2. Réticences pour signifier…Pourquoi cela n’a-t-il pas marché ?

Des bouleversements qu’entraîne la crise multiforme plongent quelquefois le Congolais dans un sentiment de fatalité. D’où le relativisme des valeurs, et l’utopie ou le pessimisme face à l’éducation aux valeurs. Comment compenser le fait que, plongée dans la crise du système éducatif, la jeunesse se sente perdue au milieu de la société, comment empêcher qu’elle se voie comme négligée, oubliée par ceux-là mêmes qui ont le devoir et la mission de l’éduquer ?

A ce point, l’éthique intervient, comme nous venons de l’analyser, pour interroger de l’intérieur, de manière précise et permanente, tous les acteurs de l’éducation. Les faits prouvent pourtant une tension intragénérationnelle et intergénérationnelle, et une vaste confusion culturelle liée en partie à la perte des repères traditionnels. Est-il besoin aujourd’hui d’en ressusciter quelques-uns ? Sous le règne des anti-valeurs, des personnes ont quand même accédé à l’éducation. Des valeurs y sont aussi proposées, avec plus ou moins de réticences. Aujourd’hui encore, les voix s’élèvent pour décrier les conséquences tragiques de la débâcle sociale et scolaire en RDC, là aussi les avis ne convergent pas toujours. Le changement des mentalités, comme les réformes répétées dans le secteur de l’enseignement présentent les mêmes risques et les mêmes atouts que l’éducation aux valeurs.

Celle-ci rencontre des mentalités fort variées, même opposées, parfois hostiles au changement. Ces tensions n’ont pas que des désavantages. On sait, par l’histoire, la difficulté d’unir une nouvelle culture avec les acquis traditionnels porteurs eux aussi de valeurs. Est-ce une simple transposition historique d’un besoin de conflits ? Notre réponse négative nous incite à voir ailleurs. Tous les partenaires éducatifs, nationaux et tous les observateurs semblent s’accorder aujourd’hui sur un point, et c’est une certitude : la crise des mentalités, donc des consciences est à la crise du système éducatif de la RDC ce que l’Ancien et le Nouveau Testaments sont à la Bible. Il faut en sortir, et poser un fondement éthique. C’est-à-dire « qu’il est important d’initier la conscience personnelle aux enjeux éthiques » 588 , dans le respect de sa liberté qui l’amène à un engagement moral, mais « toujours en relation avec autrui » en vue de l’aider à comprendre « ce qu’est un jugement de valeur, d’apprendre à discerner qu’il y a en toute action humaine un aspect moral, un enjeu de valeurs ». Il ne s’agit donc pas d’oublier les valeurs communes, mais de reconnaître que la difficulté à comprendre le sens de la notion de « valeur » exige qu’on ait une « culture éthique », c’est-à-dire que « chaque personne se doit d’éclairer sa liberté par un engagement personnel sur le plan éthique 589 Cependant, rappelons-le, il n’est pas question de dire « à chacun ses valeurs, à chacun sa morale… » mais de dire, que « le choix éthique n’est pas solitaire, il se fait toujours par rapport à autrui 590

Aux personnes « obsédées » par ce qu’elles idéalisent, et à celles qui auraient le sentiment de ne jamais taire leurs réticences, point n’est besoin de leur dire la nécessité de faire disparaître la peur du « temps zéro ». Le « temps zéro », c’est celui où, face à l’importance du changement, des personnes réticentes auraient l’impression de tout recommencer et de vivre un manque. Pourtant, si l’on veut progresser, il convient aujourd’hui de faire pareille expérience sans, certes, vider la mémoire et la richesse du passé ou désavouer l’imminence des temps nouveaux et futurs. « L’essentiel est dans la capacité de notre conscience libre d’accueillir une certaine lumière », non dans la priorité à accorder à « la création des valeurs 591 Dans quel champ est semée, alors, l’éducation aux valeurs ?

Notes
588.

G. COQ et I. RICHEBE, Petits pas vers la barbarie…, Paris : Presses de la Renaissance, 2002, p. 71.

589.

Ibid., p. 137.

590.

Ibid., p. 138.

591.

G. COQ et I. RICHEBE, Op. cit., p. 138-139.