2.3.1. L’intérêt d’une définition univoque

Selon G. Avanzini, arrêter le sens de ce sur quoi l’on bute est un pré-requis à la clarification de bien des mésaventures.

Selon lui, une méthode est à entendre au sens d’une manière « d’organiser la vie de la classe en fonction de la fin qu’on poursuit, de la structure de ce qu’on enseigne et de l’idée que l’on nourrit des écoliers » 249 . Nécessairement constituée par cette triangulation, elle suggère des démarches concrètes qui satisfont simultanément à ces trois séries d’exigence. Il devient alors illégitime de recourir au même terme pour désigner indifféremment une manière globale d'enseigner, et les techniques singulières que recommande un manuel ou qu’emploie un professeur. Cela peut sembler de prime abord quelque peu péremptoire, mais il faut bien en reconnaître la fonctionnalité. Dès l’instant où les méthodes sont véritablement comprises dans leur plénitude, leur analyse dépasse le débat de détails sur des techniques d’apprentissage.

Cela se vérifie quand on reprend la notion de « méthode traditionnelle » à travers ses modifications temporelles. Il suffit pour cela de renoncer à la tenir pour une structure didactique homogène et sémantiquement stable. Quand on parvient à dégager ce qui la spécifie de manière constante, l’intérêt d’une réflexion sur sa persistance apparaît. Au-delà de ce qui la finalise 250 , les trois paramètres précédemment évoqués ne sont pas nécessairement solidaires dans le temps. Si l’histoire les a liés, ceux-ci n’en demeurent pas moins capables d’évoluer séparément. À l’intérieur du triangle, l’hétérogénéité de nature et d’origine persiste. Lors, malgré la convergence des attaques contre l’école depuis le début du siècle 251 , la variable incriminée rend les critiques plus disparates. De plus, au vu de cette évolution non nécessairement synchrone de ce qui en constitue comme les ressorts, le maintien de l’ensemble interroge.

Là encore, on ne saurait invoquer une pénurie en matière de recherche. Cependant, il s’avère que les propositions regardent majoritairement vers des îlots de dysfonctionnement. Elles traitent de problèmes « relativement restreints » et ont en commun « d’être animés par le vœu de perfectionner le système en place plus que d’en définir un autre » 252 . Il n’y a ici aucune remise en cause des finalités de l’organisation globale de l’enseignement. Quant aux initiatives animées par une idéologie hostile au régime établi, elles ne désirent pas toujours une expérimentation. Cette dernière est jugée compromettante (collaboration), quant elle n’est pas pensée vaine (non suivie d’effets), ou posée comme faussée (conjoncture inadaptée à une évaluation).

Pour mieux cerner les raisons du non changement de méthode, alors que par ailleurs presque tous la reconnaissent inadaptée, il est intéressant de renverser. Partons plutôt des avantages de celle dont on se défend d’appartenir puis remontons à l'enjeu.

Notes
249.

 G. Avanzini, Immobilisme..., op. cit., pp.22-23.

250.

 Ses caractéristiques sont : 1°) des normes culturelles standardisées pour chaque cours par un programme officiel, 2°) la volonté d'extension d'un style d'homme mis en possession de "ce qu'il n'est pas permis d'ignorer", 3°) un magistrocentrisme subséquent, 4°) la représentation des disciplines sur un mode atomistique et une progression imposée, 5°) le présupposé que le travail scolaire n'intéresse pas l'enfant et son déni du primat de la diversité des dons, 6°) l’obligation de mobiliser des leviers extrinsèques de type pressif, l’exaltation de l'effort ainsi que la transmission collective et simultanée de l'information.

251.

 Les critiques adressées à la didactique sont allées en se renforçant. Après la Seconde Guerre mondiale, leurs fréquence et violence s'accroissent, témoignant même d'une diversification quant à leur provenance. Par-delà leurs divergences idéologiques, tous s'accordent à reconnaître la fonction pathogénique de l'institution scolaire et la désuétude de ses méthodes.

252.

 G. Avanzini, Immobilisme..., op. cit., p.85.