II. Contenu d’entretiens semi-directifs

Quels sont les comportements ou attitudes auxquels les Ding accordent le plus d’importance ?

L’intervieweur a interrogé en équipe  ces trois personnes: Firmin, de Mambem, âgé de 70 ans, Obé Musirb, d’Otaangn, âgé de 50 ans et My Sim, de Mamben, âgé de 73 ans.

La première difficulté de cette question, c’est qu’elle demande à être répondue par les anciens, mais il n’y en a beaucoup actuellement. Je connais Mpan qui vient de temps en temps ici, il pourrait nous aider à faire ce travail.

- C’est vrai, mais les anciens de notre temps, c’est vous. En attendant, vous pouvez nous dire ce que vous savez. Quand les autres viendront, nous allons aussi leur demander de nous dire quelque chose. Que disent les Ding chez nous quand quelqu’un meurt ? Quelle est la première idée que nous avons en tête ?

La première idée, c’est d’aller aux obsèques, et là, nous palabrerons.

- Pourquoi ?

C 1 Nous devons chercher la cause de cette mort. Osa makang. Prendre ensuite des gens pour aller chez le devin, fixer une date, et ko ewa lantete, by makutana (le 9ème jour de deuil, on se retrouve pour dire à tout le monde la cause de la mort que le devin a détectée, la sorcellerie consiste en ceci ou cela, ou le sorcier se trouve dans la famille de son papa ou de sa maman).

- Par exemple, nous sommes venus, aujourd'hui, au deuil de cette femme. Comment est-elle décédée ? Pour nous les Ding, comment comprendre une pareille mort ?

Quand quelqu’un est malade, chez les Ding, on dit qu’il est envoûté par jalousie de ses proches, par exemple, ceux qui vendaient avec lui. Je suis passé où elle vendait son maïs, j’ai vu placée une palme signifiant le deuil. Mais en même temps et au même endroit, une autre femme vendait son maïs. Je suis étonné, lui disant qu’en principe quand, dans votre groupe de vendeuses, une vient à mourir, toutes les autres informées sont en deuil. Personne ne vend ni n’occupe la place de la défunte. Comment est-ce possible que tu occupes sa place, bien plus tu y vends ton maïs ?

- Que faire, selon nos coutumes traditionnelles ?

Il nous faut chercher la famille et les parents de la défunte pour donner le mpiam kpa.

- C’est quoi, ce mpiam kpa ?

Par exemple, pour annoncer la mort de cette femme décédée chez son époux, le mpiam kpa n’est est pas uniquement un message officiel que l’on communique à la belle-famille de la défunte. C’est aussi une invitation instante au deuil. Quand on était au village, après avoir donné ce mpiam kpa, et donc après la description des circonstances de la mort, on s’engageait, par les makang avec un des grands-parents du défunt, ses parents et son oncle, à aller chercher le coupable auprès du devin. Après la rencontre avec le devin, on relate les faits ou bisung, décrits par le devin, et on nomme le coupable détecté. Ce dernier doit payer le ompoongn (une sorte de grave culpabilité).

- Quels signes, quelle (s) matière(s) sont utilisés pour signifier le mpiam kpa ?

C 2 Au village, jadis, on donnait un ou deux francs congolais, mais actuellement il varie entre 100 et 500 francs. On donne essentiellement de l’argent pour communiquer officiellement le décès d’une personne aux membres de sa famille.

- Si une personne informée officiellement par ce rite traditionnel de mpiam kpa ne vient ni au deuil ni à l’enterrement, que préconisent les Ding pour l’amender ?

S’il ne vient pas, on lui attribue la culpabilité – ompoongn - de la mort du défunt pour lequel il est informé. On l’implore en vue de le convaincre –obwene. Pour y arriver, on envoie des sages ou des chefs de villages afin qu’il vienne de préférence avant l’enterrement.S’il vient à céder et à prendre part, même tard, aux obsèques, on lui demande pourquoi, après avoir reçu le mpiam kpa, il n’avait pas participé aux obsèques. Dans certains cas, il peut en profiter pour dénoncer un problème qui a longtemps existé entre deux familles, la sienne et celle où vivait le défunt. C’est lui qui est donc le nkom nsong, c’est-à-dire la profonde cause des problèmes et le coupable du décès. Dans ce cas, les sages vont l’interroger pour en savoir davantage. Il va dire, par exemple, qu’il avait des problèmes avec son gendre, mubeel. Les sages vont les entendre et tenter de résoudre leur différend. A l’issue de cette palabre, ils vont lui donner le mpiam kpa afin de traiter de la question du décès. S’il l’accepte, et que les sages se rendent compte qu’il n’avait pas de vraie raison de refuser le premier mpiam kpa, ils vont lui exiger une amende. Il va ensuite s’enquérir cette fois de la mort de son parent. Il arrive des cas où la famille du défunt attribue le ompoongn à un membre de famille qui ne s’était pas du tout intéressé à la maladie ni aux soins de la personne qui vient de mourir. Prenons, par exemple, le cas d’une femme qui meurt, à laquelle un des beaux-parents n’avait pas rendu visite pendant son hospitalisation. Si ce dernier apprend le décès de sa belle-fille et s’y présente après beaucoup de retard, on dit que c’est lui le nkom nsong. Il doit payer un tribut, une chèvre, par exemple, avant d’enterrer sa belle-fille. Le coupable (celui à qui l’on attribue la maladie et la mort) qui écope tous les torts.

- Comment le mari de la défunte doit-il enterrer sa femme ?

E M En principe, chez les Ding, un homme marié doit tout mettre à contribution pour enterrer son épouse. Le veuf doit personnellement acheter une pièce d’étoffe pour l’habiller. Même s’il n’a pas d’argent, sa belle-famille peut faire habiller l’épouse défunte, sans nécessairement lui imposer, plus tard, un remboursement. Néanmoins, il arrive qu’à certaines occasions, la belle-famille saisisse une occasion pour rappeler à leur gendre le prêt qu’on lui avait fait. Par commodité, le gendre en appellera à sa conscience pour envisager un éventuel remboursement, voire de moitié. Bien plus, jadis, dans nos coutumes, le veuf devait donner une chèvre pour l’enterrement de son épouse. La chèvre est symboliquement l’animal de réconciliation, de palabre. Elle est aussi l'animal de fête. Actuellement, on ne le fait plus, c'est-à-dire qu'à tous les coups, on ne prête plus de l'argent à homme pour les dépenses des funérailles de son épouse. Le veuf s’occupe de dépenses totales pour l’enterrement, qu’il va présenter à ses beaux-parents à l’issue de toutes les obsèques. Les beaux-parents peuvent, s’ils en ont la possibilité et s’ils sont de bon coeur, participer aux frais des obsèques.

- Êtes-vous déterminés à chercher la cause d'une mort pour toutes sortes de décès ou seulement pour une catégorie ?

C 3 C’est surtout pour une mort brusque, par exemple, si maintenant où nous parlons toi ou moi, un de nous arrivait à mourir, donc sans aucune maladie, car nous pensons que ce n’est pas normal, son heure n’est pas encore venue. Mais si c’est une personne âgée qui a longtemps vécu, nous n’allons pas chez un devin pour chercher la cause de sa mort. Sa mort est considérée normale et acceptée, c’est son heure qui est arrivée.

- Est-ce que la personne qui est morte est encore utile pour nous là où elle est partie ? Est-ce que tout est fini pour elle ? Va-t-elle faire quelque chose pour nous ? Va-t-elle vivre là ? Qu’est-ce qui se passe ?

Pour nous, cette personne n’est plus importante ; elle est morte et partie, c’est tout.

- Mais pourquoi allez-vous déposer ses biens au cimetière des défunts, par exemple, au décès de mon papa, on m’a parlé de sa lampe à pétrole, sa machette, sa chaise, Pourquoi ?

Après sa mort, selon les anciens, le défunt est susceptible de revenir pour attaquer ceux qui sont restés au village. Les anciens affirment que le défunt connaît ce qui se passe au village, On doit mettre ses habits au cimetière. Il reviendra attaquer ceux qui restent au village, même sa femme, si elle ne protège pas son corps, ni ne le respecte pas bien, en tous cas il revient la prendre. Cependant, avec l’avènement du christianisme, il n’est plus d’usage de mettre des ustensiles ou des habits de la défunte dans son cercueil. Cette pratique est tombée en désuétude, mais adaptée, avec la modernité. Sur le cercueil, on met aujourd’hui, de gerbes de fleurs. Les deux pratiques, traditionnelles et modernes, exaltent la vie au-delà de la mort. Dans Souffles, Birago Diop écrit, en effet : « Les morts ne sont pas morts… »

- Et si, aujourd’hui, je meurs et qu’absolument je désire avoir, sur ma tombe, mes outils de travail, mes appareils, que ferez-vous puisque vous suivez le christianisme ?

BT 1-Quand Monsieur Benoît Nger était mort par accident, on voyait circuler, chaque jour à 20h00, unvélo entre ces deux villages Iben et Lukumu. On le croyait conducteur de ce vélo. Pourtant, on ne voyait personne réellement à vélo dans l’ensemble de ces villages. Donc, c’est son « esprit », mulimu, qui se promenait. Dans la tradition Ding, pour le faire disparaître définitivement, on allait chez les sorciers guérisseurs qui déclaraient que c’est effectivement « l’esprit » de X mort qui était en divagation. Avec la mission chrétienne, cependant, les prêtres bénissaient le village ; un tel « esprit » ne circulait plus. Nous devons au Père Robert Penty d’avoir fait disparaître cet « esprit », à l’occidental. Un autre exemple, c’est la mort de Tasur, du village Iben, complètement perturbé. On apercevait de jour ce Tasur, comme un revenant. Il a fallu le passage d’un certain missionnaire, probablement le Père Paul Macream, pour en finir.

BT 2 Donc, si l’on compare les coutumes actuelles avec celles de la tradition, on peut conclure que nous avons complètement fait disparaître nos coutumes. C’est vrai, ce que tu viens de dire au sujet de maladies contractées, allant quelquefois jusqu’à la mort, parce qu’on négligeait de mettre sur la tombe du défunt ses outils de travail (par exemple, une hache, un arc et des flèches, pour un homme, ses cigarettes et une pipe, et une machette, une houe, une hotte, un panier ou des nasses, pour une femme), ses ustensiles (un pilon, un mortier, une casserole, des plats et des couteaux, pour une femme ) ou ses habits. Ces maladies étaient appelées Dzwam, et on les attribuait au fait que le (la) défunt (e) dépourvu (e) de ses biens dans sa nouvelle demeure des Morts, est donc revenu les réclamer. Les Dzwam furent comme des signes manifestes aussi bien de leur mécontentement que de la réclamation de leurs biens. C’est vrai ! Il existait des maladies suite à cette omission. Pour en guérir, on allait tuer une chèvre au cimetière du défunt en signe d’harmonisation de liens brisés, de reconnaissance de son existence et de la demande de ses biens. Actuellement, les gens n’y croient plus ; cette pratique est assimilée à l’idolâtrie. Comment expliquez-vous qu’avec la mission chrétienne qui nous a amenés à supprimer la tradition de dépôt de biens sur le cimetière, il y ait encore de gens qui souffrent de maladies dues au Dzwam ? Bien plus, nous avons vu qu’à la mort du Pape Jean-Paul II, on a posé la Sainte Bible sur son cercueil. Si vous dites qu’avec la mission chrétienne on ne doit plus respecter les pratiques de la tradition Ding de dépôt de biens sur le cimetière, comment justifiez-vous la présence d’une Bible sur le cercueil du pape ?

- Dans d’autres ethnies, par exemple dans le Bas-Congo, un cimetière ressemble à une maison d’habitation par sa taille et son investissement matériel. C’est le même problème au sujet de notre dialecte Ding. Des enfants Ding nés dans de centres urbains parlent facilement le Ding, alors que ceux qui sont nés dans des villages n’en connaissent aucun mot. Pourquoi ?

BT 3 Notre coutume disparaît progressivement, par orgueil. La mentalité de la tradition au sujet de la peur d’être attaqué par les morts devient une conviction, cela n’arrange pas les choses. Je me rappelle qu’actuellement, au village, on voit des enfants qui voyagent seul d’un village à l’autre, même de nuit, sans avoir peur de cimetières. D’autres s’y installent sur des nattes pour dormir. Et pourtant, longtemps, on entendait dire que dans tel ou tel cimetière on était attaqué de nuit, quand on y passait seul. Le moindre doute avait pour récompense une épreuve personnelle à celui qui mettait en cause cette mentalité ancestrale. « De fait, un Aîné, vivant, qui racontait à un jeune de ne pas voyager seul de nuit où il y avait des cimetières dangereux, allait quelquefois s’y cacher lui-même pour faire peur au jeune incrédule et à la nuque raide. Malgré cela, des jeunes sont nombreux à croire le contraire. » - Et la femme du défunt, qu’en fait-on après la mort de son époux ?

M V Elle doit respecter la coutume des anciens : ne peut ni sortir ni faire la cuisine, ni se promener. On lui donne à manger. Après cette période de réclusion, nous achetons du vin, on fait le rite de levée de deuil, ses amies lui donnent de nouveaux habits, lui font porter sa hotte, on étend une natte sur le sol, on cherche là où il y a beaucoup de personnes, ba mutye eyo, pour l’autoriser à dormir sur le lit.

- Peut-elle se marier après ou non ?

Si la famille de son mari avait d’autres hommes, elle peut se remarier, en donnant un tribut, une chèvre, mais ce n’est plus une dot.

- Et si c’est une autre personne qui l’épouse ?

Elle doit payer la totalité d’argent pour la dot.

- A qui doit-on donner l’argent de la dot ?

Ce n’est plus de l’argent qu’on doit donner, comme au premier mariage à l’oncle de la femme, à son papa (bangamur e bankende) et à ses grands-parents maternels. Moi, le mari de droit, je fixe le prix de ma femme qu’on me prend, je fixe le prix pour ma femme. Puis, l’homme qui l’épouse, me donne mon argent. S’il aime sa femme, s’il a des enfants avec elle, il va donner du vin à son papa, aux bangamur de sa femme, c’est lui-même qui devra reconnaître les bangamur. Moi, de mon côté, l’essentiel, est que je lui ai fixé le prix pour elle, ce qu’il a payé, c’est ma part, j’ai pris mon argent, je ne connais pas les bangamur. Et si un jeune garçon comme celui-ci veut se marier, son heure est venue… (Viens, jeune homme. On nous provoque, ce n’est pas nous qui allons avoir de l’argent, avoir du bonheur (être heureux), on nous piège inutilement).

- Que dit la tradition Ding au sujet du mariage ? Que faut-il faire si un garçon veut se marier ?

MJ G Un garçon n’agit pas comme il veut. Quand il en a envie, et a atteint l’âge, il le déclare aux anciens qui lui posent, par exemple, cette question : as-tu en vue une femme pour le mariage ? Si le garçon répond affirmativement, on doit se renseigner sur la réputation de la famille de la femme. Car il arrive que, parfois, sa maman accepte ou non. Pareille réaction pour son oncle si avec cette famille ils ont de problèmes. Dans le cas où les conclusions s’avèrent négatives, on renonce à ce projet de mariage. Autrement, on va mandater à l’unanimité un ou deux adultes pour demander la main de la femme. On leur propose d’apporter une dame-jeanne de vin (maan ma ngierb ou maan ma mpitu) pour demander en mariage la femme présumée. Les oncles du garçon ou ses demi-frères pourraient efficacement remplir cette mission et causer avec ladite femme. C’est l’officialisation les fiançailles. Viendra ensuite le mariage coutumier avec le kanga lupangu (maan ma mpimwen o mye ma bor) avant que le mariage qui va enfin se faire à l’aide de la dot. Au stade de kanga lupangu, c’est la reconnaissance sociale officielle de l’union conjugale de deux conjoints ; ils peuvent vivre ensemble et commencer l’acte conjugal, voire faire des enfants. Donc, en général, un jeune qui veut se marier le dit à, nous ses parents. Nous accueillons bien sa demande. On lui demande s’il s’est entendu avec la fille. S’il dit oui, nous allons prendre du vin, et nous allons demander la main de la fille.

- Est-ce que c’est le jeune garçon lui-même qui cherche sa femme ou c’est vous qui lui chercher une femme ? S’agit-il d’une fille ou d’un garçon ? Un garçon qui veut se marier, est-ce que c’est nous qui lui cherchons une femme ou bien c’est lui-même qui, en se promenant, vous dit qu’il a trouvé une femme qu’il voudrait épouser et vous charge d’aller demander sa main ? Pourquoi ?

Ca dépend ; il peut, en se promenant rencontrer sa fiancée et nous dire qu’il veut épouser telle fille. Si nous sommes d’accord, et que leur entente est bonne, nous prenons une calebasse de vin, nous allons demander sa main.

- Comment connaitriez-vous la porte de la maison de la fille, puisqu’il s’agit d’une fille rencontrée en route, quelque part ?

Nous allons nous renseigner. Avant d’aller demander sa main, nous allons demander les noms de sa mère, son père ; si toi le jeune garçon qui l’a vue, tu n’es pas son frère ou son parent. Nous allons encore nous renseigner auprès des gens qui la connaissent si c’est une fille qui sait ou non faire la cuisine, travailler, etc. Si c’est ce que nous voulons, (si tout est complet), nous prenons une calebasse de vin, nous partons demander sa main.

- Et si vous prenez une calebasse de vin et qu’après coup elle ne sait pas préparer ; elle n’avait pas de bonnes habitudes (pas de qualités), que faites-vous ?

Réponse spontanée : Nous allons d’abord lui apprendre.

- Vous allez lui apprendre ! N’allez-vous pas reprendre votre vin ?

Non, nous n’allons pas d’abord reprendre notre vin. Nous allons d’abord lui apprendre ; Nous allons nous entendre avec sa maman, son père, leur disant que votre fille ne sait pas faire, conseillez-la et apprenez-lui comme il faut. Si en fin de compte, il s’avère que la fille est têtue, n’entend pas les conseils de sa mère et son père, nous allons laisser, nous allons « démissionner ».

- Ca, c’est si le garçon lui-même est allé épouser la fille, mais si c’est vous, que faites-vous ?

MJ G1Comme actuellement, mais avant on disait : Tu es notre petite-enfant ou mutil, nous te donnons un mari, de notre gré, si leur mariage ne va pas bien, le garçon vient nous dire que la femme que vous m’avez donnée, je ne la veux plus. Prenez votre femme. Vu cette difficulté, nous avons changé : c’est chacun qui doit choisir sa femme pour que, si ce mariage est dissout, ça soit la responsabilité de deux conjoints. Nous ne serons plus impliqués dans cette affaire.

- Et alors, à qui donneriez-vous le vin utilisé pour demander la main de la fille (maan ma ngyaab) ?

Ca dépend d’abord du lieu où la fille préposée au mariage habite. C’est le premier endroit où elle habite qui compte. Si elle habite chez ses oncles, on leur donne du vin, ils vont l’acheminer chez le papa de la fille et ses bangamur ; il nous donne une date. Si c’est chez son papa, ce dernier reçoit le vin et l’achemine chez son oncle et ses bangamur. Ce sera la même procédure si la fille habite chez ses bangamur.

- Et si je (le papa de la fille chez qui habite la fille) suis de mauvaise foi, je ne m’entends pas avec mon beau-père (le papa du garçon), alors que l’on vient s’entendre avec moi. Mais je ne veux pas surtout m’entendre avec ceux qui viennent pour la réconciliation puisque tous les avantages sont accordés au papa du garçon, comment arrangerez-vous cette situation ? Dois-je ou non (moi, le papa de la fille) boire ce vin ?

Réponse : Ca c’est vraiment un mauvais cœur.

- Comment allez-vous arranger cette situation ?

Si toi chez qui habite la fille, - à supposer que tu es l’oncle de la fille -, tu ne veux pas nous accueillir, si moi, le garçon, j’aime ma femme, je vais aller chez son père. Donc, en réalité, même si l’on va chez les oncles ou les bangamur, au sujet de maan ma ngyaab, mvutu nsuka o’wa tende mukor, soit la dernière réponse revient au papa de la fille.

- Pourquoi, chez les Ding, on incrimine (met toute la responsabilité sur) la femme quand il arrive qu’une fille de la famille a une grossesse hors mariage ou quand un garçon rend mère une fille ?

E E Si c’est une fille qui est enceinte, on incrimine (la responsabilité revient à) sa maman puisque sa fille est une femme, elle-même, c’est aussi une femme ; ce sont deux femmes. C’est à sa maman que revient l’éducation d’une fille. Ne vas ni ici ni là-bas, ne t’amuses pas avec des garçons, pas à telle heure ! Des tels conseils sont du ressort de sa maman. Si sa fille est enceinte, nous allons demander où elle est quand sort sa fille ou quand elle se comporte de cette manière. C’est toi qui l’autorises, puisqu’il arrive que la maman dise à sa fille : « Tu n’attends qu’ici, je te donne toujours, vais-je tout le temps te donner… ?» (Comme pour dire je suis fatiguée de te donner des biens, de l’argent, trouve toi-même aussi). Une fille qui entend de telles paroles panique, va s’entendre avec des garçons pour avoir de l’argent. Yin ma kya.

- Et un garçon ?

Matian bo, matian bo. Yin ma kosa mwa mukor egyiem, mye ma mogyar.

- Il y en a qui viennent ici disant qu’ils ont fui leur mère.

Non, pour un garçon, c’est à moi qu’incombe la faute. Je l’ai chassé, lui disant : « Je t’ai tiré, tiré, tu n’entends pas, vas-y. Tu as rendu mère une fille, vas payer ton argent !»

- Donc, ceux qui chassent les garçons ont tort, voire ceux qui chassent des garçons et leurs mères ?

Si tu chasses un garçon et sa mère, tu as mal fait, puisqu’un garçon cause non avec sa mère, mais avec son père.

- Dans nos coutumes Ding, l’éducation et la vie d’un garçon dépendent de son père, celle de la fille de sa mère. Mais certains papas ne sont pas satisfaits de ce que font leurs fils, ils les envoie chez leurs oncles.

Oui, moi, le papa, il m’arrive de dire ceci : « Mon Paul ici, c’est un garçon. J’ai éduqué, éduqué, en vain ; il est parti rendre mère une fille et a provoqué une palabre. Je me fâches, je le prends en le traînant de force jusque chez son oncle, pour lui dire : « C’est toi l’oncle de cet enfant, OK. Ton neveu est chez moi, j’ai parlé…il ne m’entend pas, prends muor ya (ton type) ». Quand il viendra après moi, tu seras seul, je suis parti.

- Avez-vous l’impression que, aujourd’hui, au Congo, les filles étudient beaucoup ou c’est vraiment l’inverse ?

Sur 600 étudiants, dans notre Auditoire, il y a 300 étudiantes. A partir de cet exemple, je peux dire que les filles sont à l’école, elles sont quand même minoritaires, mais elles étudient. Pour les filles Ding, je commence, par exemple, quand nous étions aux Humanités, j’avais remarqué qu’il y avait d’autres filles qui se battaient très bien par rapport aux garçons et qui occupaient souvent les 3 premières places dans notre classe de 6è. Ici, à l’université même, sur 40 filles qui sont passées en 1ère session, il y a eu 17 filles parmi ces 40 là. Dans le groupe il y a des filles Ding qui méritent la parité. Pour nous, les hommes, c’est bien d’épouser, plus tard, les filles qui ont étudié. Par exemple, moi-même, je suis né des parents qui ont étudié : papa a fait l’université, maman a fait aussi l’université. Et, je vois le niveau de l’éducation que nous avons par rapport à d’autres enfants dont les parents n’avaient pas eu la chance de faire l’université, vous sentez en tous cas que nous avons un niveau élevé d’éducation. On dit que c’est le papa qui s’occupe souvent de l’éducation de ses fils. Ton papa ne te manquait-il pas ? Dès le bas âge, on était plus avec maman qu’avec papa. Tel que moi, j’ai vécu avec papa à partir de 1996, presque 10 ans après, quand maman travaillait à Mwilambongo, papa travaillait à Idiofa, on était avec papa pendant les vacances seulement. On était souvent avec maman. C’est vrai que chez les Ding on dit que l’éducation d’un jeune garçon à cet âge est plus assuré par son papa que par sa maman. Mais voyez : j’ai fait l’inverse ; ça ne me faisait pas un problème d’être éduqué par ma maman, comme elle-même était d’abord éducatrice, si vous voyez, partant de l’expérience qu’elle avait déjà, c’était facile, c’était facile pour elle, je m’étais facilement adapté à cette éducation. Parce que l’on dit que chez les Ding, même dans beaucoup d’ethnies, un garçon est initié à beaucoup de travaux et même aux secrets de la vie par son père. Tu as l’impression d’avoir appris tout cela avant ou papa t’en a parlé plus tard ? Bon ! Tel que j’ai commencé par vous dire : je vous ai, euh ! je venais d’ailleurs de vous dire, moi, j’ai commencé à vivre avec papa à partir de 1996, j’étais en 5è primaire. A partir de 1996, on a été ensemble, ensuite il a été muté, moi j’étais presque seul avec la petite sœur et nos cousines, mais au moins vraiment… à côté de papa j’ai vraiment beaucoup appris. Quand maman s’occupait de mes sœurs, j’étais jaloux. Jaloux, peut-être oui, puisque jusqu’à aujourd’hui, parmi les quatre enfants, celui qui souvent …même plus attaché à maman, c’est vraiment moi, euh…J’avais quelque chose, une petite jalousie lorsqu’elle s’attachait encore plus à mes sœurs qu’à moi, euh ! Obligatoirement, il y avait quelques cas de jalousie dans ce sens-là. Mais mes sœurs comprenaient puisque papa était souvent absent pour son travail, il venait seulement pendant les vacances, elles comprenaient quand même; elles ne disaient pas que je prends toute leur place, elles n’étaient pas jalouses de moi. D’ailleurs, dans l’ensemble, on n’en voulait pas à notre papa, nous, on comprenait, et c’est justement à partir de ce travail que nous, on vivait. Bon ! On se contentait au moins de quelques jours de vacances qu’il était à nos côtés, on arrivait quand même à comprendre. Pour toi, qui devra éduquer les enfants dans ta famille plus tard ? Si demain, j’ai une famille, je préférerais que l’éducation de mes enfants soit assurée par nous deux à la fois, puisqu’on dit la femme et l’homme doivent toujours se compléter parce qu’il peut y avoir d’autres cas où la femme n’est pas sévère, je peux intervenir ou quand je ne suis pas sévère, ma femme peut intervenir, elle peut prendre la relève de l’éducation de nos enfants. Il y a d’autres cas qui exigent que le mari, en tant que le chef de famille, puisse prendre des décisions. Mais il y a aussi d’autres cas où l’on doit absolument faire appel à l’intervention de la femme, à son conseil ou surtout à sa sagesse, car, chez nous, vous le savez, la femme est le symbole d’une sagesse importante. Est-ce vrai ? Ah ! Oui, tel que pour les enfants, vous savez que la femme est souvent plus près des enfants que l’homme. Si nous pouvons faire un pas en arrière, nous pouvons dire que, partant de notre côté traditionnel, vous verrez que, la femme, euh, la femme, lorsque la femme ne s’occupait que de la cuisine, des travaux ménagers, de l’éducation des enfants, elle était plus proche des enfants, elle connaissait mieux les desiderata des enfants, leurs besoins, elle comprenait au moins leurs caprices par rapport à l’homme, dans ce sens-là. Mais, si on doit voir l’éducation des enfants dans la maison, on doit reconnaître que, en ce temps-là, l’éducation n’était pas bien assurée. Vous voyez : la femme avait pour rôle, dans cette société-là, de s’occuper des travaux ménagers. Vous pouvez vous-même imaginer quelle espèce d’éducation il y avait dans cette époque-là. L’homme, malheureusement, ne pouvait s’occuper de l’éducation de leurs enfants que parfois le soir puisque, en ce temps-là, souvent, les hommes revenaient du champ seulement, ils passent leur temps avec leurs enfants seulement la soirée, par exemple, de 17h à 19h et, à 20h, ils étaient déjà au lit pour ressortir le lendemain matin pour vaquer à leurs occupations de champs. On peut dire plus profondément ceci par rapport à l’école : je ne connais pas grand’chose de la culture Ding, mais le fait est vrai que je connais au moins les enfants des Ding qui ont étudié, ont eu de grands emplois, comme vous, par exemple.

- Et si tu n’as pas encore officiellement présenté la fille ou le garçon chez son oncle, mais qu’il t’attire une palabre ? Que faire ?

Tu iras chez son oncle. Même si tu vas présenter les enfants chez ses oncles…Nous sommes toujours dans la Tradition. Je voudrais revenir là où nous avons dit que si une fille a une grossesse hors mariage, il faut chasser sa mère. Normalement, son père est très pris, du matin au soir, il va en forêt pour travailler. Il n’a pas vraiment beaucoup de temps pour rester avec ses filles par rapport à son épouse parce que, quand une maman prépare ou quand elle va puiser de l’eau à la source, elle est avec sa fille, ou encore quand elle va au champ. C’est elle qui lui apprend le travail (préparer les feuilles de manioc, cultiver un champ, etc.), l’éduque depuis son jeune âge jusqu’à l’âge adulte. Une fille grandit plus aux côtés de sa maman que de son père. En revanche, pour un garçon, toutes les activités que fait son papa, il le lui apprend. Quand ils vont en forêt, il lui apprend comment faire un champ, monter sur un palmier pour tirer du vin, tendre un piège. Il lui apprend également les noms des arbres, les petits sentiers, les limites de la forêt (comme propriétés foncières), bref beaucoup d’activités et de travaux qu’un garçon connaît, mais qu’une fille ne peut connaître. Un garçon ne connaît pas les activités d’une fille. C’est pourquoi, très souvent, quand une fille est enceinte hors mariage, sa maman le sait. Parfois, dans certaines familles, la maman connaît le garçon qui sort avec sa fille, mais le papa ne le connaît pas. Il arrive des fois où la maman sait que sa fille est enceinte, mais elle a peur de le dire à son mari, ne sachant pas exactement en quelles termes annoncer le nsong (pourrait signifier une affaire difficile), donc la grossesse de sa fille.

- Vous avez dit que si un garçon grandit, son papa va le présenter chez son oncle. Comment le faites-vous ?

Exemple. Je suis ici à Kin. Je vis avec ma femme, nous avons des enfants qui ne sont jamais arrivés au village. Je vais voir ngamur, et je luis dis : je suis sorti avec ma femme, ton mpangi (frère), nous avons des enfants, tes bor (tes hommes). Voici cette calebasse de vin, je viens te les présenter.

- Pourquoi devez-vous les présenter ?

Je dois les présenter. Quoiqu’il arrive la nuit comme le jour, lui et moi, nous sommes en accord, nous allons faire ce qu’il faut.

- Mais pourquoi vous devez présenter ces enfants, puisque cet oncle sait que toi, tu as épousé ma sœur, vous avez des enfants et que vous vivez à tel endroit ?

Je dois les présenter puisque l’oncle et sa famille ne vivent pas avec moi. Quand je vais les leur présenter, ils deviennent, comme moi et avec moi, responsables de ces enfants. Quoi qu’il leur arrive, jour et nuit, ils sont responsables, ils portent le fardeau. Si un jour, un enfant se marie ou a une palabre, je n’irai seul, mais avec ceux de sa famille auxquels il est présenté. C’est-à-dire si tu présentes un enfant, il a grandi. Oui, il a grandi, j’attendrai quand les tout-petits vont grandir pour les présenter à leur tour. C’est surtout pour que nous prenions ensemble leur responsabilité.

- Qu'est-ce que les Ding aiment encore ?

D Les Ding aiment la danse. Oui, la danse est une des activités que les Ding aiment beaucoup. C’est parmi les attitudes que les Ding aiment le plus. La danse s’exécute au rythme de chants, de tam-tam et d’autres instruments. Elle a deux buts. Un but récréatif, surtout stimulateur, et un but didactique. Par exemple, pour le but récréatif, pendant les défrichages de champs, les Ding entonnent les nziém (ce sont des chansons Ding). En d’autres circonstances, la mort d’un adulte, sage du village, d’un chef, l’investiture d’un chef, les fêtes de fin d’année civile, le deuil, les nziém sont exécutées pour plusieurs raisons. Pour des motifs de loisir, les Ding s’éclatent, par la danse, afin de manifester leur état d’âme (joie, inquiétude, satisfaction, joie). Ils chantent pour chasser la fatigue et avoir un important réconfort collectif, surtout pendant les durs travaux de champs, de fabrication de cercueil traditionnel en bois (ngom). C’est aussi un moyen pour se défouler, éliminer les soucis de tous genres. Dans le but didactique, les Ding traduisent essentiellement, par les mêmes chansons, leur message à l’occasion du décès d’un homme ou d’une femme, d’un adulte, d’un sage du village. Ils s’y expriment, en traduisant ce qu’ils ressentent, ce qu’ils vivent. La danse est toujours accompagnée de cris, de la mimique. Il y a d’un côté un (des) batteur (s) de tam-tam, et de l’autre une foule qui chante, danse et répond. Toute cette rythmique et le contenu du message sont en général fonction de la chanson entonnée. A travers elle, il y a un message qui se transmet. Celui-ci est exprimé par la danse : la façon de danser, l’expression du visage, de certaines parties du corps communiquent explicitement tel message ou tel autre. Les chants sont composés de proverbes, d’énigmes. Ils constituent parfois une poésie.

Les Ding connaissent plusieurs sortes de danses. Ce sont des danses macabres comme le mumpambul, exécutée essentiellement par les femmes pour exprimer la vie conjugale du défunt ou de la défunte, ses joies, ses peines. Il y a aussi des danses ordinaires (Ekway, Kuk, etc.), exécutées par deux groupes : les batteurs de tam-tam, les hommes, en général, et les danseurs, hommes et femmes. Ici, le groupe mixte danse, scande des slogans ou des chants entonnés par les batteurs. C’est à travers ces slogans et chants que l’on trouve le double objet récréatif et didactique de la danse Ding. On sait également trouver des slogans ou des chansons où certains comportements sont réprimandés et décriés, mais d’autres contiennent des encouragements ou l’exaltation de certaines valeurs comme l’endurance, la persévérance, le courage, la patience, l’attention aux gestes, aux signes et aux paroles, la solidarité et l’entraide, l’unité, la joie, la pureté du corps et de l’esprit.

Nos Ancêtres n’ont pas tenu compte de notre style Ding ; ils n’ont pas gardé notre culture. Notre danse actuelle n’est pas nôtre, mais celle des Lele. Il paraît que nous dansions comme les Sakata, les Teke. Mais notre façon actuelle de danser, c’est le propre des Lele. Cette question de Muka Nkum, c’est l’affaire des Lele. Onuan minkar, la danse Ekway, tout cela vient des Lele. Nous avons oublié notre propre culture.

De Mpay Nwan Cyrille, Professeur à Kinshasa-Kingasani, âgé de 50 ans : Les valeurs culturelles : coutumes, mariage clanique ou endogamique, consultation des voyants pour détecter les causes de la mort ou de la maladie. Le respect de l’être humain : le fait que les Ding ont peur ou horreur de voir le sang coulé par exécution sommaire. Les valeurs spirituelles. Très chrétiens (vrais chrétiens), ils commettent rarement de meurtres, de crimes odieux, de vols qualifiés, par exemple. L’honnêteté : ils sont très sincères et ont peur de détournement des biens ou des fonds publics. La discrétion : les Ding gardent secrets les problèmes ou les actions. L’occultisme : ce phénomène freine le développement, mais les Ding ne veulent pas l’abandonner.

De Mpiangana Mwimbenge, Professeur à Kinshasa-Kingasani, âgé de 41 ans : Le respect de la personne humaine et le sens du bien commun ; l’honnêteté, le travail, le courage ; la politesse, la sagesse, l’intelligence, la simplicité, la personnalité, la discrétion.

De Lakulu Mwafre Amédée, Professeur à Kinshasa/Masina II, âgé de 40 ans :

L’honnêteté, la simplicité, la pudeur, le travail, la propreté, le partage.

De Ngun, Comptable à Kinshasa-Lemba, âgé de 50 ans : Les Ding sont foncièrement loyalistes et respectueux du pouvoir et des personnes chargées de l’exécuter. Ils sont égoïstes, avares et conservateurs de leurs coutumes.

Que font les Ding ?

De Mpay Nwan Cyrille : En analysant l’intelligence des actions, il est vrai de croire que les Ding sont intelligents mais ne l’exploitent pas à bon escient. Ils ne sont pas entreprenants et manquent d’initiatives, pour la plupart.

De Lakulu Mwafre Amédée : Les Ding font toujours un effort pour vivre en harmonie avec la société et être pris comme modèles.

De Mpianganga Mwimbenge : Pour valoriser ces attitudes comportementales, les Ding n’aiment pas l’impolitesse, l’avarice, le mensonge, le vol, la criminalité, la sottise, l’imbécillité, l’oisiveté, l’insolence, etc.

De Ngun : Chez les Ding, le pouvoir n’est pas un élément terrestre, il vient de Dieu qui l’a confié aux ancêtres pour les vivants. Ainsi, personne n’a le droit de manquer de respect ni au pouvoir ni aux personnes qui l’incarnent et sont avant tout des modérateurs entre les vivants et les morts. De façon générale, le chef de clan, chez les Ding, protège tous les membres et conservent les attributs de celui-ci. Les actes ou la méconduite d’un membre de clan engagent tout le clan qui en subit les contrecoups. Le Ding est égoïste. Pour bien lire cette attitude, il convient de voir comment il se console quand il partage le butin de sa chasse. Il y a des parties du gibier abattu qui ne sont exclusivement réservées qu’aux hommes, jamais aux femmes. L’homme se réserve, par exemple, les intestins des animaux et d’autres parties non moins succulentes.

Comment les Ding représentent-ils leurs comportements fondamentaux ou comment les expliquent-ils (il s’agit de dire en d’autres termes comment ils construisent quotidiennement leurs comportements ou ce qu’ils aiment le plus).

De Mpay Nwan Cyrille : Ils présentent leurs actions par des idées muettes individuelles et limitées dans leur for intérieur (interne). C’est pour cela que les Ding n’ont pas d’Associations et sont, en revanche, très égoïstes.

De Mpianganga Mwimbenge : Par leurs actes quotidiens, les Ding s’efforcent d’être toujours mieux appréciés, c’est-à-dire il faut qu’un jugement positif soit dit en leur faveur. En d’autres termes, ils cherchent la modestie, mais ils vivent l’individualisme.

De Lakulu Mwafre Amédée : Ceux qui se comportent mal sont considérés comme en marge de la société et réprimés par des critiques.

De Ngun : Le Ding est conservateur de sa coutume. La tortue, par exemple, est un animal totem pour certains clans. Elle en est aussi un animal mythique, considéré comme ancêtre ou parent lointain. Manger sa viande, pour un membre du clan, c’est manger et profaner son ancêtre avec (comme) conséquence l’éruption des vésicules sur la peau.

Chez les Ding, le ndoki (sorcellerie)est perçu comme une sanction contre l’immoralité, le vol et comme moyen de protection pour soi-même ou la communauté.On devient ndoki (sorcier) par un sacrifice humain ou une redevance à payer pour acquérir cette puissance surnaturelle qui le permet d’agir ou d’opérer.

Dans la tradition Ding, le ndoki (sorcellerie) assure la protection du groupe (famille, village, clan). C’est aussi une façon de sanctionner les personnes victimes de conduite immorale et les récalcitrants de la société. Comme tel, le ndoki assure la discipline dans la société. Ce double objet du ndoki est respecté de tous les Ding. Ainsi, par exemple, certains villages avaient leur ndoki contre les maladies et les attaques extérieures. Le village Bampum Lukumu ou Bampum Laken Okpa est, par exemple, un village protégé contre la foudre qui n’y tombait jamais. Dans ce village, en effet, on trouve un gros arbre sous lequel les ancêtres ont enterré les fétiches protecteurs du village contre la foudre. Ces fétiches, faits de crapauds, agissent chaque fois qu’une foudre menace de tomber, pour dévier sa trajectoire. Le chef de clan ou de famille a également des fétiches pour protéger son clan ou sa famille des attaques de sorciers d’autres clans ou d’autres villages. Personne ne peut envoûter un membre de son clan, sans le consentement du chef de clan ou sans aucune vraie raison. Les chefs de villages et de clans forment une confrérie ; ils se concertent toujours pour tous les problèmes dans le village. Un enfant impoli, un homme ou une femme qui a commis l’adultère, un voleur peut être ensorcelé et, pour en être guéri, il doit publiquement demander pardon lors d’une cérémonie de réconciliation au village ou dans le clan. On lui frottera le kaolin (otungn mpiam) et un féticheur sera désigné pour le soigner (osa maso). Le cas le plus grave, c’est le recours à la pratique de la lance (ekong) quand on a épuisé toutes les voies pour punir ou quand le cas est très grave. Elle entraîne souvent la peine de mort. Les autres sont souvent punis par une sorte de grave malédiction que les Ding appellent Evu.

En général, dans la conception Ding, ce n’est pas n’importe quelle personne dans le village qui pouvait détenir les ndoki. C’était une affaire jalousement réservée aux chefs de clan, du village ou à une catégorie de la communauté. Ainsi, pour les Ding, le kindoki (la sorcellerie) se transfère du père au fils, de l’oncle au neveu. Il ne fallait pas le prendre ailleurs, car chaque communauté a ses secrets, sa tradition au sujet de ndoki et sa place dans la confrérie.

Que font les Ding de ce qu’ils disent ?

De Mpay Nwan Cyrille : Les Ding les pensent ou parfois les disent mais sans les concrétiser ; Souvent leurs actions restent lettre morte.

De Mpianganga Mwimbenge : De ce qu’ils disent, les Ding réfutent tout caractère qui va à l’encontre de ces valeurs culturelles. Par exemple, un voleur, un criminel, un sot ou autre est toujours mal considéré ou mal vu dans la communauté ou mieux n’a pas sa place dans la société.

De Lakulu Mwafre Amédée : De ce qu’ils disent ils répriment ce qui est mauvais en critiquant.

De Mvi Vincent : Les Ding vivent ce qu’ils disent.

Supposons que vous avez votre diplôme de médecine, par exemple, à la fin de vos études. Si vous aviez le choix : est-ce que vous préféreriez devenir un grand médecin dans un hôpital parisien ou devenir un médecin de campagne au Congo ? Mêmes question pour un Architecte, une Infirmière, un Avocat et une Couturière.

TC TV De Ngun : Je choisirais de devenir médecin dans un hôpital parisien pour ces raisons. D'abord, à la campagne, les soins médicaux modernes sont un recours de second choix. Les malades pensent d’abord aux plantes, c’est-à-dire aux soins médicaux offerts par les Tradipraticiens. Quand bien même ils peuvent recourir aux prescriptions de médecins, ils sont butés au problème d’argent. Cette situation ne favorise pas l’épanouissement de tout corps médical qui veut travailler à la campagne. Donc, à la campagne, il y a un problème de mentalité. Par contre, en France, c’est la civilisation. Tout concourt à l’émergence médicale. Le médecin à Paris est bien rémunéré et il est payé régulièrement et à temps.

Mlle : A Paris, j’aurai beaucoup d’ouvertures. Je trouverais trop d’avantages en ce qui concerne les matériels des soins appropriés et les matériels des soins modernes.

Une autre : Je suis d’abord née au village, j’ai fait mes études au village, j’ai grandi au village, je vais préférer travailler à Paris puisque, là, j’aurai des ouvertures, des matériels pour travailler et un bon salaire par rapport au Congo.

De Mvi Vincent : Mon choix serait d’être médecin de campagne, au Congo, parce que je connais bien le milieu, la langue, les habitudes et je peux, par conséquent, être utile, faire de cet hôpital un hôpital de référence qui peut faire savoir certaines maladies du coin.

Monsieur : J’aurais souhaité travailler au village puisque notre pays est parmi les pays qui continuent à poser beaucoup de problèmes dans le domaine de la santé. Par exemple, en 1990, il y avait un médecin pour 11.000 Habitants. Pour cette raison, je préférerais travailler ici, au Congo, pour élever le niveau de notre pays dans le domaine de la santé. Bien qu’ici, au Congo, les médecins ne sont pas bien payés par rapport à la France, en particulier à Paris, les médecins congolais sont, cependant, bien considérés.

- Que pensez-vous du salaire. Vous acceptez d’avoir un salaire inférieur à celui de votre collègue qui ira à Paris ?

Ca ne pose pas beaucoup de problème. A Paris, malgré votre bon salaire, vous serez toujours un étranger. Ici, je suis chez moi, j’autres avantages par rapport à celui qui va aller à Paris.

- En effet, en dehors de votre travail, vous pouvez aussi vous occuper de l’agriculture, organiser une ferme ou faire d’autres occupations parallèles.

Oui, c’est comme vous le dites : ici, par exemple, je peux faire autre chose que je ne pourrais faire à Paris.

Un autre : Aller à Paris, ce serait pour approfondir des connaissances et faire une spécialisation quelconque en médecine, puis revenir dans mon pays, parce que je suis d’abord nationaliste et pour d’autres raisons propres à moi.

A Paris, je serai à l’étranger, c’est mieux de rester dans mon pays et travailler dans mon pays.

- Vous ne voyez pas que vous aurez une difficulté, apprendre où il y a des très bons matériels, tout y est au point ; vous revenez pour travailler dans un endroit dépourvu de matériels, ne serez-vous pas dépaysés, n’allez-vous pas faire un travail qui ne sera pas bien apprécié ?

Je pense bien que, au niveau du Congo, il y a quelques matériels, mais ce ne sont pas de matériels complets, mais le peu que j’aurai appris pendant mes études et ma spécialisation, je pense bien que j’aurai la facilité de bien travailler, sans doute aussi avec le peu de matériels que j’aurai. Je préfère plutôt rester au Congo que d’aller en Europe.

- Ne pensez-vous qu’en ne travaillant qu’au Congo, vous courrez le risque de vous abrutir et de perdre votre science, même redevenir au niveau d’un infirmier ?

Vous dites justement le contraire. En travaillant dans de moins bonnes conditions, je me forcerai à mettre du sérieux dans mon travail, à m’adapter avec le peu de matériels que j’ai. Ainsi, je pourrai faire de très bonnes choses. D’ailleurs, les conditions actuelles de travail d’un médecin congolais lui permettent de mieux s’adapter au rythme du Congo. Ce qui serait difficile à un médecin parisien : il lui sera difficile de venir travailler dans les mêmes conditions de travail que moi au Congo. Quand vous travaillez où vous n’avez pas toutes les facilités pour produire peut-être le meilleur de vous-mêmes, on peut s’abrutir. Mais, je pense qu’actuellement à la campagne, il y a des médecins qui lisent. Nos médecins lisent. Ils s’auto forment. Il y a des séminaires de formation même dans les coins les plus reculés de Zones ou Centres de Santé Rurale. On y organise de séminaires de formation, d’encadrement pour réduire les chances de leur éventuel abrutissement. Moi, je pensais que beaucoup de gens aiment partir en Europe parce que c’est l’Europe. Ils préfèrent vivre dans un endroit où il y a des builDings, de maisons en étage ; ils préfèrent se promener en voiture ou la facilité de la vie. Qu’est-ce que vous pensez ? Ce n’est pas normal. Puisque si, au Congo, on veut avoir des voitures ou des maisons comme à Paris, nous pouvons le faire. C’est très facile pour nous de le faire. Ce n’est pas dit que si nous en manquons ici il faut recourir toujours à Paris.

- Mais les conditions dans lesquelles les médecins travaillent ici n’attirent pas les autres médecins à travailler ici. Ils pensent qu’ils sont en train de souffrir. Imaginez que vous terminez en médecine, par exemple, on va vous affecter dans un hôpital où il n’y a pas de matériels ni un bon salaire, ou encore de moyens de déplacement. Bien plus, tous ceux qui n’ont pas étudié commencent même à se moquer de vous. Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai que c’est une difficulté réelle que connaît notre pays ; il n’y a pas que de médecins qui souffrent dans ces conditions-là. C’est pratiquement tous les cadres de ce pays qui souffrent. Moi, je pense que le problème doit trouver solution au niveau du Gouvernement. Ce ne sont pas les moyens qui manquent à ce grand et beau pays. Si notre Gouvernement a l’amour de ses citoyens, il peut améliorer les conditions de vie. Si les conditions de vie sont améliorées, je pense que très peu de jeunes cadres chercheront à sortir pour aller à l’étranger. S’ils sortent, c’est parce que, chez nous, c’est la misère due à l’égoïsme des dirigeants.

- Beaucoup de médecins d’ici, du Congo, préfèrent aller en Europe. Pourquoi y vont-ils ? Ceux qui ont terminé à l’Université de Kinshasa, par exemple, quand vous leur donnez une occasion pour aller en Europe, ils n’hésitent pas ?

Nombreux y vont d’abord pour la spécialisation, ensuite pour le salaire, parce qu’un fonctionnaire au Congo est mal payé ; il a un salaire vraiment minime qui ne lui permet pas de nouer les deux bouts du mois. C’est pourquoi ils préfèrent sortir que de continuer à rester ici.

Il y a des médecins congolais qui préfèrent plutôt sortir du Congo qu’y rester. La plupart sont allés dans un pays européen ou étranger pour une spécialisation. Ils sont cependant revenus au pays. Car, après tout, l’étranger reste l’étranger. Quand on y est, on reste toujours un étranger ; à un certain moment on est dépaysé : on n’est pas chez soi.

- A quoi sert cette spécialisation, si à votre retour au pays, il n’y a pas de matériels, ni un bon salaire, ni un bon logement ? Bref vous rencontrerez beaucoup d’entraves.

C’est vrai pendant que l’on est à l’étranger pour les études, la spécialisation ou le travail, on peut investir chez soi. On peut même s’équiper d’un minimum de matériels nécessaires qui vous aidera quand vous allez revenir travailler au pays. Vous n’allez pas vous éterniser à l’étranger ni mourir là-bas. Même si vous y allez pour travailler, vous devez savoir que plus tard vous allez regagner votre pays. Pour ce faire, vous devez prendre vos dispositions pour chercher à améliorer la vie chez vous, une fois au pays.

- Et vous, vous pensez que si vous allez travailler dans un hôpital parisien, par exemple, vous allez encore revenir ici pour aider vos frères ?

Moi, je m'appelle Judith Jabur, Ier Graduat de Sciences Infirmières, Faculté des Sciences à l’Université Pédagogique Nationale, j’ai 18 ans. Oui, j’aurai encore l’intention de revenir dans mon pays. Je pourrai aussi envoyer quelque chose pour aider au développement de mon pays et de quoi que ce soit. Car, quand je vais à Paris, ce n’est pas dit que je suis devenue Parisienne et le resterai. En théorie, à Paris, je serai Parisienne et le resterai, mais en fait, je resterai Congolaise parce que j’ai laissé mon pays et que je vais trouver quelque chose pour le développement de mon pays.

- Voulez-vous dire qu’au moment de votre séjour professionnel à Paris, vous pourriez, par exemple, construire une polyclinique équipée au Congo ?

Oui, par exemple. Mais, je voudrais préciser des choses. On m’appelle Judith Jabur, cadette d’une famille de 4 enfants (2 filles, 2 garçons). J’ai commencé mes études primaires à la paroisse de Mwilambongo, mais seulement la 1ère, la 2ème, 3ème et je les ai terminées à l’Ecole Primaire Centrale des Filles à Idiofa. Aux Etudes secondaires, j’ai fait l’option Nutritionnelle au Lycée Nganambel à la mission Ngoso. Actuellement, je suis à l’Université Pédagogique Nationale/Kinshasa, je fais les Sciences Infirmières. Où voudrais-tu travailler après, pourquoi ? A la fin de ces études, si Dieu le veut, je deviendrai Infirmière pour soigner les gens, si pas ici, mais dans un pays étranger. J’ai 18 ans. J’ai choisi les Sciences Infirmières puisque, dans notre pays, on a fort besoin de ceux qui ont fait les Sciences Infirmières. Nous voyons que, même en Europe ou dans d’autres pays étrangers, on recherche les Infirmières des Sciences Infirmières. C’est un métier qui est réclamé partout. C’est pourquoi j’ai voulu les faire. Ainsi, quand j’aurai fini, que je ne chôme pas. Je pourrai avoir la chance de travailler, si ce n’est pas ici au Congo, dans un des pays étrangers, par exemple Paris, Canada, etc. Je ne voudrais pas travailler au Congo puisque ici, il y a beaucoup de diplômés en Sciences Infirmières, sans emploi. Il y a pourtant beaucoup à faire au Congo, mais on ne donne pas de priorité aux autres. Si Dieu le veut, je vais sortir du pays, aller même à Paris où je serai une bonne Infirmière dans un bon hôpital. Mais, au Congo, il y a beaucoup d’Infirmières qui chôment puisque la plupart de centres de Santé et d’Hôpitaux ne veulent pas les embaucher à cause de problèmes financiers. On ne peut pas simplement dire qu’au Congo, on n’embauche vraiment pas d’Infirmières. Non ! On les embauche, mais c’est un petit nombre puisque, pour le Congo, le problème financier est un grand problème. Par contre, dans des pays étrangers comme le Canada, la France, le Gouvernement pourrait embaucher dans une Compagnie, par exemple, 15 Infirmiers, on va bien les payer. Au Congo, ce n’est pas possible, pour un centre de Santé, par exemple, d’engager ce nombre d’Infirmiers, puisqu’on n’aura pas d’argent pour les payer. Les Infirmiers seront découragés, ils vont quitter leur poste, ils resteront à la maison en train de s’occuper personnellement. Penses-tu à autre chose ? Pour moi, travailler à l’étranger est essentiel. L’argent ou le salaire est un avantage essentiel. Voyez : je ne peux pas accepter de chômer après mes études comme une illettrée alors que j’ai étudié. Es-tu sûre que ton niveau d’études en Sciences Infirmières au Congo te permettrait, en arrivant à Paris, d’avoir directement du travail ? T’en es-tu renseignée ? Oui, ma formation va m’aider à très bien travailler. Les gens m’ont dit qu’il y a possibilité d’être embauché, mais il semble qu’on doit vous demander de faire un stage d’un mois, par exemple, ou une formation complémentaire pour vérifier si vous aviez fait de bonnes études ou des études fantaisistes. A la fin de ce stage, si tout va bien, on vous embauche immédiatement. Au Congo aussi, on nous fait faire un stage de 6 mois. On va vérifier si l’étudiant est vraiment apte et mérite ou non d’être embauché. Et le Congo, plus tard… ? Mais si le pays sort de sa crise et qu’il y a possibilité d’être embauchée, je peux rester au Congo, avoir du travail et leur faire du bon travail. Je pourrais construire aussi ma Clinique privée qui pourrait beaucoup presque ressembler à une Clinique européenne, puisque je sais je pourrai engager des Infirmiers compétents, certes, après un stage. L’avantage, pour moi, de créer ma Polyclinique à la capitale Kinshasa et dans mon propre pays plutôt que de le faire dans un autre pays d’Afrique, c’est qu’au Congo, il y a beaucoup d’Infirmiers Diplômés au chômage. Je peux leur proposer un stage et une pratique que je vais moi-même suivre et évaluer, puis après bonne évaluation, les embaucher et commencer ma Polyclinique. Ma grande ambition, ce n’est pas de rester pour toujours dans les pays étrangers. C’est plutôt de revenir au Congo, de faire une Polyclinique et d’y engager beaucoup d’Infirmiers qui chôment ici, ils ont beaucoup de connaissances en tête. Je voudrais travailler avec eux. Pourquoi absolument ce souci ? (Donner du travail aux gens ou produire de l’argent). Il y a deux raisons : souci de donner du travail aux Infirmiers qui chôment, qu’ils aient aussi du travail pour se nourrir, et avoir la force et l’envie de venir au travail et de bien travailler. Puisque, s’ils n’ont pas de travail, ils ne vont pas bien manger ; ils auront seulement 500 francs juste pour s’acheter de mpiodi, qu’ils vont frire et manger. Mais s’ils ont du travail, ils achèteront du mpiodi, de légumes, de la farine de blé, et ils vont bien les préparer ; ça sera suffisant pour nourrir les enfants. Et ils seront en bonne santé au lieu d’être des Maniolo (ceux qui sont dans la plus grande détresse et le plus grand manque). S’ils ne travaillent pas et qu’ils vont faire d’autres coop, ils n’auront pas ce qu’ils ont quand ils sont employés : un salaire mensuel suffisant pour nourrir leurs enfants. Le travail que tu leur donneras ne sera-t-il pas une occasion, pour eux, de régler leurs maniolo facilement et rapidement ? Je crois que non, ils vont avoir le souci de produire de l’argent. Par exemple, on peut embaucher quelqu’un dans une Polyclinique pendant 2 ans. Après, il va se rendre compte qu’il a acquis de l’expérience à partir des questions qu’il te pose pour savoir ce que tu as fait pour commencer ta Polyclinique. Tout cela va l’aider, à son tour, à savoir comment faire. Il sera reconnaissant, va s’acheter ses affaires petit à petit, pour ouvrir plus tard son Centre de santé. Là, il va aussi embaucher d’autres Infirmiers qui sont au chômage, ceux que l’on ne pouvait pas engager dans la première Polyclinique. A son tour, il va payer les nouveaux employés, ils auront de quoi vivre et nourrir leurs enfants. Et quoi encore ? Voyez nos mamans au village. Au village, nos mamans font des champs. Dans leur champ, elles plantent tout : légumes, manioc, oseille, arachides, maïs, puis nous mangeons. Ici, à Kinshasa, par contre, voici ce que j’ai constaté. A Idiofa, nous faisions un champ, mais ici à Kinshasa, les parcelles sont pavées, il n’y a pas moyen d’avoir un champ. C’est une erreur ! On ne sait pas qu’une personne doit se nourrir de ce qu’elle produit, cultive. Nous achetons, par exemple, des mpiodi, que l’on garde dans des chambres froides. Ces mpiodi sont conservés des années et des années, ils sont très congelés. Vous les prenez, les faites frire et vous êtes obligés de les manger. Mais, au village, si vous achetez ces mpiodi, vous allez cueillir de l’oseille, prendre des arachides, y ajouter pour faire une bonne cuisine, vous mangez et vous êtes en bonne santé. Comment unir ces deux catégories de personnes (celles de la ville et du village) et ces deux façons différentes de faire (préparation monotone et préparation variée avec légumes, etc.) ? En ville, je crois que ce serait mieux de laisser un espace de terre pour cultiver. Cela peut permettre d’avoir des légumes pour une bonne cuisine. Les enfants seront très contents de bien manger et d’être en bonne santé. Ou encore, dans des Centres de Santé. On rencontre, dans certains Centres, des enfants mal nourris, kwashiorkorés ; des enfants ne mangent pas bien, pourtant ils sont à Kinshasa, ils sont en ville, mais ils ne mangent pas bien, simplement parce que toute leur parcelle est pavée. Ils ne peuvent donc pas cultiver. Ils utilisent le peu d’argent pour acheter même ce que l’on peut produire dans le jardin de la parcelle. Je leur donne ce conseil : qu’ils soient comme des mamans au village, avec un petit champ de culture dans un petit coin de la parcelle. Cela pourrait leur permettre d’économiser le peu d’argent, c’est-à-dire d’acheter moins les légumes, mais d’en avoir dans leur propre jardin. Ils seront ainsi en bonne santé, ils vont surtout varier l’alimentation au lieu de recourir chaque fois au marché, s’acheter les mêmes repas qui ne construisent pas toujours le corps. Qu’est-ce qui t’a donné le goût de devenir Infirmière ? J’ai été attirée quand j’étais en 4ème primaire. En ce moment-là, maman était Préfet chef d’Etablissement du Lycée Sa-Ngol/Lakas. Dans son école, il y avait l’option Nutritionnelle. Quand les élèves de cette Option faisaient leurs leçons pratiques, leurs recettes et les présentaient à ma mère, je me disais que, à la fin de mes études primaires, je dois faire cette Option pour préparer et manger, puisque ce que je vais préparer, je sais qu’il a des protéines, de la vitamine, et je les mets ensemble, je mange, je suis en bonne santé, je vais aider ma famille et elle sera en bonne santé. Voilà pourquoi, j’ai tenu à faire seulement l’Option Nutritionnelle. Dans les enseignements reçus, on dirait qu’on avait des recettes complètes pour ouvrir soi-même son Centre de Santé et nourrir des mal nourris. Il y avait beaucoup de choses qui poussaient à devenir Infirmière Nutritionniste. J’ai donc choisi, en venant à l’Université, de faire l’Option Sciences Infirmières au lieu de l’Option Nutritionnelle où j’avais déjà quelques bases aux Etudes Secondaires. En mettant les deux ensemble plus tard, je serai une Infirmière bien formée, je vais ouvrir ma Polyclinique ou mon Centre de Santé pour aider les mamans ou les enfants malades de la malnutrition ou des ulcères. Je me disais qu’en apprenant complémentairement les deux, je vais devenir Infirmière nutritionniste. Arrivée en Sciences Infirmières, je constate avec grande satisfaction que, dans les enseignements reçus, il y a beaucoup de ressemblance avec la Nutrition. Je pense que je serai complète, que j’aurai beaucoup de bonnes connaissances pour aider, un jour, les malades dans mon hôpital. Gardes-tu toujours les mêmes ambitions ? Mon idée générale de Sciences Infirmières entre quelque peu dans la Nutrition, mais j’aime toujours que je ne perde pas mes connaissances en Nutrition pour aider quand je serai Infirmière. Par exemple : Si, dans un centre de santé, on cherche une Nutritionniste, et que, avec mon diplôme d’Infirmière, je n’ai pas de travail, je peux vite aller travailler comme Nutritionniste, et inversement. Voyez que, dans ce cas, j’ai deux chances. Ou encore, si on cherche une Infirmière Nutritionniste, j’aurai donc les deux compétences et je m’y présenterai. Je pensais autre chose : si je termine les Sciences Infirmières et qu’il y a des moyens, je peux m’inscrire encore à l’Université en Nutrition. Je pourrai comparer ce que l’on ajoute de nouveau sur les connaissances reçues dans le même domaine aux Etudes Secondaires. Cela te prendrais combien de temps ? Pour faire, à l’Université, la Nutrition, il faut 5 ans, comme en Sciences Infirmières où je suis, pour le moment, en train de finir la première année Graduat, je vais passer en 2ème. Est-ce qu’en Sciences Infirmières vous étudiez la médecine traditionnelle ? Actuellement, nous n’étudions pas la médecine traditionnelle, nous étudions la médecine moderne, en temps moderne : comment un blanc a fabriqué tel ou tel médicament, c’est loin d’apprendre comment nos Ancêtres utilisaient leurs médicaments au village. Nous ne donnons pas d’explications de compositions de solutions médicinales traditionnelles, exemple, quand un enfant avait mal au ventre, nos mamans pilaient les écorces d’un manguier, les trempaient dans de l’eau et nous faisaient asseoir dedans et nous en étions guéris. Non ! Il ne s’agit pas de cela. Pourquoi ? Qu’en disent vos Professeurs ? Ils nous ont quelquefois répondu. A l’époque de nos Ancêtres, souvent, leurs petits médicaments étaient faits par des magiciens. Ils vont fabriquer leurs médicaments, et dans leur réponse, ils vont peut-être vous mentir. Vous ne savez même pas, vous buvez aveuglément. Mais, le médicament moderne, peut vous aider à constater ou non un changement réel dans votre corps. Dan le passé, un magicien qui vous recevait culpabilisait très vite les ancêtres du patient et les considérait comme de jeteurs de mauvais sort, même sans savoir exactement de quoi il est question. A l’époque moderne, on se rend compte que la médecine traditionnelle avait une large part de fantaisie ; elle n’était pas sans doute aussi totalement sans importance. On se base plus sur la médecine moderne, aujourd’hui, et, si un malade prend un médicament contre les maux de tête, il peut ou non sentir le changement de son état après une ou deux heures. Souvent, Judith, on entend certains Infirmiers ou médecins vous proposer de prendre les médicaments traditionnels. Par exemple : mes ongles sont en train de tomber, les gens d’Idiofa me disent qu’il existe, à Idiofa, dans la parcelle des Religieuses de Sainte Famille, une fleur qui s’appelle la fleur de Jérusalem, sa sève soigne efficacement cette maladie-là. Ne l’as-tu pas là-bas à Paris ? Pourquoi ne me disent-ils pas de voir les médecins expérimentés ou spécialistes de Paris pour guérir mes ongles ? C’est vrai ! La médecine traditionnelle, dans certains cas, est efficace. Ce que je viens de te dire, c’est le cas des magiciens qui ne connaissent pas ce que tu ressens dans ton ventre, mais qui te donnent immédiatement une réponse. Par contre, ce que l’on te propose là, tu prendras la sève de cette fleur, tu la mettras sur tes ongles, et tu constateras après combien de temps il y aura un changement. C’est pour te dire, par exemple, que si tu mets ce médicament à 6h, tu pourrais constater qu’à 9h, par exemple, tu n’as plus mal. Or, pour quelqu’un qui a mal au ventre, un magicien ne sait vraiment pas de quoi est atteint le ventre, il attribue, sans preuve, ce mal aux oncles du patient, ils les appelle des sorciers. Il y a là quelque confusion. Donc, au niveau de la médecine traditionnelle, ce point que tu soulèves au sujet de soins des ongles, peut entrer dans la médecine moderne, mais d’autres points sont complètement à rejeter. C’est le cas de magiciens, c’est vraiment faux. Est-ce que la médecine moderne est sans erreur, sans mensonge… ? Bon ! Un médecin aujourd’hui ou une Infirmière va préférer la médecine moderne, puisque nous sommes à l’époque de la modernité. Tu te rappelles qu’à Idiofa, quand un footballeur se cassait une jambe, c’était difficile d’aller plutôt chez un médecin moderne que chez un guérisseur traditionnel ? Comment expliques-tu ce genre de soins ? En ville, comme actuellement à Kinshasa, on peut bien soigner ce genre de cas à l’hôpital en appliquant la médecine moderne. Mais, au niveau du village, pour moi, je dirai qu’entre la médecine traditionnelle et la médecine moderne, sur quelques points, on se contente de la médecine traditionnelle. Le problème de l’exemple que tu viens de donner réside au niveau de la distance qui sépare la ville de l’hôpital. Quelqu’un qui se casse une jambe, par exemple, à Nsiengwôn arrivera en retard d’un jour à Kimputu, si l’on doit le transporter. Les gens vont préférer aller rapidement et plus facilement chez un guérisseur traditionnel, plus près d’eux et compter sur les soins indigènes, qui sont aussi, dans ce cas, efficaces. Pour moi, je pense que c’est raisonnable, pour ces gens-là, de commencer par faire soigner le malade à la médecine traditionnelle, ils peuvent alors suivre l’évolution de soins. C’est aussi le fait que, au niveau des villages, il n’y a pas beaucoup d’hôpitaux. Puisque, si l’on transporte, à pieds, le malade pendant des jours avant d’atteindre un hôpital, la plaie risquerait une infection. Ca va compliquer les choses. Mais ici, à Kinshasa, un tel cas est aujourd’hui bien soigné, il n’y a plus beaucoup de guérisseurs traditionnels. En ville, il y a des hôpitaux et des centres de santé, mais l’argent fait défaut.

Conclusion :

Après tout ceci, je peux suggérer quelques conseils pour l’avenir. Quand quelqu’un est malade, il pense vite à l’ensorcellement par son père. C’est du pur mensonge et c’est cela un des grands défauts de la médecine traditionnelle. Au niveau du village, pour la médecine moderne, c’est aussi difficile. Les hôpitaux sont très loin par rapport aux villages. Prenons l’exemple de quelqu’un qui se casse une jambe ou qui a une température élevée. On ne peut même pas le conduire à l’hôpital. Vous pouvez prendre le risque, mais une fois en route, le malade meurt. Mais, si vous le gardez au village, on va vous dire qu’on va lui donner telle potion médicinale traditionnelle en vue de trouver solution à sa santé. Il arrive effectivement que, dans certains cas, on peut réussir à faire baisser la température. C’est là aussi le défaut de la médecine moderne au niveau du village. Par contre, au niveau de la capitale, donc en ville, quand une personne est grippée et fait de la température, vous pouvez immédiatement aller dans une pharmacie ou un centre de santé autour de vous. Vous pourrez facilement rencontrer soit un pharmacien, soit une infirmière pour vous renseigner sur votre malade ou acheter un médicament pour lui, ou encore l’amener carrément au centre de santé. Donc, en très peu de temps, le cas de votre malade pourrait trouver solution, ne fût-ce qu’avant tout au niveau des renseignements élémentaires. Conseil important : suivre les deux médecines, mais chaque médecine a ses défauts, en tenir compte. Ces défauts peuvent quelquefois se marier. En d’autres circonstances, c’est vraiment impossible. Pour nous les infirmiers, nous pouvons arriver à ce niveau-là aussi. Il n’y a pas d’emblée une solution. Ce que je pourrais suggérer comme solution possible, c’est de tenir compte de la nature des études faites. Si nous avons étudié en fonction de la médecine traditionnelle, nous tiendrons compte également, sur le terrain et pour le cas échéant, en partie de la médecine traditionnelle, sans oublier également de tenir compte des enseignements modernes. Si nous avons étudié en fonction de la modernité, nous allons répondre devant le cas en tenant compte de la médecine moderne, sans jamais oublier le peu de connaissances reçues de la médecine traditionnelle. Je voudrais, en somme, souligner la complémentarité de ces deux médecines dans certains cas, bien sûr, en considérant la spécificité ou la priorité de chaque médecine là où c’est nécessaire. Puisque chaque médecine a ses points négatifs et positifs. Je sais que ce que je dis là, pour moi qui voudrais travailler en Europe, ce n’est pas facile. Je dois être sage pour utiliser les deux médecines, et appliquer, en l’adaptant, chaque médecine selon les lieux adaptés. Si tu travailles où on applique uniquement la médecine moderne ou la médecine traditionnelle, sans appliquer les deux à la fois, je tiendrai compte de cela. Mais, si je travaille où on applique les deux médecines à la fois, je vais donc être obligée de voir comment me servir de deux médecines en même temps, sans causer des incidents. Je prends mon exemple, si je connais les deux médecines et si je dois travailler au village, je vais appliquer la médecine traditionnelle, parce qu’au village, c’est plus la médecine traditionnelle que moderne, que je connais, en plus, très bien. Mais si je vais travailler dans un des pays développés où on utilise la médecine moderne, voyez que j’aurai la facilité de travailler puisque de deux médecines je connais aussi un peu de médecine moderne. Donc, il faudrait adapter ses soins et la médecine qui convient à chaque maladie et au milieu de chaque patient. Je demande à ceux qui viendront après nous et aux professeurs qui nous enseignent de nous apprendre les deux médecines pour que nous puissions bien les connaître et appliquer, en adaptant, chaque médecine au cas de chaque patient peu importe sa nature.

Si vous étiez diplômé (e) un jour, souhaiteriez-vous devenir un champion sportif, un chef d’entreprise fortuné et puissant, un cultivateur, un curé de campagne, une religieuse, une épouse en ville ou une épouse à la campagne ?

- C M Il y a encore une question qui nous tracasse. Que souhaiteriez-vous devenir ?

Moi, je m’appelle Jabur Live, je suis Graduée en Arts et Métiers, j’ai 23 ans. Je m’appelle Serge Makierba, Etudiant en Ire Année de Graduat, Faculté de Droit de l’Université Protestante au Congo. J’ai 20 ans. On m’appelle Jabur Patoux, Etudiant en Préparatoire / Institut de Bâtiments et de Travaux Publics, j’ai 21 ans.

A tour de rôle, chacun va tenter de répondre à cette question

De Ngun, j’aimerais devenir un chef d’entreprise fortuné.

- Et vous, Serge ?

Moi, je souhaiterais devenir un chef d’entreprise fortuné et puissant.

- Pourquoi ?

Je suis étudiant à la Faculté de Droit. Après mon cycle de Licence (la Maîtrise, en France), par exemple, je ne pourrai plus accepter de mettre mon diplôme en cause ; je ne voudrais pas vivre à la campagne pour faire de l’agriculture ni y être un curé ou un champion sportif. Je voudrais bien mettre en pratique ce que j’ai étudié et en faire une carrière: être juriste. Être curé ou un champion sportif ne me le permettrait absolument pas.

- Et vous, que dites-vous ?

J’aurais moi-même souhaité être une cultivatrice, par exemple, parce que j’ai fini mes études en Nutrition. Je vais devoir nourrir ma famille, mes enfants et connaître leur état de santé, savoir comment ils évoluent par rapport à leur nourriture appropriée ou moderne. C’est pourquoi j’aimerais travailler aux champs, produire de quoi les nourrir et être en bonne santé, travailler.

- Faut-il faire des études universitaires ou des études spécialisées en Nutrition pour devenir agricultrice ? Ou pour mettre en pratique ce que tu as étudié en Nutrition, dois-tu nécessairement aller vivre à la campagne et non en ville ?

La ville, c’est bien, mais je préfère plutôt la campagne et le village où il y a la terre à cultiver facilement et sur des grandes étendues que la ville où la plupart d’espaces verts sont protégés, et le sol est recouvert de ciment. Cette situation urbaine n’est pas commode pour faire de l’agriculture.

Je peux avoir mes parents ou mes enfants en ville, je vais leur envoyer ce que je vais produire au village, afin qu’ils soient en bonne santé.

- Et, vous, que pensez-vous ?

Un champion sportif peut bien survivre.

- Est-ce nécessaire d’avoir un diplôme, pour y arriver ?

Etre un champion sportif ne veut pas non plus dire qu’il faut être illettré. Car, un champion sportif doit être un homme complet dans tous les domaines, y compris dans ses connaissances.

- Il y a beaucoup de champions sportifs ici au Congo, sans diplôme. Est-ce que le sport qu’ils font les paie bien ? Comment pourrez-vous nourrir votre famille et faire étudier vos enfants ?

Je pense bien qu’être champion sportif au Congo pourrait toujours susciter des problèmes, l’Afrique restant encore en majorité sous-développée, notamment du point de vue sanitaire. Mais, pour ceux qui sont à l’étranger, en Europe en particulier, c’est mieux parce qu’ils sont mieux payés et peuvent bien vivre étant champions sportifs. Au niveau du Congo, il y a beaucoup de difficultés.

- Connaissez-vous de personnes qui ont réussi leur vie en étant champion sportif ?

Oui, par exemple, Chabany Mamba, Mutombo Dikembe, etc., sont quelques Congolais que nous connaissons comme des champions sportifs. D’autres existent, mais nous oublions leurs noms. C’est difficile de dire qu’un champion sportif doit nécessairement étudier ou ne doit pas le faire. Etudier, pour moi, c’est l’approfondissement des connaissances.

- Et vous, Mademoiselle, que souhaiteriez-vous devenir ?

Moi, je voudrais être une épouse en ville.

- Pourquoi ?

D’abord, j’ai fait la Coupe et Couture. Je préfère travailler en ville où il y a de l’électricité, des matériels électriques (des machines, des ciseaux, etc.). Si mon mari accepte de payer tous ces matériels et me demande de travailler au village, je peux accepter. Dans le cas contraire, je ne rentrerai pas au village.

- Mais..., par rapport à votre métier, pensez-vous que ça paie bien ici ou au village ?

Ca paie bien ici, mais je préfère travailler au village. Je pourrais travailler en ville, mais…Il me semble que c’est une difficulté pour une femme mariée. Dans la mesure où vous êtes mariée ici à Kinshasa, la capitale, vous y travaillez. Si au cours de votre vie, votre mari est muté dans un milieu rural, vous serez obligée, comme épouse, de l’y rejoindre. Si vous agissez ainsi, tout cela constitue une énorme difficulté pour votre travail. Dans ce cas, le mieux à faire, c’est que vous embarquiez aussi les matériels nécessaires à votre travail parce que vous avez déjà signé un contrat avec votre mari, celui du mariage. Or, lui, il n’a rien. S’il ne veut pas que tu partes avec lui, ça va, tu es libérée. Autrement, tu dois le suivre. C’est vrai que dans les milieux ruraux on trouve des couturiers et couturières, mais leur travail ne paie pas bien par rapport à la ville. Quand je vais acheter les matériels en ville, je constaterai une énorme perte d’argent, je veux dire de mon capital, par rapport aux recettes dues au travail que je vais régulièrement réaliser avec de tels matériels. Exemple, au niveau d’Idiofa qui est un des grands centres commerciaux, la couture d’un corsage ne va même pas coûter 10 dollars comme ça devrait l’être à Kinshasa. A Idiofa, les gens trouveront cher ce prix, mes travaux ne seraient pas rentables. Je vais gaspiller.

SERGE

Je suis Etudiant, je viens de terminer la 1ère année Préparatoire, je passe en 2ème année à l’Université Protestante du Congo. Mes ambitions sont les suivantes : A la fin de la 2è, quand je vais passer en 3è, je vais choisir l’option, je préfère faire le Droit Judiciaire. Après le 2ème Cycle, je souhaiterais entrer dans le barreau et devenir Avocat. As-tu pensé à cela avant ? Ce qui m’a incité à faire le Droit et à devenir Avocat. J’étais encore, je crois j’étais encore en 1ère année C.O., nous avons un oncle paternel qui est Avocat, maître Kabitswa. Il y a une fois il était venu à Idiofa, on était encore enfant. Quand on le voyait en toge, c’est surtout à partir de là, à partir de son parler, à partir de ça, c’est ce qui m’a donné envie de faire le Droit et de devenir Avocat. Où vas-tu exercer quand tu seras Avocat ? Bon, en tous cas, actuellement ici, lorsqu’on entre dans le barreau, c’est un problème de choix. Lorsque vous entrez au barreau au niveau de Kinshasa, ici, puisque, ici, il y a deux barreaux : le barreau de Matete et celui de la Gombe. Si vous entrez au barreau au niveau de Kinshasa, vous êtes obligé de travailler ici, si vous entrez dans le barreau de Bandundu, vous êtes obligé de travailler dans le barreau de Bandundu. Tu aurais souhaité personnellement travailler où ? Je souhaite travailler à la capitale. A la capitale ? Oui, ici, à Kinshasa, disons. Et…Pourquoi ? Puisque, ici, il y a beaucoup d’avantages, puisque le métier d’avocat, la profession d’avocat, c’est…c’est une profession un peu noble quoi ; une profession qui exige de temps en temps beaucoup de recherches, il faut être à la page, il faut avoir de temps en temps des informations et des innovations qu’il y a dans le domaine de Droit, il faut toujours consulter, entrer dans les bibliothèques, naviguer sur internet…de telles histoires. Mais…à la campagne ou à Bandundu, tu pourrais avoir aussi ces conditions si tu … les installes ? Oui ! Vous voyez : au niveau de la campagne, le problème, c’est…au niveau de la campagne, ici, ici (au Congo), vous savez au moins que les avocats sont des privés, ils ne sont pas pris en charge par l’Etat. Ils sont payés à partir des services qu’ils rendent. Au niveau de la capitale, ici, les Avocats ont beaucoup de marchés par rapport à ceux qui sont à l’intérieur du pays. Tu dis : beaucoup de marchés, est-ce que c'est le marché de vente de produits alimentaires, par exemple ? Explique un peu. Oui, le marché dans le sens de dossiers, c’est-à-dire qu’ici, à la capitale, il y a beaucoup de dossiers qu’un avocat peut traiter par rapport à celui à l’intérieur, par exemple. Beaucoup de dossiers, disons. Beaucoup de dossiers, beaucoup de clients ? Oui, beaucoup de clients ; ils ont beaucoup de clients au niveau de la capitale que dans des provinces. Mais est-ce que tous ces clients vont vous donner de l’argent, ou bien c’est du bénévolat ? Les bénévoles, bon, je ne pense pas que, aujourd’hui, il puisse y avoir un quelqu’un qui accepte de vous rendre de tels services sans que vous puissiez lui donner quelque chose, à moins qu’il soit de votre famille. Si…, avant de…lorsqu’on est dans un cabinet on reçoit de temps en temps des clients qui viennent solliciter des conseils de votre part aussi, ils te paient. C’est ça le problème. Ah ! S’il ne vous paie pas ? Pardon ? Bon ! S’il ne vous paie pas, là bon, lààà, là, là on peut voir si, eh ! Si vous voyez vraiment, la personne est vraiment en danger, il faut au moins une aide de votre part, là ça dépend de vous. Si vous voulez, vous pouvez lui accorder cette aide, gratuitement alors. Vous pouvez lui accorder cela gratuitement ? Oui, si vous le voulez, oui. Mais si vous ne voulez pas, il faut absolument qu’il paie ! Est-ce qu’il paiera à l’heure, avant, ou plus tard ? Bon ! Là (il monte le ton), là, ça dépend. Vous voyez, si, par exemple, c’est un dossier qui traite sur de grosses sommes, de gros montants à payer. Si, eh ! Au moment, eh, au moment où ils veulent compliquer, s’il n’a pas d’argent, vous pouvez accepter de lui rendre le service. Après ce service, quand vous aurez, vous aurez gagné, par exemple, le procès, il sera en possession de cet argent-là, il peut facilement vous payer. C’est seulement question de s’entendre de la manière dont il va vous payer, avant ou après le service. N’y a-t-il pas de cas de fuite ? Et si le client fuit ? Un autre problème, c’est ça aussi. C’est ce qui fait que la plupart d’avocats exigent leur argent avant le service ; la plupart des cas, c’est, entre autres, à cause des fuites puisque si c’est quelqu’un que vous ne connaissez pas bien, il peut fuir donc. Alors vous aurez à perdre tout votre temps sans rien gagner quoi. Cela veut bien dire qu’avant de commencer vous devez signer un accord avec un client par rapport au mode de paie ? Là, je n’ai pas.., je n’ai pas vraiment beaucoup de précisions, mais je sais au moins que, lorsqu’on a un problème, si vous allez dans un cabinet, vous demandez conseils, c’est normalement avant le conseil, non après le conseil que vous devez normalement payer. Mais, si vous souhaitez que l’avocat puisse défendre votre cas, vous-même, vous allez voir ou lui-même va dire ce dossier il le faut ou pas. Vous avez parlé de la possibilité de travailler dans la capitale Kinshasa. Est-ce que dans le même sens le Congo organise que vous puissiez travailler dans un autre pays, africain ou non ? Là, ça dépend. Vous voyez quelqu’un qui a fait, prenons..., le Droit Pénal congolais, par exemple, celui-là est au moins obligé de travailler ici au Congo, puisque le Droit qu’il a appris, c’est le Droit congolais. Vous voyez il y a d’autres qui font, par exemple, le Droit International, le Droit International, là, vous avez au moins l’avantage d’aller travailler dans n’importe quel pays, puisque là vous avez au moins les connaissances sur les droits de tous les pays au moins. Donc ça dépend des Options de droit ? Voilà, ça dépend des options de Droit, puisqu’il y a, par exemple, le Droit International, le Droit Public international, ainsi de suite. Donc ce n’est pas le problème d’argent qui va vous faire travailler ou voyager pour un pays étranger, par exemple, un pays africain ou n’importe lequel. C’est le problème d’options ? Bon, prenons un exemple, quelqu’un qui a fait, par exemple, …quelqu’un qui est, par exemple, avocat, hein ! Si son client a un problème, prenons dans un autre pays, s’il souhaite que son cas soit plaidé ici au Congo, ça va dépendre maintenant du client, s’il a des moyens, il peut vous faire déplacer d’ici à l’endroit où se fait le procès pour défendre son cas. Ah ! Donc, il y a aussi des clients qui sont en dehors du Congo, disons en dehors de notre barreau, qui peuvent nous offrir d’aller plaider leurs cas là où ils sont ou bien dans le pays ou le lieu de leur choix. Par exemple, prenons le cas de quelqu’un qui habite Idiofa, par exemple, on peut prendre le cas du Diocèse d’Idiofa, maître Alphonse travaille là comme son Avocat-Conseil, lorsqu’ils ont un problème au niveau d’Idiofa là-bas, ils quittent Kinshasa pour aller plaider la cause au niveau d’Idiofa, puis à Bandundu, à Bulungu et à Kikwit, là où se tient le procès, après, il retourne dans son barreau d’origine. Mais, au moins, il a le privilège, il peut aller partout, il y a des cours de la République Démocratique du Congo, pour plaider le cas de son client. Vous pensez que c’est un bon système de faire déplacer l’avocat dans un autre lieu pour plaider ou bien on devait absolument le faire dans le lieu ou dans le barreau de l’avocat. Est-ce que le client ne devrait pas absolument rejoindre son avocat dans son barreau ? Pas nécessairement, pas nécessairement. Prenons, par exemple, les gens qui sont au niveau d’Idiofa, lorsque, par exemple, le diocèse a un dossier, un dossier qui, lorsqu’il a un dossier avec un Monsieur qui est au niveau d’Idiofa là-bas, on ne peut pas quand même venir accuser au niveau de Kinshasa ; leur procès doit normalement se passer au niveau de leur barreau là-bas et c'est de là qu’on fait partir les rapports aux avocats de leur choix. Sont-ils satisfaits ? En général, la vie menée par les avocats au Congo leur apporte des satisfactions attendues. S’il n’y avait pas de satisfaction, je ne pense pas qu’il y aurait beaucoup de gens qui puissent avoir envie de se faire enregistrer dans leur barreau après leur cycle de licence, par exemple. Vous étiez attiré par Maître Kabitshwa, par exemple, par quoi ? Le 1er exemple, c’est d’abord la 1ère chose qui m’avait attiré en lui, c’était quoi, voyez euh… d’abord sa façon de parler. Sa façon de parler, j’avais une fois assisté, je l’avais accompagné dans un procès… quand j’avais vu comment il avait plaidé pour son client, (il fait une interjection de très grande satisfaction et d’un immense plaisir) – c’est à partir de, surtout ça d’ailleurs, d’abord qui m’avait donné ce goût-là, surtout… surtout aussi la considération qu’il a depuis qu’il est avocat. Ses clients le considèrent énormément, eh ! Lorsqu’il va chez un des ses clients, vous sentez vraiment qu’il est vraiment respecté, il est bien accueilli, vraiment …il est vraiment à l’aise. C’est aussi parce qu’il leur rend de très bons services. Bref, le souci de rendre de bons services m’a vraiment attiré. C’est ce qui me pousse d’ailleurs aussi à bien réfléchir et faire comme il le fait. Pour arriver à réaliser ceci, en tant qu’étudiant déjà, la première chose que je fais, je suis attentivement les exposés des Professeurs dans les auditoires, je les suis avec beaucoup d’intérêts, je suis les débats télévisés des Avocats surtout des Juristes m’intéressent beaucoup, la lecture, euh, la lecture m’enrichit beaucoup dans ce sens-là. Avez-vous ou non des professeurs vacataires qui viennent de l’étranger ? La plupart de nos professeurs, tous nos professeurs sont Congolais. Mais il y a en tous cas au moins presque 40 % des professeurs qui sont aussi professeurs à l’étranger, ils font aussi cours dans d’autres universités. Mais moi, je ne peux pas dire que je préfère les professeurs qui enseignent à l’étranger dans la mesure où je ne sais pas comment ils enseignent là-bas. Là, ils sont visiteurs. Mais en tous cas, au moins les professeurs que nous avons ici, ils nous forment moyennant quelque chose. C’est vrai que du point de vue enseignement, c’est le même enseignement entre les professeurs congolais visiteurs à l’étranger et leurs collègues qui enseignent seulement sur place, mais du point de vue matériel, c’est vrai qu’il y a un peu de différence. Ceux qui font l’Europe, par exemple, pour donner leurs cours sont quand même stables par rapport à ceux qui se limitent seulement au pays. En tous cas, il n’y a que ça qui peut y avoir comme différence. C’est vrai, cette différence-là pose quelques problèmes. Bon ! Voyez… Vous connaissez vous-même comment sont les Congolais, il y a souvent de ceux qui sont un peu complexés du fait que ceux-là font de temps en temps l’Europe, ils font leurs cours là-bas, ils sont… Imaginez un peu ce complexe d’infériorité que nos professeurs sur place ont par rapport à ceux-là. Et vous les étudiants, qu'en pensez-vous ? Nous, en tant qu’étudiants, on se dit : nous nous battons toujours pour que, un jour, nous puissions atteindre aussi leur niveau, c’est ça notre but ici. Pour le moment, ces petites tensions, ce complexe entre les professeurs, c’est seulement du point de vue matériel, des biens matériels, par exemple, de belles voitures, de très beaux costumes-là, dans ce sens-là. Mais, au Congo, on peut aussi avoir de beaux costumes, non ? Il rit, « on peut avoir !». Vous dites bien « on peut avoir ». Oui ! « On peut avoir ». Mais,… Il est vrai que ceux qui viennent de l’étranger viennent avec beaucoup de biens, ils viennent avec leur voiture, leurs ordinateurs, en tous cas…tout ce que vous pouvez imaginer. Ces professeurs gagnent un peu plus que s’ils étaient seulement professeurs au Congo et en train d’acheter ces biens-là avec leur salaire du Congo, puisque vous savez au moins comment est-ce que les fonctionnaires sont payés ici chez nous, ça au moins vous le savez. Non ! Je ne le sais pas ; je ne sais pas comment les choses ont maintenant évolué au Congo, je n’ai aucune idée de salaire d’un professeur d’université au Congo. Bon ! Un professeur d’université maintenant ici, un professeur d’université touche maintenant, par exemple, 500 dollars, on peut dire, 500 dollars par mois. Imaginez : tous touchent 500 dollars ici et celui qui va encore à l’étranger a parfois plus que ça, vous voyez au moins ce que ça peut représenter. L’usage de la bibliothèque, de la voiture, des ordinateurs, est un développement qui vient de l’Occident, et cela a de l’avantage ou pas. Est-ce que c’est bien comme cela ? Pourquoi ? Si vous prenez votre voiture pour vos déplacements, de beaux costumes pour mieux paraître, pour mieux se vêtir, c’est normal aussi. Avoir, par exemple, aussi, avoir une bibliothèque pour enrichir ses connaissances, c’est normal aussi. Alors, où est le problème si tout cela est normal ? Pourquoi il y a un complexe ? Maintenant, vous voyez, le problème, c’est quoi : lorsque, par exemple, il y a quelqu’un qui roule à voiture par rapport à celui qui est à pied, vous voyez de temps en temps vous voyez celui qui a, par exemple, 5 voitures, qui vient. Il fait comme de petits tapages là : (avec une voix chantante et dansante) « Pour moi, je ne me promène pas à pied, je suis véhiculé, je m’habille comme il faut, j’ai une bonne documentation par rapport à vos professeurs qui sont restés seulement ici au Congo ». Le vrai et le grand problème qui se pose dans tout ça, c’est que les professeurs qui reviennent de l’Europe se vantent. Mais, ils se vantent surtout pour la voiture, les ordinateurs, mais si c’était seulement au niveau de la bibliothèque, il n’y aurait pas de problème ! La bibliothèque rend service à tout le monde, mais la voiture, c’est pour se vanter simplement, même si elle les aide à se déplacer. Le vrai problème, c’est vraiment que ceux qui font l’Europe parlent ; ils parlent trop. En tous cas, entre nous les étudiants, le complexe des professeurs ne nous pose pas problème, c’est entre eux que le problème se pose beaucoup. Ils se disent : moi, je fais l’Europe, j’ai beaucoup de biens, l’autre ne fait pas l’Europe, il est seulement ici. Mais au niveau de l’enseignement, même si celui qui fait l’Europe parle de ses biens, il n’y a pas de différence au niveau de l’enseignement, c’est la même matière. D’ailleurs, précisément dans notre université ici, au niveau de la bibliothèque, même si ceux qui viennent de l’Europe ne partagent pas facilement leurs livres, l’Université elle-même a, en tous cas, presque tous les ouvrages qui sont nécessaires pour les études, précisément à la Faculté de Droit, nous avons une bibliothèque qui contient tous ces ouvrages. Donc les étudiants et les Professeurs de notre Université peuvent facilement se rendre dans cette bibliothèque pour travailler. Mais s’il y a d’autres ouvrages qui, par exemple, manquent là et si, par hasard, un des professeurs qui viennent de l’Europe a l’ouvrage qui manque, il le leur donne facilement, sans problème. Il y a, pour les livres, vraiment une complémentarité, vraiment une complémentarité, et un partage. Pour revenir à moi-même, je m’appelle Serge Jabur, j’ai 20 ans, j’ai totalisé 20 ans le 6 août. J’ai un frère et deux sœurs. Je suis 3è, l’Aînée est une fille, le deuxième est un garçon et la quatrième est une fille aussi. Moi, je suis troisième. Pour mon frère et mes sœurs, être Avocat, c’est bien pour eux. Ils sont vraiment fiers, contents quand ils me voient suivre attentivement des émissions à caractère judiciaire, par exemple, à intervenir dans des débats lorsqu’il y a des débats télévisés qui se passent à la télévision, lorsqu’on intervient, ils sont au moins vraiment contents.

Enfin, pour parler de moi-même, je dirai ceci : Aux Ecoles secondaires, j’ai fait le Latin-Philosophie à l’Institut Lankwan à Idiofa. Pour moi, c’était vraiment un bon choix, puisque dans la Faculté de Droit je me retrouve facilement, il y a d’autres points où l’on doit faire appel à des connaissances de latin ou de philosophie, en tous cas je suis vraiment satisfait, je me suis rendu compte que j’avais fait un bon choix. Si on m’avait demandé da faire une autre option ou si, aujourd’hui, on me demande de faire autre chose, en tous cas, j’aurai…, j’aurai des difficultés, bien que le cerveau humain s’adapte toujours à n’importe quelle science, mais j’aurai, disons, une difficulté, puisque, imaginez, par exemple, quelqu’un qui a fait le Latin-Philosophie où presque les mathématiques et la physique étaient presque négligées, si je dois me retrouver dans la Faculté de Médecine, par exemple, qui exigent des notions de mathématiques, de chimie, de physique, je ne vais vraiment pas m’en sortir. Si j’avais fait les Mathématiques-Physique, j’allais au moins m’adapter aux cours des Sciences. Et quoi encore … ? Je suis très content de notre entretien, j’ai beaucoup retenu de cet entretien. A travers vos questions, vos sages questions, je commence à voir beaucoup de choses. Par exemple, la question de savoir ce que nous pourrons faire plus tard, nous qui sommes étudiants, si nous sommes appelés à être professeurs et travailler avec les professeurs qui fréquentent l’étranger, nous devons prendre quelques stratégies à partir de ce que nous sommes en train de vivre maintenant pour préparer le lendemain. Mais je voudrais savoir aussi comment vous avez apprécié ma réflexion ? Ca va : tu réfléchis bien. Nous y reviendrons, allons dormir, car il se fait très tard.

PATOUX

Où travailler en tant qu’Architecte ? Pourquoi ? Accepterais-tu ou non de changer de profession d’architecte et la convertir en une autre selon les circonstances inattendues ? Pourquoi ?

Bonsoir. Comment vous vous portez ? Je me porte bien. A qui ai-je honneur ? Je suis un garçon, 2ème d’une fille de 4 enfants (2 filles et 2 garçons). Je commence la 1ère année d’Architecture à l’I.B.T.P. (Institut des Bâtiments et de Travaux Publics), après une année de Préparatoire. Pourquoi seulement l’I.B.T.P. ? C’est à partir des connaissances acquises à travers ma formation aux Humanités Secondaires. Je me retrouve vraiment facilement à l’I.B.T.P. J’ai fait les Mathématiques-Physiques à l’Institut Lankwan/Idiofa et j’ai terminé à Ngoso. J’ai commencé mes études universitaires d’abord en Médecine à l’Université de Kinshasa, mais ça n’a pas été. Après ça, j’ai fait l’Informatique qui m’a aussi donné le goût de faire l’I.B.T.P. Il y a aussi des connaissances que j’ai pu rattraper auprès des grands-là par rapport à cette formation-là que je voudrais suivre en ce temps-là. J’appelle grands, les Aînés qui ont étudié à l’I.B.T.P. et qui ont déjà terminé ou qui continuent encore leurs études, je les ai contactés en ce temps-là pour avoir le goût de les suivre. Pourquoi ? Leurs travaux aux chantiers ici autour de la ville de Kinshasa, quand je vois les plans qu’ils ont faits, je vois par exemple, le stade à Kinshasa ; ce sont ces plans qui m’ont attiré et qui me poussent à réaliser comme eux. Qu’as-tu fait avant de commencer tes Humanités ? Avant de commencer l’université, j’ai fait l’école primaire il y a déjà 10 ans, puis les C.O. immédiatement et, enfin, les Humanités scientifiques Mathématiques-Physiques. En gros, l’école primaire dure 6 ans, 2 ans de C.O. et 4 ans d’études secondaires. Voyez que mes goûts ont changé, la médecine, l’informatique, puis maintenant l’I.B.T.P. Pour mon choix maintenant à l’I.B.T.P., j’ai préféré suivre l’Architecture. Mais il y a 4 options, dont l’Architecture où c’est bien encore, on fait le Graduat et si l’on finit le Graduat directement on est consulté par un ordre des Architectes, par rapport aux Ingénieurs des autres options qui vont jusqu’en 3è Graduat qui termine le premier cycle et poursuivant le second cycle. Moi, pour mon choix, j’ai préféré tout combiner et terminer facilement et rapidement. Y a-t-il une différence entre un Ingénieur et un Architecte ? Il y a une différence entre la personnalité d’un Architecte et d’un Ingénieur. Un Ingénieur, c’est un chef des travaux dans le chantier. Mais un architecte est celui qui revoit le chantier, reçoit le projet et va le travailler pour le donner aux Ingénieurs. C’est justement le choix qui m’intéresse par rapport aux deux métiers. Dans ma vision, je trouve l’Architecture très facile. Un Ingénieur, c’est quelqu’un qui travaille vraiment sur terrain avec les maçons, tandis que un architecte, c’est quelqu’un qui donne le plan après avoir constitué le plan. C’est lui qui dirige le travail, le coordonnateur du travail. On était en Préparatoire, dès la fin de la Préparatoire, j’ai choisi l’Architecture selon les matières qu’on prend en Architecture. Dès la Préparatoire, on apprend les matières bien déterminées : l’architecture, l’urbanisme, les calculs, les dessins (les croquis, les perspectives, les dessins techniques), etc. A la fin de la Préparatoire, j’ai été apte aux cours qui permettent de suivre la formation en Architecture, par exemple, les dessins, les arts. Je n’étais pas bien positionné par rapport aux calculs aux autres options : travaux pratiques, géomètre topographe et urbanisme. C’est la raison pour laquelle j’aspire à faire l’Architecture par rapport à toutes les connaissances que j’ai apprises même auprès de Vieux Guy qui est toujours en contact avec moi, on a causé avec lui, il m’a donné aussi quelques idées pour réussir la suite. Pour combien de temps encore ? Mes études vont durer 6 ans : une année de Préparatoire et 5 ans d’Architecture, c’est-à-dire 3 ans de graduat et 2 ans de Licence. Mais si on a des imprévus que Dieu lui-même sait, ça devient long. Autrement, à la fin de la licence, on peut nous coller directement, si Dieu le veut, Architecte, je serai enregistré dans le corps d’Architectes. Où souhaites-tu travailler après ? Si je termine mes études, je compte travailler à l’étranger, puisque ici, au Congo, ça dépend, ça dépend au moins du développement du pays. Mais pour le moment, avec la conjoncture actuelle, vraiment c’est très difficile, c’est très difficile parce qu’il n’y a pas de moyens, le développement est vraiment bas par rapport à d’autres pays d’Afrique ou de l’Europe. Autre difficulté : au Congo, c’est difficile pour un architecte d’avoir un marché, les gens savent que les travaux d’un architecte coûtent cher. Si on travaille sur le compte du Gouvernement, on peut avoir un marché, un bon salaire. D’ailleurs, beaucoup de nos Aînés, anciens étudiants de l’I.B.T.P. qui sont partis dans d’autres pays d’Afrique (Angola, Afrique du Sud, etc.) et en Europe, ils nous disent que là les Architectes sont très recherchés, surtout dans le domaine de la construction, et ça se paie très bien par rapport au Congo. Tout le problème, c’est parce que le travail d’un architecte est un travail libéral. Les gens doivent venir te consulter, tu leur fais un plan, et ils te paient en fonction de ce plan, ou bien, ils te donnent un plan et leurs matériels, et tu leur fais un devis pour construire pour eux, par exemple, une villa. Eux-mêmes vont, dans ce cas, te donner de l’argent pour la construction de leur villa. Or, au Congo, c’est là la difficulté, les gens n’ont pas d’argent, ils ne peuvent pas payer le devis, donc ils ne peuvent pas te donner tous les matériaux de construction au grand complet, surtout financièrement, c’est très difficile, et c’est la raison pour laquelle, pour le moment, un architecte n’est pas très pris dans ce genre de courses comme c’était avant au sujet de marché à conclure, les gens pouvaient facilement consulter un architecte. Mais, aujourd’hui, ce n’est pas le cas au Congo. Ce qui se passe actuellement, c’est dès que les gens ont un marché, ils prennent de préférence un maçon ou un ingénieur pour les guider directement dans leurs idées. C’est cela qui rend difficile le travail d’un Architecte au Congo. Mais par rapport au Gouvernement, il existe des travaux de construction ou des projets de route, de pont, c’est là qu’un Architecte peut être bien payé au pays. Mais, par rapport à ceux qui sont l’étranger, n’importe quel marché paie bien, par exemple, une petite boutique, une maison à réfectionner, une villa, etc. paie bien et on a un revenu de gardien. Donc, l’étranger paraît bien par rapport au Congo. Puisque, au Congo, le problème, c’est quoi, pour être bien payé en Architecture, il faut être quelqu’un du Gouvernement, ou avoir un marché, ou encore avoir quelqu’un haut placé qui vient te prendre pour des travaux. Ce n’est pas le cas à l’étranger, selon ceux qui sont là-bas, par rapport à des connaissances universitaires acquises et une compétence d’Architecte, on est bien payé. Au Congo, tu peux avoir tous ces diplômes et une très grande compétence, ce n’est pas facile d’avoir quelqu’un qui te consulte. Bref : au Congo, c’est un problème du développement du pays et un problème de finance. C’est mieux d’être embauché par le Gouvernement pour avoir de l’argent en tant qu’architecte, même s’il y a quelques personnes qui ont des moyens financiers qui peuvent te prendre et te demander de faire un plan et de continuer une construction. Normalement, un architecte n’est pas un maçon. Il peut passer quelquefois quand les maçons travaillent pour voir le travail et, en accord avec les Ingénieurs, corriger des erreurs, s’il y en a.

C’est mieux finalement d’être à l’étranger parce que par rapport à nos professeurs qui sont des Architectes et des Ingénieurs, qui donnent cours à l’étranger comme ici au pays, ils nous donnent vraiment ce conseil-là. Ils nous disent que ceux qui ont terminé à l’I.B.T.P. coûtent beaucoup plus cher à l’étranger qu’ici au pays par rapport à leurs travaux. Un Architecte n’est pas bien payé dans notre pays. Il faut vraiment travailler à l’étranger puis revenir au Congo. Nous tous, nous encaissons la même idée parce que du côté de la prime qu’ils touchent ici au pays vraiment, c’est difficile. Mais ça dépend des moyens. On peut commencer au pays, puis aller à l’étranger, surtout qu’ici, c’est notre pays, on ne peut pas laisser le pays comme ça et aller. Si on va là-bas, on va investir là-bas, il faut quand même faire une œuvre au pays. C’est quand même bien de faire l’œuvre au pays que de faire seulement dans d’autres pays. Je pourrais dire qu’on peut travailler à l’étranger, ça pourrait aider à acquérir d’autres connaissances. Mais faire ne fût-ce qu’une œuvre au pays, c’est mieux, on pourrait vous prendre comme une grande personnalité au moins. Exemple d’une œuvre à faire au pays : faire la villa d’un Ambassadeur du Congo en Belgique, en France, ou construire un stade de football, un pont, selon un plan-là, etc. Nous avons beaucoup de projets que nous envisageons, que nous comptons vraiment réaliser dans notre pays ou l’étranger. Dans ce cas, un architecte peut donner son plan. Ce sont là quelques œuvres où on peut se faire reconnaître. Quand vous donnez le plan, à partir de ce plan-là, même tous ces Ingénieurs qui vont travailler, vont déjà reconnaître votre œuvre. Comment y arriver ? Pour avoir une œuvre de référence, c’est petit à petit, en faisant de petits plans. La reconnaissance vient progressivement, ce n’est pas dès que l’on finit en Architecture. C’est, comme on dit, « petit à petit, l’oiseau fait son nid ». Entre temps, pour ne pas perdre ma compétence, il faut faire le jeu de relations et de complémentarité entre les collègues. Un collègue peut avoir des renseignements ou un chantier, il vous en parle. Un collègue peut lui-même avoir un chantier, il vous sollicite pour travailler. Tout cela aide à avoir la maîtrise du travail. On peut soi-même aussi avoir un chantier, créer un chantier, suivre les travaux des maçons, puis se faire reconnaître.

Il y a autre possibilité : un architecte peut travailler au Congo. Mais, en général, pour qu’il soit souvent consulté, les gens souhaitent d’abord voir une des ses œuvres réalisées. Un architecte doit avoir son matériel pour réaliser un plan. Pour lui, son matériel c’est comme son arme. Le problème de matériel pour un architecte, c’est un faux problème, il doit en avoir. Le vrai problème, c’est le financement de son plan, puisque le travail d’un Architecte coûte plus cher que celui d’un Ingénieur, d’un maçon. Les gens qui ont de petits moyens n’y arrivent pas. C’est pour cela que nous préférons travailler dans des pays africains (le Cameroun, le Gabon, l’Afrique du Sud, par exemple) qui ont commencé à se développer, à s’organiser, et dans des pays déjà développés. Même là aussi, en tant que visiteur, on le paie bien, par rapport à Mwana’mboka (le fils du village, pour dire un autochtone). Tes diplômes sont-ils équivalents à ceux de l’étranger ? Au niveau des équivalences des diplômes d’Architecture à l’étranger, nos Aînés qui sont partis travailler tout spécialement en Belgique, en France, nous disent qu’on leur demande juste de compléter leur formation en faisant de l’informatique. Cela aide à appliquer leur programme. Il faut aussi reconnaître que l’I.B.T.P. existe seulement en Afrique Centrale. Nous avons des étudiants de beaucoup de pays africains : le Maroc, le Gabon, le Rwanda, le Cameroun, etc. Donc, la formation est bien donnée et reconnue ailleurs. Les facilités de ceux qui sont partis travailler dans d’autres pays africains, quand ils ont du travail, c’est de combiner et l’architecture et les travaux qu’un ingénieur devrait faire. Il est donc lui-même Ingénieur et Architecte. Pour revenir à notre pays, nous comprenons aussi que les Congolais viendront consulter un Architecte, si un jour le pays a une bonne infrastructure économique. Voyez : un Blanc, quand il veut construire au Congo, il a ses architectes belges ou français. Sur place au Congo, l’Ambassade de la Belgique ou de la France va choisir aussi quelques architectes, même des Ingénieurs à leur proposer, pour compléter, c’est quand même la technique. On se complète les idées. L’enjeu d’un blanc, c’est d’éviter le complexe en arrivant sur le terrain. De toutes les façons, il y a complémentarité. N’oublie pas le complexe d’un blanc quand il arrive dans nos pays. Quand un blanc arrive ici, c’est toujours pour commander, discuter avec les Autorités ou les Ingénieurs sur l’architecture, mais pas pour travailler  sur terrain ! Ils (blancs) viennent toujours pour commander, donner des explications, quelques remarques, mais pas pour être vraiment sur terrain, non ! Bon ! Que font vos collègues à l’étranger ? Quand nous causons avec les Anciens Architectes congolais qui sont à l’étranger, ils nous disent qu’à l’étranger, ils commandent aussi, parce que nous regardons l’évolution par rapport à ceux qui sont en Europe. C’est vrai que, en Afrique, l’Architecture n’existe qu’en Afrique Centrale, mais il faut reconnaître que l’architecture de l’Europe est différente de la nôtre. D’où l’importance de la complémentarité dans les idées. Quand un Architecte européen donne ses idées, nous donnons aussi les nôtres, puis, ensemble, nous cherchons un compromis. En Europe, quand je dis qu’un Architecte noir commande, il ne reste pas seulement un Architecte sous-commandement d’Architectes européens. Dès qu’il complète sa formation avec l’informatique pour programmer l’architecture sur ordinateur, il devient autonome. Sans cette formation-là, il a fort besoin de se faire aider par un Architecte européen, ce n’est pas que l’Architecte Blanc commande au sens de dominer. Je dois préciser : quand je dis qu’un blanc commande, c’est juste des remarques par rapport aux Ingénieurs, aux maçons, et vous discutez pour trouver un compromis. Même jusque-là, en Europe, si je vais là et qu’on me trouve un marché, je fais mon plan, je cherche mes Ingénieurs, je viens au chantier, c’est là que je vais les guider, les aider à comprendre et réaliser mon plan. Réfléchissons aussi. On doit se compléter et trouver un compromis, par rapport à l’atmosphère et au climat du pays, l’Europe n’a pas un même climat que le Congo. Par rapport aux matériels employés, par exemple, pour un mélange de bétons, caillasse, sable, eau, ciment, pour faire du béton armé. En Europe, ils ont probablement leur quantité pour faire un bon béton armé, à cause de leur climat. Leur climat est froid, alors que le climat au Congo est tempéré et chaud. La position du sol compte aussi. Quand nous nous mettons ensemble, un Architecte congolais va expliquer à un Architecte étranger les subtilités de notre architecture et les expériences concrètes et prouvées. C’est rare de ne pas trouver un compromis. C’est très important de trouver un compromis puisqu’il y en a qui arrivent sur terrain, seulement avec des diplômes, ils sont intelligents, mais sans aucune expérience. En plus, ils arrivent dans un milieu ou un pays dont ils ne connaissent pas les habitudes. Il y a besoin, pour eux, de travailler avec ceux qui sont sur le terrain, qui ont de l’expérience, par exemple, les anciens architectes, ingénieurs, même les maçons, puisque l’on sait trouver des Ingénieurs ou des maçons, -les Doyens-, qui connaissent bien le travail. Il existe aussi des cas où on est en face d’un maçon qui n’a pas étudié, qui n’a pas de diplôme, mais qui a de l’expérience. Il peut expliquer et expliquer à un Architecte ce qu’il faudrait faire, puis le convaincre, seulement à partir de son expérience. C’est pareil pour un Architecte qui vient de l’Europe. Quand il me fait ses propositions sur le travail, si ce sont de bonnes idées qui peuvent rapidement nous aider à avoir un compromis et s’il arrive à me convaincre, là, j’accepte. Autrement, si je constate que, dans ses remarques, il y a défaillance ou risque de ne pas trouver un compromis, et si je tiens compte de ce que j’ai appris soit à l’école, soit à partir de mon expérience professionnelle ou de celle de ceux qui sont du chantier, je peux refuser ses idées. En définitive, il est nécessaire de trouver un compromis sur des idées qui concernent ce que l’on sait mais où il y a doute ou différence dans la manière de faire. On peut négocier ses points de vue. Mais si les idées données par un collègue architecte sont vraiment nouvelles, donc sur quelque chose que l’on ne connaît pas, et si elles sont en plus bonnes, je dois les prendre pour enrichir mes connaissances. Ce collègue architecte pourrait être la première personne qui vous parle de ce genre de choses. Ca pourrait être aussi des idées que l’on n’a jamais réalisées dans ses premiers travaux. On les prend pour les prochains travaux et améliorer les anciens. Si vraiment, vraiment à la fin il n’y a pas possibilité de trouver un compromis, c’est à chaque architecte de porter la responsabilité de son plan, puisque, si une maison s’écroule, c’est à l’architecte réalisateur du plan que l’on doit se référer.

Malgré ces difficultés et, par rapport aux quelques avantages, je n’ai pas encore beaucoup envisagé de faire un autre travail, parce que, par rapport aux connaissances acquises en Architecture, je me rends compte que nous faisons aussi des travaux de construction. Je peux les faire de temps en temps. Mais, je ne peux pas dire que je vais apprendre la mécanique ou l’électricité, ça peut arriver que, par manque de travail de son domaine, on le fasse. Dans ce cas, je n’hésiterai pas. Mais pour le moment, je n’ai jamais pris contact dans ce sens-là. Si l’on doit réfléchir, on doit reconnaître que les difficultés d’un Architecte congolais aujourd’hui sont passagères, et c’est parce que le Congo est en crise, puisque, avant, quand le Congo était bien, en particulier sous le règne de Mobutu et de Kabila, père, alors Présidents du Congo, les Architectes étaient des hommes à craindre, on les consultait beaucoup, le pays avait des moyens. Il faut aussi dire qu’actuellement, le nombre d’Architectes a augmenté, cela pose problème au niveau de l’offre. L’offre ne correspond pas à la demande. Il y a une concurrence entre les Architectes au pays, mais il n’y a pas beaucoup de personnes pour bien utiliser ces Architectes et les financer comme il faut. A cela s’ajoute le problème de moyens financiers. L’architecture reste toujours très importante.

Conclusion :

Ce que j’étudie, c’est la rencontre de systèmes traditionnel et occidental afin d’analyser les conséquences de cette rencontre. En général, c’est une rencontre conflictuelle : les systèmes de valeurs sont en conflit. Quelle que soit la nature de cette conséquence, les systèmes sont en général obligés de se rencontrer, et dans la plupart des cas, portés à une rencontre harmonieuse, ce qui entraîne le souci réel d’un compromis entre les systèmes au regard des contextes individuels et/ou collectifs de l’enracinement de chaque système et des personnes qui les emploient.

Dans le cas d’une impossibilité d’un compromis, la sagesse pratique reste la voie conseillée vers une solution viable et, ce, dans le respect des éléments essentiels constitutionnels de chaque système et de leurs porteurs. Ils ne vont pas cheminer parallèlement et de manière opposée, mais de façon fort complémentaire réciproquement.

LIVE

Je viens de terminer à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers (I.S.A.M.). J’ai fait l’école primaire, à Mwilambongo, en 1988-1989. J’ai fait les C.O. (Cycles d’Orientation) au Lycée Laku-Lanza, à Idiofa, et j’y ai terminé mes études secondaires en Coupe et Couture en 2002. Je suis venue à Kinshasa pour les études universitaires à l’I.S.A.M. Je viens de terminer à l’I.S.A.M., je travaille dans un petit atelier à la Gombe/Ngaliema. J’ai préféré l’I.S.A.M. à cause de la méthodologie que je n’ai pas eue aux Humanités Techniques à Laku-Lanza. En plus de la méthodologie, j’ai eu beaucoup de cours que je n’ai pas eus au Secondaire, par exemple, le Droit, la Psychologie Générale, etc. A mon niveau actuel, je peux très bien enseigner le cours de couture aux élèves du niveau secondaire. Je suis encore Mlle, donc célibataire. Qu’est-ce que tu apprécies le plus dans ton travail actuel ? Je continue la couture. Aux Humanités, nous faisions la couture à base d’un patron, mais dans l’atelier, nous travaillons à main levée, sans aucun patron. Je ne suis pas encore professionnelle, je vais le devenir plus tard. Les clientes apprécient beaucoup notre travail. Par exemple ? La qualité de notre travail. Quand ils comparent le travail de couture de ceux qui sont à la cité, le nôtre est différent. Nous respectons tous les critères de couture et nous les appliquons dans notre atelier à la cité. Mais, la plupart de tailleurs de la ville ne respectent pas les critères, on sait même trouver de tailleurs qui n’ont pas étudié. Ils ont appris la simple couture. La dame responsable et propriétaire de notre atelier a également terminé à Laku-Lanza et à l’I.S.A.M. Autre chose : nous respectons les rendez-vous pris avec les clients. Par exemple : Si nous prenons rendez-vous pour le mercredi, nous devons tout faire pour te donner ton habit le mercredi. Mais, si la cliente propose son modèle, nous devons le respecter, nous n’avons pas en principe le droit de changer, seulement si vraiment c’est un très bon modèle. On peut le faire uniquement pour compléter et si et seulement si l’on est convaincu que ce sera beau. Si ce n’est pas beau, ce n’est pas la peine de proposer un modèle complémentaire au client. Où prenez-vous les modèles ? Il y en a qui sortent de notre propre création et imagination ; d’autres viennent de revues nationales du Congo, par exemple, Amina, ou de l’Europe, comme le Birdan. Les clientes choisissent dans une de ces revues et nous proposent le modèle qui leur plaît. Une cliente peut aussi nous proposer un modèle qu’elle a vu quelque part, en dehors de nos revues. Tu viens de dire que, après tes études universitaires, tu travailles bien, comme une demoiselle, dans un atelier. Que penses-tu si, plus tard, tu as un mari ou la proposition d’enseigner aux Etudes Secondaires quelque part ? Elle sourit désespérément. Si, maintenant, on me demande d’enseigner, je n’ai pas de temps, je travaille du matin au soir, je n’aurai vraiment pas de temps pour préparer une leçon. Je n’aurai même pas de temps pour enseigner. Si je veux partager le temps entre l’atelier et l’enseignement, je dois quitter l’atelier. Dans l’atelier, on nous paie par ouvrage, c’est-à-dire par tissu cousu chaque jour, donc ça dépend de tes habits cousus. On gagne un pourcentage par tissu cousu. Si l’on veut gagner beaucoup d’argent, il faut coudre beaucoup d’habits. On calcule un pourcentage par tissu cousu. Si tu partages le temps entre l’atelier et l’enseignement dans une école, la responsable de l’atelier ne va pas l’accepter, elle ne te paie pas assez. C’est comme si je vais faire attendre les clientes, je vais les pénaliser. Donc, pour moi, l’avantage, c’est de rester dans l’atelier. Comment vas-tu t’entendre avec ton mari, si un jour tu te maries ? Pour cette question, nous allons nous entendre plus tard (elle rit). Mais tes collègues mariées, comment combinent-elles tout cela ? Non, je n’ai pas de collègues mariées. D’où te vient le goût de faire la couture ? Mon goût vient surtout de la vie à l’internat à Laku-Lanza. A Idiofa, en ce moment-là, aucune école avait un internat, seulement Laku-Lanza. J’ai préféré la couture pour rester à Idiofa, à l’internat. En plus, à part la couture, je ne voyais aucune autre option à suivre. Pour quel objectif ? D’abord, je croyais que si on fait des études de couture, on sera uniquement une couturière. Mais, à la fin de mes études à l’I.S.A.M., j’ai découvert que, en plus de la couture, on peut devenir aussi enseignante. Et quoi encore ? A l’I.S.A.M., il y a aussi possibilité de faire l’Option : le Modélisme. Beaucoup de personnes sont inscrites à cette option, elles sont spécialistes pour créer des dessins dans les tissus ou pagnes de femmes, dessiner les mannequins et les habiller, créer des modèles, par exemple, Amina. Ils vont créer des motifs variés : petit, grand. C’est leur travail. Je n’ai pas préféré le Modélisme puisque, à Kinshasa, nous n’avons qu’une seule industrie de tissus, Utexafrica, où l’on peut créer ces motifs. Si nous sommes nombreuses dans cette option, nous n’aurons pas de travail plus tard, puisqu’il y a beaucoup de chômeurs dans le Modélisme. J’ai préféré continuer en couture où j’aurai mon matériel et je ne vais pas chômer. Autre inconvénient du Modélisme : on n’apprend pas de méthodologie, donc on ne pourra pas enseigner. Mais en Couture, je peux très bien enseigner, j’ai appris la méthodologie et je peux avoir mon atelier, être autonome, si j’ai mon matériel. Si l’on est seulement Modéliste et que l’on n’a pas de Sponsor, que devient-on ? En réalité, un Modéliste aura en gros les difficultés d’emploi et de production. Il est comme celui qui a appris quelque chose, mais qui ne peut pas le partager, ni le mettre à profit et de lui-même et des autres, s’il n’a pas d’emploi. L’unique moyen pour partager ses connaissances, c’est les dessins qu’il peut créer. Mais s’il n’a pas, en plus, une industrie où créer ces dessins, il reste bloqué. S’il n’a pas aussi de matériels pour créer des dessins ni faire des mannequins, il ne peut pas exploiter sa science ni l’étendre. Bref, ce sera une matière apprise, mais non vendue ni développée s’il n’y a ni matériel ni marché d’emploi. Je reviens en arrière, pour me présenter. Je suis l’Aînée d’une famille de 4 enfants (J’ai deux petits frères et une petite sœur). J’ai 24 ans. Et tes parents, dans ton goût…? Non, c’est surtout quand, au C.O., je voyais les Sœurs Micheline, Elodie, etc. coudre les habits, j’appréciais beaucoup. Nos Aînées, quand elles cousaient et portaient leur uniforme, je me disais que je dois devenir comme elles. Est-ce que vous vous voyez de temps en temps ? Oui. As-tu de préférence pour le lieu de ton travail plus tard ? Par exemple : Pour la couture, en tous cas, c’est mieux de travailler à Kinshasa à cause du matériel et des possibilités financières des clientes pour acheter mes tissus cousus. Même si ça coûte cher, les clientes paient, et surtout j’ai mon matériel sur place. A la campagne, c’est difficile : les clientes paient difficilement, elles vont trouver que c’est cher et souhaiter que la couture coûte moins cher; je n’aurai pas aussi de matériel électrique, ce me sera difficile de coudre à la main comme le faisaient nos parents au village, c’est très fatigant. Les Clientes peuvent parfois avoir de l’argent, mais pour payer ce n’est pas facile. Comment expliques-tu cette différence entre les clientes du village et celles de la ville ? D’abord, qui vous a dit qu’à Kinshasa les gens n’ont pas d’argent ? Moi, je découvre que, à Kinshasa, les gens ont du goût, ils aiment s’habiller au rythme des modes, ils paient la couture. Au village aussi, les gens aiment s’habiller en suivant les modes, mais à moins cher. Exemple, si tu demandes 10 dollars à une cliente pour un haut des femmes ou le corsaire, elle ne les trouvera pas, mais entre temps, elle veut bien s’habiller, mais à moins cher. Comment faire dans ce cas ? Il faut que vous et nous, nous puissions nous asseoir et voir ensemble pour voir comment aider les gens du village à se développer. Est-ce leur souci ? Ce n’est peut-être pas leur souci, car il existe des gens qui vont en forêt toute la semaine, leurs habits sont toujours gardés dans une valise, ils les portent occasionnellement le dimanche pour la messe. Mais, en ville, les gens s’habillent chaque jour pour sortir, pour aller au travail. Ils doivent changer de tenue. Or, pour changer de tenue, il faut acheter et faire coudre. Si les gens achètent et réalisent de nouvelles coutures, cela nous permet d’avoir des clientes et de vivre. Les gens qui sont en ville veulent chaque jour la mode, être à la mode, à la page. Ce n’est pas le cas pour les gens du village. Est-ce que les modes ne connaîtront pas, plus tard, en ville, une telle concurrence qu’il y aura embarras de choix ? Non ! Pourquoi ? (Elle rit).Quand une mode varie, il faut tout varier. Et quoi encore … ? Je dois insister que, au niveau du village, la couture coûte moins cher. A l’I.S.A.M., nous payions très cher, voire plus que certains Instituts Supérieurs. Quand on va travailler au village, c’est vraiment une très grande perte d’argent par rapport à tout l’argent qu’on aura payé à l’I.S.A.M. Par contre, si on travaille à Kinshasa, on peut quand même gagner plus qu’au village. En réalité, les prix de nos habits suivent en quelque sorte les prix de frais scolaires ou académiques. D’ailleurs, quand nous cousons, nous ne fixons pas les prix au rythme des frais de nos études, mais c’est chaque client qui se fait s’acheter sa couture très cher ou pas, selon sa façon de s’habiller et de faire coudre ses habits. Alors, il va payer cher, puisque nous allons compter tout, surtout notre matériel. Nous ne suivons plus le rythme de nos frais d’études, ce serait trop coûteux pour les clientes ; nous n’aurons plus de clientes, elles vont fuir. Quelle est finalement ta spécialité en couture, hommes ou femmes, ou les deux ? Pourquoi ? Je suis Spécialiste en couture Femmes, puisque depuis les Etudes Secondaires, nous nous occupons plus de la couture Femmes que de la couture Hommes. Si on te demandait de changer, de faire maintenant la couture Hommes ? Ca dépend de moi. Par exemple, dans notre atelier, il existe des papas qui s’occupent de couture Hommes. Si je veux apprendre la couture de pantalons et les maîtriser comme je l’ai fait pour les femmes, c’est ma volonté en cette minute. Aux Humanités, on a appris la couture Femmes, puisque les femmes s’habillent plus que les hommes. La tenue des hommes, c’est seulement le pantalon et ça restera toujours le pantalon, mais pas pour les femmes.

P P Est-ce que ça vous paraît dommage que, dans nos sociétés, on condamne la polygamie ou bien vous croyez que c’est bien la polygamie ?

L’intervieweur a interrogé ces trois personnes en équipe : Firmin, de Mambem, âgé de 70 ans, Obé Musirb, d’Otaangn, âgé de 50 ans et My Sim, de Mamben, âgé de 73 ans.

Dans nos villages, nous voyons des personnes qui ont deux, trois, quatre femmes. D’autres en ont cinq, six. Quelle en est l’importance ? Quelle est la raison de ces mariages ?

P G C’est la volonté de chaque personne. Il est dit qu’on peut avoir une seule femme. Mais si quelqu’un en a plusieurs, c’est vraiment sa volonté. J’ai déjà demandé à ceux qui ont épousé plusieurs femmes. Certains me disent qu’ils ont épousé les veuves de leurs frères - les bisye-. Je connais un papa dont le travail est de soigner et d’épouser les femmes qu’ont laissées ses frères. Il y un avantage à les épouser, précise-t-il : éduquer les enfants de ses frères ; ce sont ses enfants et ses frères. C’est un problème de volonté. Mais il y a d’autres raisons de la polygamie chez nous les Ding : les travaux manuels. Il y a des hommes qui ont déjà eu une femme avec qui ils ont des enfants, et la femme, pour des travaux manuels, est fatiguée. Monsieur X va souhaiter épouser une jeune femme pour des travaux des champs, par exemple. Mais il existe des hommes sincères qui demandent l’autorisation à leur première épouse. Si c’est une femme souple, elle peut accepter. Dans un premier temps, cependant, elle va avoir mal au cœur, mais en fin de compte, l’homme aura sa deuxième femme.

- Pardon, comment la femme arrive-t-elle à accepter ? Est-ce facilement ? Quelles sont les conditions pour qu’une femme accepte ? Qu’est-ce qu’il faut faire ?

Avant de demander cela à sa femme, il faut bien discerner les causes, les motifs de cette démarche. Si, avec la première femme, on n’a pas d’enfants, mais qu’il désire en avoir, l’homme peut présenter sa peine à sa femme et négocier avec elle le désir d’en avoir.

- Comment vas-tu demander cette autorisation-là à ta première femme ?

Tu diras, par exemple : Voilà, maman, tu es ma femme, je t’aime, mais nous n’avons pas d’enfants, je voudrais en avoir. Mais je ne peux pas te laisser. Je vais épouser une autre femme pour avoir des enfants, je te donne cet ebwan, une chèvre, pour ton honneur, par exemple.

- Mais dans nos coutumes, que donne-t-on exactement ?

Dans nos coutumes, on donne à la femme une pièce d’étoffe, un foulard, une paire de chaussures. Tu les lui donnes en présence de sa famille. Deuxième raison pour la polygamie : une femme que tu aimes qui tombe malade, avec ou sans enfants. Cette femme reste ton épouse, mais, puisque, pour vivre, il faut travailler dur en forêt, je lui demanderai l’autorisation d’épouser une autre femme qui puisse nous aider tous à vivre. Il existe d’autres raisons dans nos coutumes Ding : le cas des chefs de Groupements, des Minken (pluriel de Munken). Ils ont une maison où ils accueillent des gens jour et nuit, c’est comme un centre d’accueil, un lieu de palabres ou d’autres situations, ces gens-là, dans leur sagesse, n’ont pas une seule femme. Ils doivent en avoir deux ou trois, puisqu’il y a beaucoup de travaux. Nous voyons ce genre de situation chez les chefs de Groupement, de secteur, village, bilwôm (chefs). Longtemps, nos ancêtres avaient leurs grands champs et pouvaient épouser plusieurs femmes. Actuellement, la vie est difficile, l’habillement est très difficile. Ce n’est plus possible d’avoir toute cette charge. C’est ainsi qu’une personne a une femme et vit avec elle. La vie a énormément changé.

- Est-ce que la vie a changé à cause de la crise. Pensez-vous que tout le monde fuit la crise ?

Raison fondamentale, c’est la charge. Plusieurs personnes se sont rendues compte qu’avoir plusieurs femmes, c’est difficile et c’est une grande charge. L’homme aura plusieurs enfants ; il ne lui sera pas souhaitable d’avoir une seule femme. Avoir des suffisants n’est pas la seule raison, car il y en a qui pourrait en avoir plusieurs.

- Aujourd’hui, on voit aussi des femmes « table ronde » ou Muka Nkum. (C’est la polyandrie, en Français, c’est moi qui précise).

P A Muka Nkum, ce n’était pas notre système Ding, mais des Lele. D’après l’Histoire, les Ding ne viennent pas de Kinshasa. Ils seraient venus de vers Congo-Brazzaville, Gabon, Cameroun. C’est l’affaire des Lele où il fallait choisir une femme pour beaucoup d’hommes. Mais, actuellement dans le code de la famille, cela n’existe plus. Origine : La polyandrie est importée des Lele et des Wongo, qui sont deux ethnies voisines des Ding orientaux, à l’Est. Elle consiste à choisir une jolie fille qui devient la femme de tous les hommes du village exceptés ceux de son propre clan et tous ceux qui sont lui sont parents. Ici, on respecte l’exogamie clanique.

En pratique, le mariage polyandrique met une femme à la disposition de tout le village qui paie la dot pour cette femme. Les hommes y vont à tour de rôle. Elle est nourrie par tout le village de produits de chasse, de la cueillette et de l’agriculture. On lui réserve toujours une part et le village défriche un champ pour elle. Quand cette femme est enceinte, elle se colle à un homme qui finit par lui arracher le vrai amour au détriment de toute cette multitude d’hommes qu’elle a connue. L’enfant qui naîtra est le fils de la communauté, que les Ding nomme mwa babul. Mais le père biologique pourra payer une redevance dans la suite pour le reconnaître. Actuellement, cette pratique a disparu à cause de l’émancipation de la femme, l’introduction du christianisme et ses valeurs, la crainte des MST (Maladies Sexuellement Transmissibles). Toutefois, la polyandrie transmettait ces valeurs : la solidarité Ding même dans l’amour. Mais il faut bien reconnaître qu’une telle solidarité était source de jalousie, car celui qui réussit à s’accaparer de la femme est convoité par d’autres.

- Comment choisissait-on cette femme, puisqu’il y a beaucoup de femmes ? Sur quels critères ?

En 1958-1959, à Otaang, il y avait une femme « Ngayia » que l’on avait choisie comme Muka Nkum. On l’avait prise. Elle était d’origine esclave, elle était vendue. Leurs enfants étaient esclaves. Dans le village, personne ne pouvait s’opposer à …Il y a eu comme une imposition de ce … Il existe un ensemble d’éléments que l’on considérait comme premiers éléments de choix : beauté, egyang, c'est-à-dire, gentillesse; son aptitude à travailler, à accueillir les gens. Une femme qui remplissait ces critères était choisie. Cependant, on pouvait choisir également, dans une famille, une femme pour être Muka Nkum. Mais si dans la famille de la femme choisie il y avait une opposition contre le choix de leur sœur de la part de ses oncles ou de son papa, ils avaient le droit de refuser le choix.

- Si Muka Nkum est enceinte et met au monde un enfant, à qui appartient-il ?

C’est l’enfant de toute la population, de tout le monde, puisque sa maman ne pourra pas dire avec exactitude le nom de son père.

- Vous dites que c’est l’enfant de tout le monde, non. C’est vous qui dites que la femme ne sera pas en mesure de nommer le père de son enfant, mais, en réalité, elle-même en connaît le père.

Oui, c’est vrai, si la femme connaît son cycle menstruel. Or, par le passé, nos mamans ne connaissaient pas tout cela. Une pareille femme pourrait avoir eu des relations avec deux ou trois hommes par jour.

- Mais, à sa naissance, l’enfant aura des traits de caractère qui lui feront ressembler à telle ou telle autre personne. S’il ne ressemble pas nécessairement à son père, il ressemblera probablement à son neveu.

Tu as raison, mais c’est toujours l’enfant de tout le monde. Aujourd’hui, nous voyons que beaucoup de personnes n’aiment pas rester avec de telles femmes ; ils n’aiment plus non plus épouser deux ou trois femmes.

- P G Revenons à la polygamie, qu’en pensez-vous ?

De Mpay Nwan Cyrille : Non, au contraire, il est souhaitable qu’on la supprime. Si elle répondait aux besoins économiques hier, aujourd’hui, elle ruine et est budgétivore.

De Mpianganga Mwimbenge : Dans la société traditionnelle, la polygamie était réservée à une certaine classe ou à une certaine catégorie d’hommes. Et cela témoignait une certaine force (puissance) physique, c’est-à-dire économique et humaine, pouvoir politique. Mais actuellement, la polygamie est condamnée car le christianisme et la modernisation ont transformé certaines mentalités Ding. C’est ce qui fait que la polygamie paraît être un phénomène révolu.

De Lakulu Mwafre Amédée : Mis à part les impératifs religieux, il y a lieu d’accorder plus de place à la liberté humaine.

De Ngun : Je ne suis pas pour la polygamie parce qu’elle ne favorise pas l’entente conjugale. Il y a généralement la présence de la jalousie et des disputes entre femmes. –Difficultés dans le contrôle de naissance ; chaque femme voudra bien avoir des enfants et il faut savoir les nourrir.

De Mvi Vincent : La polygamie n’est pas mauvaise en soi. Elle date de longtemps. Certains serviteurs de Dieu dans l’Histoire Biblique ont été polygames (Jacob, par exemple). Cela n’a pas empêché Dieu de le choisir parmi tant d’autres. Mais, la polygamie pour les appétits sexuels ou comme un esclavagisme est à condamner surtout dans le contexte actuel des maladies sexuellement transmissibles.

De Mandjum Paulin : Il y a à boire et à manger. Tant que dans l’esprit de l’homme ancien le garant de la société familiale ne posait pas problème, la polygamie était aussi une bonne chose puisque la femme se sentait protégée par son mari au point que notre société ne connaissait pas de femmes libres ou de prostituées. Mais en ces jours où l’esprit européen s’est installé par la religion chrétienne, la polygamie est considérée particulièrement par la femme comme bienvenue car elle bénéficie de toute l’affection, de tout l’amour, de tout l’encadrement attendu. En outre, les exigences sociales actuelles ne permettent plus en la plupart d’hommes de bien prendre en charge plus d’une femme.

Comment les Ding ont-ils accueilli les comportements (valeurs, attitudes) de l’évangélisation et de la colonisation (par exemple sur le plan social, économique, politique, etc.) ?

L’intervieweur a interrogé ces trois personnes en équipe : Firmin, de Mambem, âgé de 70 ans, Obé Musirb, d’Otaangn, âgé de 50 ans et My Sim, de Mamben, âgé de 73 ans.

- EC Rencontre entre Blancs et Ding, quels points conflictuels. Les Ding n’avaient pas étudié quand arrivaient les Blancs, difficulté de langue (langage gestuel), complexe d’infériorité et problème de culture. Ce n’était pas facile. Quels sont les points conflictuels ?

Les Ding avaient peur du Blanc. Les Blancs n’acceptaient pas la façon, pour les Ding, de prier : la religion traditionnelle ne coïncidait pas avec le christianisme. Ils n’étaient pas d’accord avec la question de monogamie quand l’évangélisation avait commencé. Plus tard, c’est la question de la sorcellerie. Les fétiches qu’avaient les Ding étaient non pour nuire ou tuer, mais pour protéger le clan ou les activités agricoles. Tout ce qui consistait à nuire ou à tuer était emprunté ailleurs. Niang était aussi une sorte de fétiche emprunté pour avoir de la richesse ou une grande Laniang soit pour dominer soit pour avoir une femme qu’on n’arrive pas facilement à avoir. La sorcellerie la plus difficile, chez les Ding, c’était l’ekong, qui consistait à punir celui qui nuisait à la vie et à la paix des Ding. On redoutait Monsieur Musala qui réalisait ce genre de fétiche Ekong (tuer symboliquement une personne avec une lance). A cause de ce genre de fétiche, il n’existe plus de vol. Pour protéger tous tes biens contre le vol, on mettait ce fétiche afin qu’il attaque tout voleur. Grâce à ce genre de fétiche, il n’y a ni vol ni assassinat chez les Ding. Le coupable d’un vol ou d’un assassinat non avoué fut toujours repéré chez le redoutable Musala avec son Ekong préparé avec la mixture faite de cheveux et des ongles du défunt qu’il dépose dans une casserole nécessaire pour détecter celui qui a jeté le coupable. On finissait toujours par un résultat très favorable et, une fois informé du sort du coupable, chaque membre du village prenait la décision de ne commettre aucun crime (vol ou assassinat).

- Est-ce que les Ding accueillent-ils ou non les étrangers ?

Quand arrivaient les Blancs les Ding étaient considérés très accueillants, plus que les autres ethnies voisines, car ils ne tuaient aucun passager, d’autant que c’était resté comme un habitude dans nombre de villages d’avoir des maisons de passage pour accueillir tout étranger et le nourrir. Tout passager pouvait même cueillir à son gré autant de fruits et s’en nourrir sans craindre aucune remontrance de la part des Ding. On reconnaît que chez les populations Ding on retrouve beaucoup d’ethnies étrangères accueillies ; elles sont très heureuses d’y rester, car elles ne craignent pas la mort.

De Mpay Nwan Cyrille : Il est vrai que les Ding ont accueilli l’évangélisation et la colonisation sans heurt. Toutefois, les concepts nous ont fait oublier notre religion (l’animisme), nos cultures, nos sources.

De Mpianganga Mwimbenge : En rapport avec l’Evangélisation ou la colonisation, les Ding se sont vus enracinés dans leur propre culture. L’évangélisation paraît être une brisure avec la vie ancestrale, c’est-à-dire les mœurs. Et la colonisation est perçue comme une punition sévère à leur endroit. Trop individuels et trop renfermés, l’évangélisation et la colonisation ont permis aux Ding de s’ouvrir aux coins du monde en développant l’hospitalité, la charité.

De Lakulu Mwafre Amédée : La collaboration de la chrétienté au projet de la colonisation a favorisé l’acculturation des Ding.

De Ngun : Les Ding n’ont pas facilement accueilli l’évangélisation et la colonisation. Avant l’arrivée du colonialiste et de l’évangélisation, le Ding connaissait Dieu et avait des valeurs ancestrales jalousement conservées. Le colonialiste était considéré comme assaillant. Du point de vue économique, la colonisation et l’évangélisation internationalisent la monnaie chez les Ding. Le troc fut donc remplacé par le Makuta comme monnaie avec pouvoir de change.

De Mvi Vincent : L’évangélisation, mieux son comportement n’a pas été totalement contraire aux mœurs et coutumes chez les Ding. Bien sûr que Jésus Christ n’était pas connu chez les Ding ; Dieu pourtant était bien connu des Ding à la colonisation. Les méthodes utilisées lors de la colonisation n’ont pas été bonnes sur le plan social, politique dans la mesure où cela était plus avantageux aux colons qu’au peuple congolais en général et au peuple Ding en particulier. C’était de la servitude.

De Mandjum Paulin : L’évangélisation est en contradiction, par exemple, avec le comportement Ding en la survie des morts avec qui les Ding croient continuer à garder un lien, le dialogue car ils croient aussi en bénéficier la protection même. La colonisation a apporté le métissage des races, des cultures dans des villages, des cités surtout. On pourrait, à ce sujet, dire que certaines cultures émergent sur d’autres au point qu’on assiste à la mort d’autres cultures. La colonisation a apporté l’industrialisation agricole, par exemple, au point que les forêts fortement dévastées par les plantations et les grands champs des particuliers à la quête des revenus colossalement espérés, ont entamé l’environnement abiotique et biotique. Ceci a entraîné un déséquilibre vital de l’homme Ding et sa faune, et sa forêt, et ses ruisseaux ou rivières.

VOT Quelle est l’influence des valeurs de l’évangélisation et de la colonisation chez les Ding orientaux (de la collectivité Kapia uniquement) sur les structures sociales, politiques et économiques ?

L’intervieweur a interrogé ces trois personnes en équipe : Firmin, de Mambem, âgé de 70 ans, Obé Musirb, d’Otaangn, âgé de 50 ans et My Sim, de Mamben, âgé de 73 ans.

- A travers la vie des Ding, ce qu’ils font, qu’est-ce que leur ont apporté l’Etat, les Blancs, la colonisation ?

L’Etat était géré par les Missionnaires qui nous avaient apporté les écoles, les hôpitaux, mais de là jusqu’à l’indépendance, l’Etat proprement dit ne nous a rien laissé, à part peut-être les immeubles qu’abritent les bureaux administratifs. Sur le plan matériel, nous sommes très marqués par cela. Du point de vue, nous n’avons pas beaucoup évolué, car nous n’avions pas beaucoup étudié. Et les chefs de villages sont des autorités politiques chez nous.

- Sur l’organisation politique, quel apport de la colonisation : Chef de Groupement, des Minken (Munken Mbel), chef des villages et leurs Adjoints, des Notables, des Kapitas. Il existe de nos droits Ding qui viennent des coutumes de nos ancêtres Ding. Du point de vue économique, est-ce que les Ding peuvent échanger avec les autres ?

La route qui permet d’évacuer les cultures agricoles, mais nous n’avons aucune entreprise pour nous aider à faire d’autres activités.

- Les Ding aiment la paix, la justice, la vérité, n’avez-vous pas de conflits entre vous, entre villages ou entre deux Groupements ?

Oui, il existe quelques conflits entre villages, mais ce sont de petits conflits

De Mpay Nwan Cyrille : D’après moi, l’évangélisation et la colonisation ont eu une influence à la fois positive et négative. Positive, elle a contribué à l’essor de l’intellectualisme de la région, par-là le progrès. Négative, elles nous ont fait perdre nos racines, mieux nous ont écartés de nos coutumes.

De Mpianganga Mwimbenge : La culture intellectuelle (les écoles, les églises, la communication).

De Lakulu Mwafre Amédée : L’Evangélisation et la colonisation ont contribué à l’épanouissement des Ding dans le domaine social (école, hôpitaux) en même temps qu’elles ont dépouillé les Ding de leurs valeurs traditionnelles.

De Ngun : La connaissance de la Bible a fait disparaître en bonne partie les pratiques ancestrales. La crainte de Dieu et la présence du pouvoir colonial ont diminué la criminalité dans les différentes localités du secteur Kapia. La présence, quant à elle, de la monnaie, a facilité les échanges entre les villages.

De Mvi Vincent : L’évangélisation a une influence sur le comportement Ding. Elle est venue renforcer les habitudes Ding, leurs mœurs surtout en ce qui concerne l’éthique. Les écoles se sont construites, les hôpitaux également. Mais l’objet était non sûrement de voir ce peuple saint, mais d’avoir des gens en bonne santé pour mieux servir la cause de la colonisation.

De Mandjum Paulin : Du point de vue social, la polygamie tombe, la femme trouve qu’elle est à même de s’opposer à la décision de son mari. Ce comportement de la femme ne s’arrête pas seulement à la décision de l’homme de prendre plusieurs femmes, même à d’autres circonstances où elle a droit à la parole.

Du point de vue socio-politique, la société Ding de Kapia n’a plus la même considération qu’elle avait de son chef coutumier. La scolarisation des enfants a commencé la prise en charge d’un chacun dans son comportement. Du point de vue économique, la production agricole n’est plus celle de subsistance ; elle va au-delà pour la production de vente.

AC De quoi aimeriez-vous que l’on parle pour une recherche sur les comportements ou les attitudes auxquels les Ding accordent le plus d’importance ?

De Mpay Nwan Cyrille : J’aimerais qu’on développe ou que l’on fasse des recherches (études) sur l’occultisme. Ce phénomène mystique auquel les autres n’ont pas accès.

De Mpianganga Mwimbenge : Pour une recherche sur les comportements et les attitudes auxquels les Ding accordent le plus d’importance, j’aimerai qu’on exploite le plus le comportement de la personnalité, c’est-à-dire du caractère personnel et propre aux Ding.

De Lakulu Mwafre Amédée : J’aurais aimé qu’on parlât de l’honnêteté, de la moralité et du partage.

De Mvi Vincent : Je souhaiterais qu’une recherche soit menée sur le comportement passif du peuple Ding qui, à mon sens, lui est très suicidaire.

De Mandjum Paulin : On pourrait parler du développement de son village (construction en matériaux durables, sensibilisation de la population en matière d’éducation sanitaire, d’électricité et de l’eau, etc.) au lieu de quitter, à tout prix, le village pour la ville ; on est trop pressé de vivre l’exode rural.

CE Contexte du déroulement des entretiens à Kinshasa

Identités d’intervenants :

M Arthur Jabur est né en 1955, mon épouse en 1954. Je voulais ajouter quelque chose dans les goûts à conduire la recherche. A l’Enseignement Supérieur, j’ai fait la Pédagogie Appliquée à l’enseignement de l’Anglais, à la sociologie et la culture africaine. Ce genre de recherche que je viens de faire a énormément des relations aussi avec mon passé. Cela m’a donné beaucoup d’intérêts à comprendre la façon de vivre, de penser, la façon de nos Ancêtres, surtout les Ding orientaux.

Tu as conduit les entretiens de deux façons : les entretiens collectifs et individuels, tu as aussi préféré choisir d’autres personnes auxquelles tu as simplement remis un questionnaire. Est-ce ton choix initial ou aurais-tu souhaité le contraire ?

Deux critères m’ont orienté. J’ai remis un questionnaire aux gens dont je suis sûr de deux choses : ils sont des Ding orientaux et ils sont sûrs d’interpréter une question, la lire et d’écrire en bon français leurs réponses. Puisque je n’aurais pas de temps pour interviewer toutes les personnes vu mon programme de travail. Quant aux interviews collectifs, j’ai choisi les Ding orientaux, mais ceux qui n’étaient pas en mesure de bien répondre par écrit et qui ne pouvaient me donner des réponses riches de renseignements. D’autres aussi ne pouvaient pas parler le français, ce qui m’a poussé à emprunter quelquefois même la langue du pays, le lingala, le kikongo ou carrément le Ding. Cette seconde raison leur aurait permis d’exprimer ce qu’ils connaissent et savent de notre culture. Ce sont surtout ces critères qui m’ont emmené à procéder de ces différentes façons. Et si vous aviez, par exemple, proposé à ceux qui ont répondu par écrit d’être interviewés, auraient-ils accepté ? Oui, mais on serait toujours buté à la difficulté de temps. C’est d’ailleurs pourquoi j’avais privilégié les interviews en groupe, car il ne me serait pas facile d’avoir des Intellectuels en groupe : ils se dérobent facilement, ils n’ont pas souvent de temps. Effectivement, M Guy Givano aurait souhaité être interviewé, mais je n’y ai plus fait cas : il m’avait déjà remis ses réponses au questionnaire. Pour quel avantage ? Discuter, aller plus en profondeur, compléter des points qui ne sont pas dans son texte, ce serait plus riche que ce dernier. Si vous pensez que je peux encore aller l’interviewer, je le ferai. Vous aurez remarqué que, dans certains groupes d’interviews collectifs, il y a quelques personnes qui ont aussi étudié, puisque, pour la plupart de temps, j’ai réalisé ces interviews à l’occasion de deuils, de mariage, etc. On se retrouvait quand même. A part le facteur « temps » et M Givano, d’autres personnes n’avaient-elles pas, par exemple, peur de l’enregistrement ? Non. Leur vrai problème était le manque de temps. Généralement, ceux qui ont répondu aux questionnaires par écrit l’ont fait la nuit, où ils ont un temps libre. Mais vous savez que nous sommes dans un pays où chacun doit mener une vie difficile, ce serait difficile de l’immobiliser pour une interview. Moi-même, j’ai également eu beaucoup de difficultés pour le transport. Passer d’une maison à une autre m’aurait coûté cher. Cela a été pour moi une très grande difficulté, par exemple, nous avons déjà raté beaucoup de rendez-vous. La première partie du travail a été réalisée au prix de mille peines. Dès qu’on arrivait où on avait rendez-vous, on nous disait : « Oh ! Il était ici, il vient de partir à l’instant, on vient de l’appeler, il a une petite ‘coop’ là, il n’y a pas moyen de la rater, ou encore oh ! Ceci cela ! Donc, c’est cela la difficulté. En réalité, il y a eu beaucoup de rendez-vous manqués parce que les gens étaient pris par leurs activités personnelles, sinon vous auriez eu beaucoup de disponibilités pour ce travail. » Face à ces nombreuses difficultés, la situation politique du pays vous a-t-elle gêné de faire l’enquête, ou encore les enquêtés à vous revoir ou à participer à vos interviews ? Oui, mais pour la seconde série d’interviews, seulement. J’habite assez loin, à l’écart, de gens que je devais interviewer. Il faut aller vers eux, de jour, puisque, la nuit, je ne pourrais rien faire. Pourtant, beaucoup de gens sont disponibles le soir. Alors, la situation politique ou l’insécurité du pays ne me permettaient pas d’être en dehors de chez moi, le soir, très loin, pour interviewer ou enregistrer. C’est ainsi que nous avions préféré aller rejoindre nos interlocuteurs la journée. Avec la seule grande difficulté que beaucoup de gens ne sont pas disponibles, parce que, eux aussi, la journée, ils sont occupés par leurs propres problèmes. Le moment idéal aurait été la journée, pas le soir. N’est-ce pas que, par le passé, quand on allait vers des gens pour une enquête ou, qui pis est, pour des enregistrements, ils étaient méfiants ; ils avaient peur que les enquêtes soient, par exemple, transférées à d’autres réseaux ou soient utilisées pour d’autres raisons. Avez-vous vécu un sentiment de méfiance vis-à-vis de vos interviewés par rapport à l’appareil ou de ce qu’on va en faire ? Bon ! Non ! Aucun, aucun ! Parce que, généralement, ce sont des gens qui me connaissent très bien ; ils savent que je n’ai pas de problème avec la sécurité, je ne vais pas faire ce que les autres font, je vais faire mon enquête, un point, un trait. En revanche, il y en a qui m’ont demandé de l’argent, le malafu -un pourboire-, vous voyez ! Quant à dire qu’ils ne veulent pas être interviewés parce que vous pourriez peut-être réutiliser cela dans d’autres réseaux, ensuite cela leur aurait coûté cher, dans leur vie, on pourrait venir faire ceci ou cela, non, mais c’est par rapport à l’argent, puisque, pour eux, ils pensent qu’en interviewant, en faisant ce travail-là, on gagne de l’argent. Ils croient que les interviews réalisées pour ceux qui sont en Europe, ou quand ils demandent des interviews, c’est pour avoir de l’argent là-bas en Europe ; soit qu’ils vont « revendre » leurs interviews, soit que le travail qu’ils produiront là-bas en Europe leur donne de l’argent, alors, pour nous, nous préférons, par exemple, que l’on achète notre contribution. Non ! Ils n’avaient pas peur d’autres choses, quoi. Ils étaient toujours disponibles, ils savaient que c’était moi qui leur demandais ce service, ils acceptaient quand même, et souvent moyennant quelque chose pour les encourager, je leur achetais quelques bières pour les mettre un peu à l’aise, c’est tout, et on travaille. Y a-t-il eu des curieux auprès de vous pendant votre travail, soit d’autres personnes qui n’étaient pas prévues dans votre répertoire, soit des personnes qui, carrément, étaient curieuses, mais d’une curiosité intéressée, c’est-à-dire répondre aussi aisément que possible à vos questions pour donner leur contribution à la recherche ? Un autre genre de curiosité : une curiosité malsaine, peut-être que ce serait de passage qui serait de la mouvance je ne sais laquelle, qui serait curieux et se serait infiltré dans votre recherche alors qu’en réalité cela ne l’intéressait, mais tout simplement pour savoir ce qui se passe. Auriez-vous eu ou non ces deux genres de curiosité ?

En général, il faut savoir que, en partant de chez moi, les gens que j’interviewais, je ne les ciblais pas avant. Mais quand j’allais, par exemple, à un deuil ou une fête. Quand j’arrivais sur place, je voyais ah celui-là est un Aîné Ding de notre côté ; cet Aîné, on m’a parlé de lui, ah ! Celui-là et celui-là. Je les appelle : « Papa, venez, j’ai une petite causerie, je voudrais causer avec vous. En ce moment-là, tous ceux qui sont intéressés par cette causerie, ils viennent. Des curieux ! Il y a eu des curieux qui venaient, bon, – dans le bon sens d’ailleurs : pour contribuer ; ils donnaient leur contribution. C’est, peut-être, quand ils nous ont entendu discuter de ceci ou de cela, eux aussi, ils s’approchent pour donner leurs points de vue, mais dans le sens négatif du terme : des gens qui viennent, par exemple, nous épiloguer pour aller dire qu’il y a là-bas des gens qui sont en train de faire ceci ou cela, non, ça, je n’en ai pas connu. Ca, non, je n’en ai pas connu. Il y a seulement eu une seule personne que j’ai ciblé bien avant. C’est le papa Mbiapa. Je suis parti de chez moi jusqu’à Masina uniquement pour causer avec lui, parce que c’est parmi des gens que je connais ici qui sont plus âgées que les autres. J’avais aussi ciblé le feu papa Ngun, mais chaque fois que je suis arrivé chez lui, il n’était pas. Lui, je l’avais programmé à cause de sa spécificité. Quand tu arrivais chez des personnes ciblées ou non, comment leur présentais-tu l’objet de l’enquête et comment l’ont-il accueilli ? D’abord, je dois dire que ce sont des gens que je connaissais ; le papa Mbiapa est mon beau-parent. Je lui ai dit qu’il y a des renseignements qu’il devrait me donner, puisque un de mes camarades doit l’utiliser pour son travail. Dès que j’ai terminé, il s’est rappelé de l’Abbé Flavien Nkay, puisque cet Abbé l’avait interviewé. Vous voyez ! Bon ! Il a compris que c’est un travail de recherche pour les études des Ding. J’ai compris qu’il avait peut-être faim, soif et qu’à la fin il fallait penser lui donner, par exemple, un peu de primus, du vin, pour le faire taire. C’était cela. Il n’y a jamais eu de problème de présenter celui qui m’a demandé la recherche. C’est à lui seul que j’ai dit que c’est Placide qui m’a demandé cette recherche, non aux autres enquêtés pendant les deuils. A ceux-ci tout a paru comme mon travail. Je leur disais que nous qui sommes restés, nous devrions faire un effort pour laisser notre culture soit dans un dossier écrit, soit autrement. C’est pourquoi, je voudrais que, aujourd’hui, je cause avec vous, pour savoir ceci ou cela, puis plus tard, nous allons le mettre par écrit. En ce moment-là, je ne leur présentais plus la recherche comme une demande de l’Abbé Malung’Mper. La relation s’est créée donc avec beaucoup de facilité grâce à ma connaissance avec eux, et par ma bonne procédure de leur présenter la situation de la recherche pour un travail important. Il y a eu aussi des gens curieux, dans ce sens-ci : c’est la première fois qu’ils me voyaient, ils entendent souvent parler seulement de l’Inspecteur Jabur, de l’Inspecteur Jabur. C’est qui alors cet homme ? Je suis effectivement nouveau à Kinshasa ! Beaucoup de gens de Kinshasa me connaissaient par mon nom. Ils se disaient entre eux : Ah ! Celui-là, c’est bien l’Inspecteur Jabur. Mais de quoi cause-t-il avec ces papas-là ? Est-ce que ce serait autour des écoles ? Ils nous approchaient, et chemin faisant, s’ils entendent quelque chose, parfois ils intervenaient pour donner aussi leur contribution. Donc, ils ne vous connaissaient pas, ils ont vu que c’est l’Inspecteur Jabur. Est-ce que vous pouvez parler un peu de vous ? Pouvez-vous parler de vous-même, Inspecteur Jabur ? Que faites-vous dans la vie, Inspecteur Jabur ? Votre situation…? Qui êtes-vous, Inspecteur Jabur ?

Leur première curiosité, c’est ceci : je peux vous dire sincèrement, leur première curiosité, c’est de savoir que je suis Ding de Kapia, que je suis l’Inspecteur qui faisait faire des examens d’Etat au Centre National de Dibaya-Lubwe où bien des enfants réussissaient. Leurs enfants étaient inscrits dans ce centre-là. Vous voyez ! Déjà, cela leur donnait une orientation. Ils se sont rappelés beaucoup de choses, entre autres : je les ai beaucoup aidés par la réussite de leurs enfants, j’ai contribué à résoudre pas mal de leurs problèmes dans le domaine de l’enseignement pour leurs écoles ou l’éducation de leurs enfants. Bon ! Beaucoup n’ayant entendu que parler de moi se souvenaient de mes nombreuses interventions en faveur de leurs problèmes. Cela m’a fait « tailler » une certaine réputation dans ce monde-là : des gens avouaient que si tel problème qu’ils avaient eu a été résolu, c’est grâce à telle personne rencontrée dans telles circonstances et qui les aurait beaucoup aidés à faire ceci ou cela, et ainsi de suite. Ainsi, ceux qui ne me connaissaient pas étaient très curieux. Et toi-même, qu’as-tu fait, dans ta vie, pour pouvoir réaliser tout cela ? Je n’ai rien fait (il élève la voix d’un air à la fois gai et étonné); beaucoup de problèmes qui me sont posés, sont liés à mon travail. Par exemple : les études de leurs enfants, ouvrir une école, les problèmes d’une école, ce sont des problèmes liés à mon travail ! Hein ! Je suis, en principe, Spécialiste dans ces matières. Alors, quand ils viennent me consulter, je leur dis les instructions de l’Etat dans l’une ou l’autre matière. Quand ils vont les appliquer, ils en sont satisfaits, ils voient, par là, que je leur ai donné des orientations sur beaucoup de choses. Mon grand mérite vient de là. En quoi consiste alors votre travail ? Quelle est votre profession et comment vous y êtes-vous arrivé ? Le cursis ? La spécificité de votre spécialisation ? Mon Travail : je suis Inspecteur d’Enseignement. Au Congo, un Inspecteur d’Enseignement, c’est un Spécialiste dans les questions scolaires. Pour accéder à ce titre-là, il faut d’abord être un enseignant expérimenté : avoir enseigné ou dirigé des écoles. Ensuite, par un concours réussi, comme cela se faisait en notre temps, on vous envoie dans une école de formation d’Inspecteurs, en ce moment-là c’était à Kisangani. Après une année de formation à l’IFCEPSP (Institut de Formation de Cadres de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel). Après cette année-là, vous êtes admis dans le corps d’Inspecteurs par un brevet : on vous donne un brevet d’accès aux fonctions d’inspecteur et, directement, vous êtes nommé Inspecteur par Arrêté Ministériel. Vous pouvez, à cet effet, commencer, sur le terrain, le travail d’inspecteur comme un spécialiste en questions scolaires. J’ai exercé cette fonction de 1988 à nos jours, dans plusieurs endroits. J’ai essentiellement travaillé à Idiofa-centre, mais aussi pendant une année à Mokala. Actuellement, je suis à Kinshasa. Je suis Père d’une famille de 4 enfants, et j’ai, en plus, 2 enfants sous tutelle, je suis marié religieusement. Je suis né en 1955, ma femme s’appelle Monique Etoy. Si l’on revient sur votre relation avec les enquêtés sur le terrain ; ils étaient très contents de savoir que c’était vous qui leur aviez rendu beaucoup de services, ce qui a fait bien évolué les entretiens. Est-ce que, au cours de ces derniers, une dégradation de la qualité des entretiens ou des relations était constatée ou non ? Au contraire ! Souvent, les gens étaient mécontents de voir qu’on en arrivait à la fin. Quand je leur disais que c’était la dernière question, ils me disaient : « Quoi ! Que nous puissions encore causer ! Pourquoi êtes-vous pressé ? » Et moi de leur dire : « Je n’ai plus de « munitions » : je n’ai plus de cassettes ; mes piles sont déchargées, etc. je ne peux plus continuer. D’où, quelques textes manuscrits pour compléter les interviews non enregistrés. Bref, mes interlocuteurs étaient très contents, mais souvent insatisfaits quand il nous arrivait d’épuiser nos questions prévues. Venaient alors la divagation, des causeries sur la vie du village. Moi, personnellement, je ne suis pas très satisfait, c’est-à-dire que je n’étais pas très bien outillé. Si j’avais des outils performants, j’aurais réalisé un travail superbe. Mais, qu’est-ce que vous voulez, bon je me suis contenté de ce que j’avais pour faire ce que j’ai pu faire. J’aurais souhaité mieux faire que ce qui est réalisé. Je reviens à mon passé. J’avais fait des études primaires à l’Ecole Primaire Sainte-Thérèse de Dibaya-Lubwe et des études secondaires à Ipamu (CO) de 1968 à 1970 ; au Collège Sainte-Thérèse de Brabanta (actuellement Mapangu) de 1971 à 1974. Quand Monsieur Mumbala Robert était accidentellement mort, il avait mon diplôme en mains ; je le lui avais confié pour m’inscrire au campus de Kinshasa, en Economie. J’aurais souhaité avoir un diplôme d’enseignement supérieur, mais comme ailleurs je ne pouvais pas être inscrit, c’est pourquoi j’étais forcé à faire l’enseignement. Mais aujourd’hui, je me plais à ce que je fais. Je me plais où je suis, puisque je ne peux pas trouver mieux ailleurs. Il ne faut pas non plus être toujours un éternel mécontent, un éternel chercheur. Ca va : puisque j’ai reçu une formation, j’essaie de la valoriser. C’est cette formation qui partait de ce que j’avais déjà eu avant, je ne pense pas que cela ait été le goût de mes parents. Non ! Mes parents ne m’ont pas donné de goût. C’est plutôt le Préfet Zonfil qui m’a donné le goût de l’enseignement. Oui ! Je l’ai vu pour la première fois quand il terminait ses études ici à l’IPN, quand il venait comme professeur Gradué en ce moment-là au collège d’Ipamu, un homme bien éduqué, très poli, eh…enfin, un homme très respectable. C’est lui qui nous a donné le goût. Mais sinon, de mes parents, il n’y a pratiquement rien. Vous aurez constaté, entre autres, que j’ai réalisé quelques entretiens à l’occasion de la mort d’un Ding, ce n’est pas tant pour me souvenir douloureusement de la personne qui, à sa mort, avait mon dossier en main. J’ai aussi choisi des « manifestations », en général, car c’était difficile de faire le porte-à-porte. J’appelle « manifestations », les occasions de deuil, de mariage, de fête, etc. Comme, les gens viennent souvent nombreux à ces « manifestations », je les ai choisies pour y rencontrer des Ding qui viennent également nombreux pour manger, boire, danser, discuter. Là, je pourrais les « attraper » aussi facilement. Bon ! La mort, en général, chez nous, vous voyez que quand il y a un mort et que vous n’allez pas aider, on dirait que vous avez un problème vis-à-vis d’une personne endeuillée, c’est-à-dire que vous ne l’avez pas consolée pendant ses situations difficiles comme un deuil. Pendant ces « manifestations » générales, des gens viennent nombreux, y compris des gens que l’on n’a jamais connus ou vu à Kinshasa ou qui sont devenus invisibles à Kinshasa, par exemple. En tous cas, ces jours-là, ils peuvent apparaître. Beaucoup de gens viennent nombreux se retrouver et se réjouir avec d’autres. J’ai pensé que c’est à de telles occasions que je pourrais rencontrer des personnes difficiles à trouver. Notez que j’ai réalisé des entretiens aussi en dehors des occasions de la mort de quelqu’un, par exemple, ceux conduits chez le papa Mbiapa que je suis allé voir pour cette raison uniquement, à cause de son âge et considéré comme un grand gardien de la tradition Ding, et chez moi, quand des gens sont venues me rendre visite. Pour ce dernier cas, j’ai trouvé qu’ils étaient nombreux, c’étaient des gens de Kapia auprès desquels je pouvais avoir de bons renseignements, je leur ai directement tendu la perche. Il y a le contexte de la mort de quelqu’un, de la visite à domicile, de la fête. Quand j’arrivais à tous ces endroits-là, tout se passait dehors. Malheureusement, il n’y avait pas de feu ; du moins on était dehors, et bien, en train d’échanger jusqu’aux petits matins. J’ai choisi seulement des hommes (il rit aux éclats), oui, ce n’est pas parce que les femmes dormaient. Non. Vous voyez que c’est un nouveau milieu pour moi, je ne me connais pas avec beaucoup de femmes pour faire des entretiens. C’est très compliqué pour moi de demander aux mamans de venir bavarder avec moi, elles seraient beaucoup plus curieuses que les hommes pour vite savoir l’objet de notre causerie. La plupart d’hommes que j’ai interrogés, ce sont les Aînés que j’ai connus au village et que j’ai retrouvés à la capitale. Quand je les appelle, ils viennent plus facilement que les mamans. Ce qui est vrai, quand j’ai causé avec le papa Mbiapa, il y avait des mamans de Kapia – précisément une famille de Kibwadu- dans cette parcelle ; deux d’entre elles aidaient le papa à répondre à certaines questions, ajouter certains éléments ( il suspend sa voix). Et, pour les entretiens réalisés dans ma maison, vous avez aussi entendu Monique, mon épouse, réagir comme une maman.

Le cadre utilisé, dedans, dehors, pendant une visite à domicile ou une fête, à l’occasion des funérailles d’une personne et de la veillée mortuaire, j’ai constaté que le cadre utilisé a permis la dynamique des entretiens. Tout le monde était à l’aise et avait les conditions nécessaires pour participer au dialogue. Par exemple, chez moi, nous étions dehors, il n’y avait qu’une seule petite distraction : causer, et tout le monde avait une attention soutenue, répondait aux questions et parlait librement. Chez papa Mbiapa également, où nous étions expressément allés pour des entretiens, tout le monde nous a accueillis et nous étions disposés à participer au dialogue. Dans le cadre de deuil, il y avait néanmoins la musique qui résonnait à côté, près de nous, et là, des mamans chantaient et dansaient, sans pourtant trop de nous perturber. En général, les enquêtés étaient à l’aise, bien que, quelquefois, leur attention était portée vers ces chansons. Je dois dire que, pendant la situation des entretiens, où qu’ils se soient déroulés, des gens ont toujours tissé des relations. La majorité de contacts sont noués avant déjà ; on ne vient pas, pour le moins, par hasard. Un lien les marque, ils se reconnaissent entre eux : des relations par le village, le quartier, le secteur ou une amitié. Ceux qui sont venus me voir chez moi sont, par exemple, des gens qui ont des relations avec moi, sinon je vois mal comment ils seraient venus me voir. Ce sont des amis, des parents, etc. Il y a toujours quelque chose qui unit les gens. Une relation entre deux peut créer une troisième entre la première et la troisième personne si la deuxième est en relation avec la troisième. Ce pourrait être une relation d’amitié ou de reconnaissance, simplement.

Je voudrais ajouter, pour préciser, pourquoi j’ai choisi de conduire les entretiens avec mon épouse Monique. C’est parce que je sais qu’elle peut ajouter quelque chose sur ce que je ne sais pas. Bien qu’elle ne soit pas originaire de Kapia ni une Ding orientale, elle a vécu chez les Ding orientaux. Née à Mangai, y a travaillé très longtemps comme aussi à Dibaya-Lubwe, Monique, mon épouse, vit avec moi, a des relations avec tous les gens qui ont des relations avec moi, et elle connaît aussi beaucoup de choses sur notre tribu. Alors, c’est ainsi qu’elle pouvait être utile pour intervenir, répondre, poser des questions, éclaircir, ainsi de suite. Et ensuite, sa tribu d’origine, c’est une tribu voisine à la nôtre. Vous connaissez les problèmes de voisins. Même si elle n’est pas de l’ethnie Ding, on connaît ce qui se passe là-bas, en tant que voisin, ainsi de suite. C’est la raison pour laquelle je ne l’ai pas jugée étrangère. C’est la mémoire de mon cerveau, en d’autres termes, (il rit) pour m’aider à travailler, éclaircir les questions, voire compléter ou donner son apport en tant que mère et dans le travail qui concerne aussi les personnes qui ne sont pas seulement les Ding orientaux, mais aussi les ethnies voisines, tant elle a contribué à donner quelque chose sur l’ethnie voisine de son expérience antérieure comme mère et épouse. Il rit, rit, et elle appelle son épouse. Monique, viens répondre à la question de Malung’Mper. Je vois que votre époux vous aime beaucoup, il vous a choisie pour conduire cette recherche. Est-ce que la recherche vous dit quelque chose ? La vôtre ou en général ? Oui, n’importe laquelle. (Elle rit aux éclats). Justement, comment ça peut ne pas m’intéresser. Vous savez qu’à travers ce que l’on a fait, on a découvert beaucoup de choses qui nous ont intéressés. Vous pensez que je resterai uniquement à ce niveau-ci, ne croyez-vous pas que je doive aussi aller plus loin ? Elle rit. Je n’étais pas complexée ni frustrée d’être l’unique femme en train d’interroger les hommes. Je n’étais même pas frustrée.

Je n’ai pas le complexe d’autres femmes devant les hommes, je n’en ai pas. Même pas au niveau du travail où il faut faire ce que l’on peut faire, nous travaillons, encore moins faire la division sexuelle du travail ou se demander pourquoi je suis l’unique femme. Non ! Le problème n’est pas à ce niveau-là. Par ailleurs, quand, au milieu des hommes, il s’agit de les guider ou les éclairer, je le fais. C’est question de savoir ce que l’on fait. Mon mari vient de dire que j’ai éclairci beaucoup et que j’ai beaucoup apporté à cette recherche. Tu me demandes de parler un peu de cela. Ah …! Toi, tu as parfois des questions qui te sont propres. De toutes les façons, vous devez savoir que c’est un travail de recherche comme vous le savez. Il y a des sous questions qui peuvent venir suivant l’intervention de telle ou telle personne. Ce n’est pas pour dire qu’il était à court de questions, non. Mais, comme on était ensemble, quand je pensais que j’avais une question pour intervenir pour éclairer, aider l’intervenant, je le faisais sans nécessairement attendre cela de lui. Je pense que c’est aussi la tâche de celui qui guide le travail. Vous devez penser orienter ceux avec qui vous travaillez. C’est surtout pour vous faciliter la tache, pour vous donner le plus d’éléments possible. Ah ! Pour orienter et avoir le plus d’éléments possible. Est-ce que cela suppose une compétence ? Ah ! Oui, ce n’est pas donné à n’importe qui. Cela demande une compétence. Vous-même, que faites-vous ? Parlez-nous de vous-même. Parlez-nous de votre compétence, de votre trajectoire scolaire, de votre profession. Ah, merci beaucoup ! Je suis mère épouse et mère de 4 enfants, mais je suis aussi Fonctionnaire de l’Etat. J’ai fait mes études primaires à la paroisse Sacré-Cœur, à Mangai, mon Cycle d’Orientation (C.O.) à Ipamu, puis mes études de 3è et 4è secondaires, Option Pédagogie Générale, à Ngi, dans le diocèse de Kenge. J’ai enfin fait les 5è et 6è secondaires à la mission catholique Beno. De là, j’ai poursuivi mes Etudes Supérieures de Français Linguistique à l’Institut Supérieur Pédagogique-Gombe (I.S.P./Gombe) de Kinshasa. A la fin de celles-ci, j’ai été engagée Professeur à Mokala, pendant une année, au Collège Nto-Bi pendant un an. Après ces deux affectations, j’ai été promue Préfet Chef d’Etablissement au Lycée Ndona de Dibaya-Lubwe où je suis restée 5 ans. C’est là que j’ai rencontré Arthur, mon mari. De Dibaya-Lubwe, je suis allée à Mwilambongo comme Préfet Chef d’Etablissement du Lycée Lubundanu, où j’ai travaillé pendant 12 ans. Je suis mutée de Mwilambongo à Lakas, pour diriger, comme Préfet Chef d’Etablissement Secondaire du Lycée Sangol où je suis restée de 1996 à l’an 2000. De 2000 à 2002, j’ai été Conseillère d’Enseignement Secondaire dans le diocèse d’Idiofa. De 2002 à nos jours, je suis à Kinshasa, en train d’exercer la même fonction (profession) que mon mari : Inspectrice Principale Provinciale Adjointe (IPPA). Alors que mon mari exerce à la capitale, moi, je le fais en Province. Papa (mon mari) est à l’Inspection Générale, mais moi, je suis en Province où je suis Inspectrice Exploitante au Bureau de l’Inspecteur Principal Provincial. J’ai donc une complicité professionnelle, et aussi une complicité matrimoniale, d’où nos intérêts communs. Cela m’a fait un saut du milieu rural à un milieu urbain. Cela marque aussi un intérêt très important par rapport au travail que vous venez de réaliser, et par rapport à votre propre travail. De cette recherche, je peux dire que nous avons manifesté un intérêt particulier : je dois dire que c’est un travail qui nous a beaucoup intéressés, parce que quand on fait un travail comme celui-ci, on découvre les difficultés et comment les gens perçoivent les problèmes. Ces difficultés, je les ai quelquefois partagées avec mon mari qui est en même temps mon collègue, guide-recherche, surtout pendant le travail comme l’a déjà mon mari. Vous savez que on ne manifeste pas les mêmes intérêts. Pendant que nous allons vers les gens que nous devrions écouter, il n’est pas dit qu’ils aient les mêmes intérêts que nous, non. Vous pouvez vous fixer un rendez-vous, vous vous déplacez et vous engagez des dépenses, alors que, à votre arrivée, ils ne sont pas là. C’est une difficulté matérielle liée au travail en tant que tel. De plus, on n’était pas très bien outillé. Si on avait tous les nécessaires ; on devrait faire plus que ce que vous avez. On n’était limité, on n’avait pas tout. On se contentait de ce que l’on pourrait avoir pour que l’on ne vous bloque pas. C’est-à-dire quoi : « Avoir tous les nécessaires, avoir tout » ? Par exemple : l’électricité n’est pas installée dans tous les quartiers de la capitale. Quand on se déplace pour faire des entretiens, on prévoit quand même des piles et son enregistreur ; on pense aller dans un quartier électrifié avec grande ambition d’y réaliser de très bons entretiens et de les enregistrer, on est parfois surpris de constater qu’il n’y a plus d’électricité dans ce quartier-là. On est obligé d’utiliser les piles qui, à notre avis, ne donnent pas la même qualité d’enregistrement que l’on aurait eue si on avait utilisé le courant électrique. Cette difficulté entraîne une autre : le facteur « temps », c’est-à-dire que les piles ne durent pas plus longtemps que l’électricité ; elles s’usent et, qui pis est, réduisent la durée des enregistrements. Il faut tous les temps avoir un peu de moyens. Une autre difficulté : mon mari vous a dit que nous habitons un peu à l’écart par rapport aux habitations de nos enquêtés. Les uns et les autres sont situés pratiquement à chaque extrémité de la capitale. Pour rejoindre la plupart de nos enquêtés, il ne nous fallait pas moins de 2 heures de voiture, en temps normal. Mais dès qu’il y avait des bouchons, ah !…ça pourrait nous prendre plus de 2h à l’aller, et plus de 2h au retour. Nous avons notre voiture, heureusement, ce qui nous facilitait quasiment le transport. Mais si, il nous était arrivé de prendre les moyens de transport commun, ah ! Ça, ça…nous devrions tout au plus prévoir plus de 4h à 5h, parce que le transport commun n’est pas comme le transport individuel. Vos enfants ont-ils souffert de notre absence de la maison ? Ah ! Heureusement, pour nous, nous n’avons plus de petits enfants à la maison. Notre cadet est maintenant à l’Université. Ce sont de grands enfants, ils comprenaient que nous sortions pour un travail et, donc, ils pouvaient tolérer notre absence de la maison pendant un moment. Tous ces enfants font, eux aussi, leurs recherches ou travaux pratiques, ils se déplacent aussi eux-mêmes pour réaliser leurs travaux pratiques. Comment ne pouvaient-ils pas ne pas comprendre notre sortie pour une recherche afin de rendre service ? En outre, il y a des statistiques que l’on doit vous fournir, mais on ne peut pas vous donner tout ce que l’on pourrait, parce que cela ne dépend pas seulement de notre bonne volonté. On ne nous facilite vraiment pas partout la tâche pour avoir des statistiques. Tout cela, ce sont des difficultés que nous avons rencontrées tout au long de ce travail. Mais, nous pouvons ajouter ceci : Bon, c’est vrai, pendant la réalisation de la recherche, quant à savoir si nous avions un journal de recherche ou d’observation, nous n’avons pas noté tous les détails. Mais avant de quitter la maison, nous avions noté les grandes lignes qui nous servaient de guide de la recherche. Nous avons d’abord multiplié notre questionnaire, on avait un questionnaire, ensuite, quand il fallait orienter nos interlocuteurs par de petites questions spontanées, on le faisait de temps en temps. Mais chaque fois, en partant de chez nous, on savait de quoi on allait parler. Au retour également à la maison, à la fin des entretiens, on relevait des petits manquements qu’on a remarqués par-ci par-là dans les réactions des gens que nous avions interrogées, afin d’améliorer la prochaine enquête. Nous faisions un effort pour donner le meilleur de nous-mêmes dans ce travail surtout pour ne pas faire attendre notre correspondant apprenti-chercheur ni lui fournir ce qui pourrait gêner ou empêcher la rapidité dans son travail. Il fallait lui produire un travail bien fait. Vous rappelez-vous, de mémoire, un exemple d’une situation de vos enquêtés ? En général, nos enquêtés étaient satisfaits. Ce sont des gens qui nous ont facilité la tâche, parce que je connais des endroits, des amis qui sont partis faire des enquêtes,mais qui ne pouvaient pas avoir tous les éléments parce que leurs interlocuteurs étaient très exigeants, ça c’est un aspect. Il y a des gens qui vous disent ouvertement : « Payez-nous d’abord avant de fournir tels ou tels renseignements. » Pour notre part, nous n’avons pas d’ennuis de ce côté-là. Oui, nos interlocuteurs nous ont énormément facilité la tache. Notre avantage aussi était le fait que un certain nombre de nos interlocuteurs étaient des maîtres, il y a l’hospitalité qui nous caractérise ; généralement, entre nous on est…, on est assez familier, on parle, on s’arrange. Souvent, on ne parlait pas la gorge sèche, puisque dans la coutume Ding ou ngwi, on s’arrangeait toujours pour prévoir une ou deux bouteilles de bière…Vous savez ce que le vin représente chez nous : il faut travailler autour d’un verre, hein !