la mise en place des orientations nécessaires. Cette fois, l’Etat s’engage à promouvoir et l’école et la société d’où doivent venir ces personnels conscients de leur responsabilité au sein des écoles.

Ce slogan est repris par Cl. Mafema, Ancien Ministre de l’Education Nationale, à l’occasion de la rentrée scolaire 1971-1972. Il l’adresse aux parents, et l’applique également au système éducatif. Il écrit : « Pour les parents, nous visons à leur faire prendre conscience, dans le cadre du mot d’ordre « Moto na moto abongisa » lancé par le Père de la Nation, que l’éducation n’est pas seulement un devoir de l’Etat. Elle est avant tout un devoir des parents » 531 .

Dans le cadre scolaire, la Décision de l’Etat du 9 juin 1981 sur la Réforme de l’Enseignement Primaire et Secondaire 532 est pour tous éclairante. Elle trouve son point culminant à la page 21 du Recueil des Directives et Instructions Officielles : Déjà le Gouvernement déclare que les valeurs morales et les idéaux du MPR sont énoncés dans la «morale révolutionnaire », que l’on doit explicitement enseigner. Ce sont notamment «la compétence, la conscience professionnelle, l’esprit familial, la conscience nationale, le sens de solidarité et de dignité, le souci d’intégrité, de justice et de vérité, le respect de la personne humaine, de ses biens et de ceux de la communauté, la fierté culturelle » 533 .

L’application de ce premier article doit se faire dans le respect des directives relatives à la décision d’Etat sur l’Enseignement primaire et secondaire. L’article I concernant les objectifs de l’Enseignement National, les devoirs de la Société et de l’Etat, en décrit, en les complétant, les actions concrètes pouvant faciliter leur réalisation : «L’Enseignement National doit développer chez l’enfant zaïrois les valeurs intellectuelles, éthiques et spirituelles, notamment : la compétence, la conscience nationale, les sens de solidarité et dignité, le souci d’intégrité, de justice et de vérité, le respect de la personne humaine et ses biens et ceux de la communauté » (et faire de lui) un citoyen utile, c’est-à-dire capable physiquement et intellectuellement de travailler, un citoyen responsable, c’est-à-dire conscient et respectueux de ses obligations » 534 . Par souci d’éducation aux valeurs, dans le contexte de la réforme de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP), concernant le Cadre zaïrois 535 , il est dit que «le cadre zaïrois devra faire preuve de militantisme, de compétence, de sens de responsabilité et d’initiative, d’honnêteté et de bonne moralité » 536 La prise de conscience de la crise des mentalités rend urgente la mise en place de l’éducation autrement que par le passé. Au cœur de cette éducation se trouvent les valeurs de la vie.

Le Discours d’ouverture de la Deuxième Session Ordinaire du Comité Central du Mouvement Populaire de la Révolution, à Kinshasa, le 26 mars 1981, fait prendre conscience que l’année 1981 a été proclamée «année du social » 537 . Il instaure la « morale révolutionnaire », et y déclare « la volonté politique maintes fois exprimée en matière des valeurs morales et des idéaux du Mouvement Populaire de la Révolution  (…), ainsi qu’il souhaite que les cadres conforment leurs décisions, leurs actes et leurs comportements à ces valeurs morales» 538 .

Or, alors que la plupart des Congolais espéraient un réel changement, les cadres zaïrois sont hélas animés d’une morale différente et bien opposée à celle que leur propose leur nouveau profil. C’est le désengagement total et la volonté de ne pas construire le pays. Nous étudierons les aspects d’une telle conduite dans le chapitre « Philosophie de l’éducation aux valeurs », en répondant à la question …Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné ?

Notes
530.

R.D.I.O., p. 278.

531.

Ibid., p. 214.

532.

Ibid., p. 19 s.

533.

R.D.I.O., p. 21.

534.

Idem.

535.

Nous rapprochons cet article de celui où l’Etat tout court, proclamant l’année du social, réprimande les cadres et les personnels au sujet des abus dans les engagements des personnels. Il fait aussi appel au Statut du Personnel de Carrière des Services Publics de l’Etat, qui insiste sur la moralité qui conditionne l’engagement des personnels dans les Ecoles publiques officielles et publiques privées.

536.

R.D.I.O., p. 22.

537.

Ibid., p. 16.

538.

Ibid., p. 21.