Bref n°3

Ce troisième volet correspond au pôle formation du triangle heuristique autour duquel s’articule notre travail. Les précédentes parties ont sensibilisé au public visé (CL.I.S.) et à notre objet de recherche (faire aussi des sciences avec des élèves non ordinaires). Nous avons ici pensé un dispositif co-élaboratif inspiré du modèle en triptyque de J.- M. Monteil. Ce support aborde la question délicate de l’enseignement d’un savoir dominant auprès d’une population à la pensée troublée. Il s’inspire du modèle d’apprentissage de type allostérique proposé par A. Giordan et valorisé par son équipe du L.D.E.S.

Convaincu de l’existence d’un certain nombre de résistances au changement de pratique chez les maîtres spécialisés nous avons conçu puis mis en œuvre un stage « filé ». Le groupe retenu se compose de sept professeurs des écoles (CAPSAIS option D) du Puy-de-Dôme. Cette première intervention s’est déroulée sur la période allant de septembre 2001 à juin 2002, à raison de une réunion mensuelle de quatre heures. Le contenu passe successivement d’une animation en sciences destinée à des apprenants ordinaires à des productions concrètes ajustées à des élèves reconnus en situation de handicap.

Les ambitions de cette formation se recentrent autour de trois paris : 1) Faire évoluer les conceptions initiales des modèles d’apprentissage enseignants, 2) Voir progresser la qualité des préparations de séquence, 3) Enregistrer une évolution positive dans les conduites de classe. Le premier constitue un défi tant il conditionne les attentes qui suivent. Il s’agit de modifier des schémas explicatifs voire des postures puis d’en identifier les répercussions et de les mesurer. Trois outils ont été élaborés afin de mettre à jour les bénéfices apportés par notre dispositif : 1)Un questionnaire type Q-sort, 2) Une grille d’analyse des préparations appelée 4Sq, 3) Une grille d’observation des mises en œuvre baptisée 5Ob.

Notre premier instrument se compose de 51 items relatifs aux tâches d’un enseignant conduisant des activités scientifiques. Le suivant redistribue ces propositions pour retenir 15 indicateurs d’affiliation théorique. Le dernier opère également des liens entre les critères afin de dégager 21 indicateurs. Cette batterie de lecture valorise un examen de l’implicite enseignant autour de trois axes (« Apprenant », « Discipline », « Institution »). Elle s’attache à pointer d’une part la congruence existant chez les maîtres entre le déclaratif et l’effectif. D’autre part, elle quantifie les progrès réalisés dans la conception (préparations) puis dans l’action (classe).

L’animation a constitué la première étape. Le Q-sort a permis de chiffrer en comparatif l’inscription dominante A et D. L’écriture de 4 séquences (2 « bougie » et 2 « glaçon ») a été le deuxième moment de formation. La grille 4Sq a mis à jour une évolution globale positive. La mise en œuvre correspond au dernier temps du dispositif. La grille 5Ob atteste de nouveau d’un gain qualitatif global. Nous résumons les principaux résultats individuels sous forme d’un tableau mixte (nombres et codage évolution avec nuancier couleur - figure 33).

La centration est en accord avec l’attente 1 (conceptions) puisqu’elle se porte d’abord sur le pôle « Apprenant » puis sur celui « Discipline » (représentatifs du modèle allostérique). Les données confirment néanmoins un décalage persistant négatif entre le déclaratif et l’effectif.

Figure 3-33. Résultats individuels de formation en sciences
Figure 3-33. Résultats individuels de formation en sciences
  • Problème :

Cet écart insatisfaisant se retrouve au niveau des évaluations pourtant positives des pratiques (préparations puis conduites de classe). Il conviendra donc d’y palier avant les interventions suivantes.

  • Réponse :

Le formateur peut proposer aux enseignants un retour groupe sur cet implicite sous la forme d’un synoptique. Un document version transparent à projeter doit pouvoir éclairer sur l’inscription de chacun et sur l’orientation collective. Ce renvoi permettra de prendre directement conscience de dimensions cachées qui préexistent à toute activité, de leur diversité et de leur omniprésence. Un second retour doit être opéré une fois la première série de transpositions réalisées (cycle séquences « bougie »). Celui ci mettra l’accent sur la surestimation des affiliations théorico-pratiques au pôle AD (« Apprenants » - « Discipline »).

Les progressions des pratiques sont en accord avec les attentes 2 (préparations séquences) et 3 (mises en œuvre). Les données signalent toutefois un certain nombre de productions non rendues à l’écrit (séquences « bougie » et « glaçon »). Cela concerne trois enseignants (C – 1 NR, E – 1 NR et F – 2 NR).

  • Problème :

Cette perte d’information est invalidante tant elle compromet la qualité de l’évaluation et des retours précédemment envisagés. Lors, il conviendra là encore d’y palier avant de satisfaire à d’autres interventions.

  • Réponse :

Le formateur connaît les dédouanements généralement avancés (oubli, manque de temps, angoisse de la feuille blanche). Attendu qu’il s’agit d’un type filé, l’implication doit avoir ses exigences. Quand de telles excuses sont mobilisées l’animateur peut rappeler l’engagement initial et commun puis proposer un document offrant une trame générale (matériel, objectifs, compétences, étapes, évaluation). Ce dernier doit être rendu dans un délai raisonnable (une dizaine de jours) et le groupe qui en est informé patiente. En cas de récidive injustifiable, l’enseignant devra céder sa place à un collègue davantage motivé.

L’analyse des pratiques a également signalé une difficulté récurrente à valider deux indicateurs. Au niveau des préparations cela concerne une phase importante du déroulement (14 : entrée de l’expérience dans la classe) et d’accompagnement informel (15 : liaison école – famille). Au niveau des conduites de classe, ceci touche à la qualité de l’environnement expérimental (14 : activités parallèles, 15 : sollicitation s facilitatrices).

  • Problème :

Cette méconnaissance dans le protocole séquence (modélisé et actualisé) est inquiétante tant elle risque d’éloigner de l’esprit de la démarche recherchée. Il conviendra donc d’optimiser les transpositions espérées avant les interventions suivantes.

  • Réponse :

Le formateur sait combien l’information peut glisser à la surface des têtes. C’est d’ailleurs une des raisons de son choix en faveur d’un stage de type filé. Il n’est pas sans connaître également la nécessité d’une consistance subjectivement plausible pour transformer significativement les pratiques. Là encore, c’est ce qui motive son affiliation à un modèle privilégiant une dynamique systémique. Il peut envisager de procurer à chaque membre du groupe un document de synthèse sur la démarche d’apprentissage de type allostérique. Ce dernier doit allier références théoriques générales et exemples concrets. Il est ici possible de réaliser un récapitulatif articulé de deux ouvrages clés d’A.Giordan. Ce sont d’une part Le guide intitulé « Une didactique pour les sciences expérimentales » (1999) et d’autre part « Enseigner les sciences : comment faire pour que ça marche ? » (1987). Ce support servira de tremplin à des moments répétés de formation à travers une mise en débat. Ces derniers ouvriront sur des récapitulatifs consensuels et toujours illustrés par un vécu professionnel.

Nous en avons terminé avec cette partie qui fait lien entre recherche et action sur le terrain. Elle autorise dorénavant à retourner auprès de notre public particulier afin de leur proposer un enseignement signifiant en prise sur les sciences.