1. L’Etat

1.1. Les Etats Généraux de l’Education en RD Congo

Pour asseoir et réaliser le projet de changement de mentalité par l’école, le Gouvernement congolais marque sa contribution de plusieurs manières. Il s’agit, par exemple, de :

  • faire de l’école un fait politique : intégrer l’école dans le projet politique du pays ;
  • préciser le rôle de l’école. Par rapport aux valeurs, on doit cette idée chère à Jean Houssaye qui affirme que « le but de l’école n’est pas d’imposer des valeurs, mais plutôt de faire découvrir le sens de ce qui a de la valeur » 551 . Cette affirmation trouve une application explicite dans les Rapports des Commissions spécialisées des Etats Généraux de l’Education 552 , qui nous aident à comprendre le rôle de l’école sur 4 points :

a) «L’école a le rôle de la formation des citoyens. Cette formation doit être basée sur une table des valeurs :

1) les valeurs de la connaissance : le savoir, le savoir-faire, le savoir-être et le savoir-devenir ;

2) les valeurs éthiques ;

3) les valeurs de la modernité et

4) les valeurs républicaines et démocratiques 

b) L’école a l’obligation de réaliser par les meilleurs moyens possibles le profil de l’homme que lui confie la société pour lui permettre d’évoluer et de s’adapter aux exigences d’un monde en perpétuelle mutation.

c) L’école doit également assurer l’adéquation fonctionnelle entre les objectifs déclarés, le contenu des enseignements et les stratégies de promotion de la créativité individuelle ou collective qui font de la personne humaine un véritable agent de développement.

d) L’école doit concilier la démocratisation du savoir avec la quête permanente de l’Excellence ».

Profondément, par les travaux des Etats Généraux de l’Education et la Déclaration Nationale des principes d’Ethique, se précisent le rôle de l’école ainsi que le vœu du peuple :

- Concevoir une société pluraliste : conflictuelle et contractuelle, autonome et démocratique. En conséquence, prendre en compte une société intégrée et ouverte dans un Etat de droit. Nous exploiterons ce quatrième principe d’éthique dans le chapitre suivant : « La Philosophie de l’Education aux valeurs.»

  • Former les citoyens
  • Réaliser le profil de l’homme que lui confie la société afin de lui assurer une évolution et une adaptation aux aléas de la vie au quotidien soumise à d’incessantes modifications,
  • Faire coexister efficacement les objectifs déclarés, le contenu des enseignements et les stratégies de la promotion de la créativité individuelle ou collective qui engage toute personne à son développement total (intégral).
  • Concilier démocratisation du savoir et recherche de l’excellence, l’éducation scolaire et celle de la rue, celle du milieu et de la famille.
  • « Nécessité des modèles du côté de la société et du côté des enseignants, qui sont eux aussi membres de la société » 553 . L’élève aura à s’attacher moins à l’ampleur du savoir de son maître qu’à « une leçon de vie ». Pour y arriver, il conviendrait de le mettre en présence de bons exemples, pour l’adoption heureuse des principes appris à l’école. Au point de vue pratique, dans cet extrait de l’Editorial de la Revue Educateur N°7 – 1985, M. Lwamba Lwa Nemba, Directeur des Programmes Scolaires et Matériels Didactiques, affirme : « Ce que l’élève attend du maître, ce n’est pas l’enseignement d’un savoir ou d’un savoir-faire. Bien entendu, cet enseignement peut servir de prétexte et de programme à la rencontre. Mais la réalité profonde est ailleurs, si le maître est vraiment un maître, et l’élève un élève authentique (…) qui admire (certes), l’intelligence du professeur, l’aisance de son élocution, l’ampleur de son savoir, mais toutes ses qualités et ses puissances ne sont elles-mêmes que des symboles d’une essentielle qualité d’être, à laquelle, consciemment ou non, s’attache l’attention respectueuse de celui qui demande d’abord une leçon de vie » 554 . Il vaut mieux concilier l’éducation de la rue avec celle de la famille et de l’école. Il y a une forte nécessité d’éduquer l’enfant à la morale et au savoir-vivre, donc « d’assimiler et de pratiquer l’éducation morale et civique » 555 .

Reste à savoir comment est démocratisé aujourd’hui  le savoir des valeurs, et les conséquences (positives ou négatives) d’une telle démocratisation.

Les Etats Généraux de l’Education précisent à cet effet que la formation que l’école doit assurer aux citoyens zaïrois s’enracine et se nourrit des valeurs, que le texte de la Conférence Nationale Souveraine du Zaïre du 31 juillet 1992 556  nous donne, en dix rubriques. Nous en faisons ici référence, par des grandes idées :

  • (a) Le respect, dans la tolérance, des valeurs de la vie ;
  • (b) Le respect, dans la tolérance, des valeurs de l’homme (autrui) ;
  • (c) Le respect, dans la tolérance, des valeurs du sacré ;
  • (d) La conception d’une société pluraliste : conflictuelle et contractuelle, autonome et démocratique ;
  • (e) La conception de l’Etat comme une émanation du peuple, une Institution de la Loi ;
  • (f) La promotion au Zaïre d’un Etat de droit, en tout temps et en toutes circonstances, caractérisé par le dialogue et la concertation ;
  • (g) Le rappel de la nécessité, au Zaïre, d’une démocratie toujours, avec contrôle et sanction ;
  • (h) La promotion au Zaïre, par toutes les instances éducatives, partout et toujours, de l’idéal de solidarité nationale ;
  • (i) Le rappel de la nécessité de toujours se réconcilier, quand naissent les conflits ;
  • (j) La bonne gestion de la chose publique, partout et toujours.

DECLARATION NATIONALE DES PRINCIPES D’ETHIQUE DE LA RDC PAR LA CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE EN 1992

Trois principes et groupes de valeurs retiennent ici spécialement notre attention. Ce sont les valeurs de la vie, les valeurs de l’homme et les valeurs du sacré. De fait, « la vie, insiste la Déclaration Nationale des principes d’Ethique, doit être respectée et sauvegardée sous toutes ses formes. » 557

L’attention est ainsi portée, précise cette Déclaration, en particulier sur « le mariage monogamique, l’homosexualité, l’avortement, le suicide, l’euthanasie, le trafic des organes humains, l’amélioration et l’humanisation des conditions de détention, la déconcentration, la démystification et le désaveu de la vie politique telle que vécue dans la deuxième République,(…) » 558

Dans les écoles, le souci de redressement moral garantit non seulement la sauvegarde et la protection de la santé et la dignité humaine, mais aussi le respect du corps et de l’intégrité morale, dans un esprit de simplicité et de modestie remarquables. Dans cet esprit, il sera formellement interdit aux élèves « de fumer, de porter la barbe ou la moustache, de fréquenter les débits de boissons, de s’affubler de bijoux, de mini-jupes ou de blouses au décolleté provoquant ainsi que de se maquiller outrageusement ».

Dans son deuxième principe, le texte de la même Déclaration motive le respect des valeurs de l’homme (autrui). Il affirme que « l’homme doit être considéré comme source d’initiatives, comme liberté créatrice impliquée dans l’ordre social qui l’implique également dans la recherche permanente du bien dans la vérité » 559 . Instaurer, pour ce faire, six points 560  :

  1. Le respect mutuel des enfants et des parents ;
  2. La tolérance, la compréhension mutuelle et la non-violence ;
  3. L’humanisation des rapports entre l’employé et l’employeur ;
  4. La condamnation de la pratique des retraites punitives prématurées, des révocations, des permutations, mutations non fondées ;
  5. L’humanisation des structures de sécurité sociale ;
  6. La condamnation de l’esclavage sous toutes ses formes (torture physique et morale, prostitution, manipulation multiforme, achat des consciences, ignorance provoquée, mensonge sous toutes ses formes, viol, excision, etc.).

Notes
551.

HOUSSAYE, J., Les valeurs à l’école. L’éducation au temps de la sécularisation, PUF, Paris 1992, cité par Bernard JOLY, « Crise des valeurs en éducation ? », in Revue EDUCATIONS , Décembre 94-Janvier 95, p. 7.

552.

REPUBLIQUE DU ZAÏRE, Etats Généraux de l’Education. Rapports des Commissions spécialisées, Kinshasa : Comité PréparatoireJuillet 1995, p. 9.

553.

RDIO, p. 247.

554.

RDIO, p. 247.

555.

Ibid., p. 223.

556.

CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE DU ZAIRE, Déclaration Nationale des Principes d’Ethique, Kinshasa, 1995, p. 45-55.

557.

Ibid., p. 45.

558.

Ibid., p. 45-46.

559.

Ibid., p. 47.

560.

Idem.