1.3.3 Le trouble hyperkinétique ou déficit de l’attention

Comme les troubles des apprentissages considérés plus amont, le trouble hyperkinétique ou déficit de l’attention/hyperactivité s’inscrit dans un contexte développemental. Le comportement de l’enfant ne correspond pas, ou de moins en moins, à celui de ses camarades sans difficultés et aux attentes sociales de son entourage.

L’ADHD 160 fait l’objet de nombreux travaux 161 depuis plus d’un siècle. La terminologie actuelle succède aux nombreuses dénominations antérieures 162 . Ces évolutions reflètent, en grande partie, les tensions qui dominent depuis toujours l’étude scientifique des phénomènes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité entre d’une part une perspective biologique et une perspective psychosociale et de l’autre une approche unidimensionnelle et une approche multidimensionnelle. Les enfants atteints de l’ADHD manifestent un ensemble de comportements perturbateurs qui persistent plus fréquemment et plus sévèrement que chez la plupart de leurs pairs du même âge. L’inattention et/ou l’hyperactivité ainsi que l’impulsivité prédominent et posent des problèmes majeurs à l’entourage, dans la famille et à l’école en particulier.

Les deux systèmes de classification (CIM-10 et DSM-IV) définissent deux ou trois domaines distincts 163 . Pour chacun d’eux, les symptômes 164 de l’enfant sont relatifs. Le comportement est jugé excessif, insuffisant ou inapproprié par rapport à celui observé habituellement, dans des circonstances semblables chez d’autres sujets nés à la même époque.

Les difficultés que l’enfant manifeste dans le domaine de l’attention ont un aspect à la fois temporel et organisationnel. D’une part, il est généralement incapable de se concentrer de manière soutenue et prolongée sur des activités quotidiennes telles que les jeux, les repas, le travail scolaire. Il a du mal à respecter les règles liées à ces occupations. Les problèmes sont évidents même lorsque le sujet prend plaisir à ce qu’il fait et la fatigue, le manque d’intérêt, ou la désobéissance ne suffisent pas à les expliquer. D’autre part, on note un empêchement à l’organisation de nombreuses activités, même lorsque celles-ci sont habituellement pratiquées. On observe aussi une incapacité à répéter une consigne simple ou à mener une tâche facile. L’ensemble de ces obstacles conduit à une perte d’intérêt et à un abandon rapide de ce qui a été entrepris.

Le niveau d’activité manifesté par les enfants atteints de l’ADHD est excessif et perturbateur. Ils bougent incessamment, souvent en courant et sans but apparent. Ils ont beaucoup de mal à rester calmes quand les circonstances l’exigent. Ils parlent aussi souvent sans écouter ou considérer ce qu’ils vont dire, font du bruit ou des commentaires inappropriés. Ils interrompent volontiers les conversations ou les activités de leur entourage sans avoir de but nécessairement clair ou pressant. Les résultats de différentes recherches 165 expérimentales confirment ces caractéristiques.

L’ADHD est un des troubles psychopathologiques de l’enfance et de l’adolescence les plus étudiés à ce jour. Malgré le nombre de travaux disponibles, l’ampleur du trouble reste difficile à préciser. En effet, les taux de prévalence rapportés varient considérablement en fonction des échantillons étudiés, des définitions utilisées, des méthodes d’évaluations, et des personnes auprès desquelles les données sont recueillies. Un certain consensus semble cependant se dégager des études épidémiologiques les plus récentes.

Les symptômes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité sont très communs pendant l’enfance. Suivant les sources d’information 166 , la prévalence de l’ADHD est très variable. Lorsque l’on se base sur des critères diagnostiques précis, on obtient un résultat proche de 6%. Ce chiffre cache des différences importantes selon l’âge, le sexe et les symptômes observés. Le trouble est diagnostiqué plus fréquemment pendant l’enfance que pendant l’adolescence, et chez les garçons que chez les filles. Durant les deux dernières décennies, des progrès considérables ont été faits dans le domaine de l’ADHD. Cependant de nombreux travaux restent à faire, avant tout pour mieux définir et distinguer les différentes manifestations du trouble, et ainsi décrire leurs trajectoires développementales et comprendre leur étiologie respectives.

Au-delà du domaine de l’activité et de l’attention, la vie en société exige de l’enfant qu’il apprenne à vivre avec son entourage, que ce soit dans sa famille, à l’école ou dans son quartier. Il doit se conformer aux normes sociales et respecter les droits fondamentaux d’autrui. Nous présentons deux troubles qui souvent s’enchaînent en cours de développement. Le premier est le trouble oppositionnel avec provocation qui débute dès l’enfance. Il se caractérise par des comportements de transgression, d’opposition et de provocation qui conduisent régulièrement à des conflits marqués avec l’entourage. Le second dit trouble des conduites se manifeste avant tout pendant l’adolescence. Il recouvre l’ensemble des comportements précédents mais s’y ajoute la violation répétée des droits fondamentaux d’autrui et des normes sociales. Il peut alors y avoir des répercussions développementales et légales majeures.

Notes
160.

ADHD (attention deficit and hyperactivity disorder). Nous utiliserons ce sigle d’ADHD, dont l’usage est devenu courant en français.

161.

Hoffmann H. 1845. Crasse-Tignasse, « Der Struwwelpeter », Paris, L’école des loisirs, 1979.

Wallon H. 1925. L’enfant turbulent. Étude sur les retards et les anomalies du développement moteur et mental, 2e éd. 1984, Paris, Quadrige/PUF.

162.

On retiendra les termes de lésion cérébrale minime, de dysfonctionnement cérébral minime, d’hyperkinésie, de syndrome hyperkinétique ou impulsif, de réaction hyperkinétique de l’enfance (DSM-III) et de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (DSM-III).

163.

Inattention, hyperactivité et impulsivité pour la CIM-10 ; inattention et/ou hyperactivité-impulsivité pour le DSM-IV.

164.

Si les symptômes sont très semblables d’un système à l’autre, la CIM-10 est plus restrictive. Elle exige au moins six symptômes d’inattention, trois d’hyperactivité et un d’impulsivité pour que le diagnostic puisse être posé. Elle précise que ce dernier ne peut l’être que si l’enfant ne présente pas un trouble de l’humeur ou un trouble anxieux. La DSM-IV n’exclut pas une telle comorbidité et n’exige que six symptômes d’inattention ou d’hyperactivité-impulsivité.

165.

Thomas J., Willems G. 1997. Troubles de l’attention, impulsivité et hyperactivité chez l’enfant. Approche neurocognitive, Paris, Masson.

166.

Si on se fie à une seule source d’information (parent ou enseignant) et se limite aux seuls symptômes (sans tenir compte de leur sévérité, de leur durée et de leur impact sur le fonctionnement de l’enfant), on trouve des taux de prévalence qui peuvent atteindre plus de 50%. Si, par contre, on s’appuie sur différentes sources d’information et s’assure que l’enfant remplit les critères diagnostiques d’un système de classification et présente des symptômes marqués dans au moins deux contextes différents, la prévalence de l’ADHD est de l’ordre de 1% ou moins.