II. - Education aux valeurs et diversité des mentalités : problématique de l’échec

Le secteur éducatif est considéré comme un lieu où se cultivent les valeurs humaines, morales, intellectuelles et culturelles, et où se forme une communauté. Eduquer l’enfant à tout cela ne se fait pas dans la facilité. Au-delà des difficultés à aider l’enfant à devenir un homme avec les moyens ordinaires indispensables pour son éducation, on a eu maintes fois et avec raison l’impression d’échouer. Faire de cette impression ou de ce sentiment d’échec une question,  c’est éviter d’enfermer les différentes manières de faire dans une seule question comme s’il y avait une seule réponse pour une éducation réussie.

Olivier Reboul donne une issue. Des critères, pour déterminer une éducation réussie, dit-il, « il y en a beaucoup ; mais le principal est qu’elle est réussie si elle est inachevée, si elle donne au sujet les moyens et le désir de la poursuivre, d’en faire une auto-éducation. » 580

Posée de cette manière, la question devient essentiellement celle du sens de ce que vit l’enfant ici et maintenant. Emerge alors la question du sens de l’éducation aux valeurs et, à travers elle, à cette autre question : quel lien y a-t-il entre les principes d’apprentissage ou d’élaboration des valeurs et les difficultés d’en vivre au quotidien ? Ainsi nous sommes-nous lancé dans la recherche du sens des principes fondateurs des diverses « idéologies » 581 qui ont marqué les Systèmes éducatifs de la RDC.

Nous avons cherché à dégager le sens que les Institutions et certaines structures ont donné, par l’école, aux valeurs. Ces Institutions veulent toutes éduquer l’enfant. Plusieurs efforts sont soutenus à ce sujet, pour définir les finalités de cette éducation, surtout depuis 1991, avec l’avènement de la Conférence Nationale Souveraine du Zaïre. Mais on peut se demander si elles ont privilégié ce qui a de la valeur et bien posé les raisons de leur choix et les principes de leur application. La réponse à cette question est bien affirmative ; la difficulté réside dans l’application des principes. Nous avons cherché à comprendre si l’éducation, pour ces Institutions, avait finalement de la valeur, et si elle était en soi une valeur. Nous avons aussi cherché à savoir si les valeurs de l’éducation qu’elles proposaient à l’enfant avaient elles-mêmes de la valeur. Finalement, quelles finalités assignent-elles à l’enfant ? Malgré les réformes et les ajustements intervenus dans le secteur éducatif, il reste cependant cette question fondamentale : Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné ? Et pourtant ! Les textes des Institutions présentés dans « Souhait de tous » montrent que ce qui était proposé était valable et que les principes exprimaient bien des valeurs importantes, mais c’est au niveau du vécu que cela a échoué. Alors…Pourquoi?

A travers l’analyse documentaire, nous avons tenté de dégager la mentalité actuelle au sujet de l’éducation, sur les valeurs, les idéologies, telles qu’elles ont été émises par leurs usagers et comprises par les populations. Notre objectif était d’y déceler les convergences, les divergences et les points de tangence qui permettent l’éducation de l’enfant. Jusqu’à maintenant, le souci d’éduquer aux valeurs a eu des limites. Et, la diversité des mentalités sur le sens de l’éducation justifie les bouleversements des valeurs de l’éducation et de la société. Certes, la compréhension des notions (valeur, valeurs, mentalités, valeurs de l’éducation) est effectuée à cette fin. A-t-on oublié de procéder à une analyse logique des valeurs proposées à l’éducation de l’enfant et à la société dans laquelle il devrait vivre ? A-t-on bien pensé le sens de l’école et ses possibilités d’existence comme lieu d’éclosion de sa personnalité et de l’éclosion des valeurs ?

Les textes institutionnels du Congo sur l’éducation ayant servi à notre recherche disent que les parents doivent faire étudier les enfants dans l’école de leur choix. Leur ont-ils donné à cet effet les critères de choix d’une école ? Leur ont-ils appris les finalités d’une éducation et la valeur d’une école ? Toutes ces questions nous font réfléchir. A voir de plus près, un des aspects longtemps négligés par les acteurs de l’éducation semble l’analyse logique et concertée des situations de l’enseignement. D’où la profusion des textes qui ne rejoignent pas chaque fois les besoins réels de la société, ou encore profusion des textes restés sans suivi ni contrôle dans leur réalisation.

Alors, pourquoi cela n’a-t-il pas abouti? Ces Institutions ont-elles tenu compte de l’universalité de l’éducation, quant aux valeurs ? L’analyse des textes nous enjoint à une réponse affirmative. Mais, finalement, pourquoi ?

Notes
580.

REBOUL, O., La Philosophie de l’éducation, Paris : PUF, 1989, p. 120-121(Que sais-je ?).

581.

J’appelle ici « idéologies » l’ensemble d’opinions des divers acteurs de l’acteurs et les témoignages d’individus ou de groupes significatifs, témoins de ce qu’est réellement vécu dans le Système éducatif de la R.D.C.