Un public qui détonne

Que sont ces classes spécialisées ? Qui sont ces élèves inscrits ? À l’évidence, et ce à l’instar des autres groupes structurant l’image d’une école, des rangs existent. Mais il est clair que ceux-ci se fondent mal dans le tableau. On remarque déjà leurs effectifs réduits et la disparité des tailles qui le composent. Il est plutôt rare dans un même groupe de ne voir qu’une dizaine de têtes et des âges s’échelonnant de 8 à 13 ans. Quant à l’atmosphère, elle s’avère assez singulière. Les handicaps et autres troubles associés, même s’ils ne sont pas toujours apparents, restent définitivement présents. Pour ce qui relève du fonctionnement, on peut dire qu’il obéit à des lois complexes, spécifiques à chaque enfant. Il y a ceux qui ne viennent qu’à temps partiel, accueillis le reste de la semaine en établissements médico-éducatifs. D’autres semblent de compulsifs voyageurs, au vu de leur aller-retour entre le local de la CL.I.S. et d’autres classes de l’école 8 . Quelques-uns, plus sédentaires, restent à couvert derrière des portes fermées, le temps d’apprendre ou de réapprendre à les supporter ouvertes.

Les résidents de CL.I.S. n’ont en commun que leur difficulté à vivre et plus particulièrement celle que paraît surajouter l’école. Pour tous les autres registres de leur existence, la plus grande hétérogénéité les caractérise : niveaux d’acquisitions, attentes, besoins, comportements, raisons d’être là mais aussi d’en partir.

Pour certains, leur arrivée en CL.I.S. est l’aboutissement d’un long périple parcouru dans les méandres de l’institution scolaire. Ils cumulent notamment les échecs, année après année, maître après maître. Ils ont “ goûté ” à toutes sortes de méthodes pédagogiques, subi un nombre incalculable de séances d’orthophonie, et découragé plus d’un rééducateur. Bref, les voilà, adeptes du rendez-vous manqué, non lecteurs ou petits déchiffreurs, avec une image de soi bien souvent négative. Pour d’autres, le handicap est avéré depuis la naissance. Ce qui devait être un fabuleux moment s’est rapidement transformé en cauchemar. C’est parfois l’arrivée d’un petit trisomique, ou encore ce que le corps médical appelle un enfant ayant subi une souffrance fœtale 9 . Pour un petit nombre encore, il s’agit de l’apparition dès le plus jeune âge, de ce que l’on déclame une psychose infantile, l’autisme.

Notes
8.

 La première est une sorte de camp de base, les secondes des occasions de campagne. L’une est sécurisante, les autres plus inquiétantes car l’on va se heurter à des maîtres différents ainsi qu’à l’enseignement de certaines disciplines.

9.

 Sans que l’on sache d’ailleurs exactement ce qu’il y a derrière ce terme de spécialiste.