2. L’Eglise

‘« Devant la grande dégradation de la situation sociale, nos Evêques veulent aider les parents et l’Etat à assumer chacun leurs responsabilités et à assurer une bonne éducation de la jeunesse, fondée sur les valeurs de justice. » 561

Notons-le : l’Eglise, dans sa fonction prophétique et éducatrice, engage les parents de la société congolaise à une pratique réelle de la justice. Cette valeur, éduquée, constitue en soi une valeur pour l’éducation aux valeurs par les écoles. Ils atteignent ainsi les jeunes par leurs parents et par leurs écoles respectives, autant qu’ils amènent l’Etat à ne pas se dérober à son droit et son devoir d’assurer l’éducation à l’enfant. Il ne doit pas à jamais être privé de sa mission.

Dans son texte, l’Abbé Laurent May Muke cite, pour renforcer sa pensée, Mgr Ngabu qui, dans sa lettre envoyée à son Excellence le Premier Ministre de la République du Zaïre des années 1995-1996, déclare : « Le Comité Permanent des Evêques du Zaïre a décidé de refuser de donner l’argent cotisé par les parents aux fonctionnaires de l’Etat » 562 . En effet, le non paiement des cadres a occasionné une charge matérielle en plus pour les parents. Ceux-ci doivent, avec des cotisations, faire fonctionner les bureaux des Gestionnaires des Ecoles et les fonctionnaires de l’Etat.

Cet effort de changement de mentalité par l’éducation aux valeurs de justice, par les écoles, réclame non seulement que l’Etat fasse de l’école un fait politique, mais surtout qu’il collabore avec les services sociaux appelés comme lui-même à réaliser ce noble objectif. Dans cette perspective, le Coordinateur National des Ecoles Conventionnées Catholiques rappelle les bases des relations de l’Eglise avec les services officiels de l’Etat. Il écrit : « L’esprit de la collaboration entre l’Etat et l’Eglise, inscrit dans la Convention scolaire du 26 février 1977, s’appuie, non sur la conception dualiste des deux pouvoirs et l’opposition Etat-Eglise, mais sur des rapports harmonieux Eglise-Société et Etat-Société ; c’est le bien de la société qu’il faut placer au centre ; car c’est la société qui est bénéficiaire des services de l’Etat et de l’Eglise » 563 .

Concrètement, quelques initiatives sont mises en place. Citons-en quelques-unes :

L’Abbé Laurent May Muke reprend, dans ce rapport, quelques points du Programme pratique d’intervention des écoles catholiques pour marquer leur solidarité avec les écoles catholiques du monde. Il écrit : « Le XV me Congrès de l’Office International de l’Enseignement Catholique (O.I.E.C.) tenu du 18 au 21 avril 1998 à Jaipur (Inde) invite tous les responsables des écoles catholiques du monde à éduquer pendant le prochain siècle à l’ouverture, au dialogue, à la tolérance, à la démocratie et à la solidarité en vue de la paix, à la justice et à la non-violence » 564

- « A plus d’un titre, l’école catholique africaine et congolaise est spécialement interpellée pour relever les défis de l’inadaptation qui caractérise son système scolaire et de la pauvreté qui constitue pour elle un frein. D’où elle est contrainte, d’une part à inculturer son éducation en établissant un dialogue entre la tradition et la modernité et d’autre part en formant des citoyens gagnés à l’amour véritable de leur patrie et à l’amour du travail intellectuel et manuel » 565 . Par contre, l’écart qui se crée entre la tradition et la modernité sur les valeurs nécessite un regard nouveau.

Ces deux textes révèlent à quelles valeurs l’école catholique doit éduquer ses élèves pour le changement des mentalités qu’elle espère au XXIme siècle. Il s’agit du dialogue, de l’ouverture, de la tolérance, de la démocratie, de la solidarité, de la justice et de la non-violence. Le respect de la femme et l’égalité de celle-ci pour son éducation totale. Ainsi déclare-t-il qu’« un changement de mentalité sur la perception de la femme s’avère un préalable indispensable pour favoriser sa promotion. La démocratisation de la gestion scolaire est aussi à ce prix » 566 . Il s’agit d’enrayer « la mentalité traditionnelle selon laquelle la personne masculine est plus intelligente et capable que la personne féminine. La femme n’est pour ainsi dire bonne en rien d’autre que d’être épouse et mère de famille » 567 . D’où la sensibilisation des chefs d’établissements scolaires pour prendre les précautions et les mesures qui s’imposent pour combattre au sein de leurs écoles les abus sexuels qui compromettent le cursus et l’avenir scolaire des filles 568 . Dans le fond, on l’aura remarqué, la collaboration Eglise-Etat devient sans doute, elle aussi, une valeur qui amène à deux autres : la justice et la liberté. Ne devrait-on pas favoriser, dans ces conditions, l’autonomie et le respect mutuel des partis en cause pour le sérieux de l’école ? Comment se fait-il que depuis toujours l’application de ces valeurs si bien stipulées soit difficile ? Que proposer de neuf, dans cette situation, à l’Education Nationale du Congo ?

Notes
561.

MAY MUKE, L., « Instructions relatives à la rentrée scolaire 1995-1996 », Kinshasa : Bureau de Coordination Nationale des Ecoles Conventionnées Catholiques 1 août 1995, p. 4 (Lettre circulaire).

562.

Ibid., p. 5.

563.

MAY MUKE, L., Op. cit., p. 4.

564.

Cfr. MAY MUKE, L., « Transmission du Rapport de la rencontre du Centre Lasallien de Kintambo du 28 juin au 02 juillet 1999 », Kinshasa, le 22 décembre 1999, p. 4 (Circulaire N.Réf. : MM/ADM/EG-012212).

565.

Idem.

566.

Ibid., p. 9.

567.

Idem.

568.

MAY MUKE, L., Op. cit., p. 6.