Favoriser quelque franchissement d’obstacle

Au vu de ce que retourne la classe, peu de concepts peuvent être réellement retenus. Ils touchent principalement à la topographie digestive ainsi qu’à la physionomie et à l’activité terrestres (voir l’exemple en infra). De là un éclairage qui se voit limité. D’un côté, on sensibilise à la mastication et à l’excrétion (biologie). De l’autre, on s’attache aux stabilisations de forme et d’espace (astronomie) puis, ultérieurement, de pesanteur.

En biologie, plusieurs séances ont favorisé l’accès aux premiers éléments de réponse. Des observations concrètes (mâcher de la mie de pain, etc.) et quelques expériences chimiques sur des aliments (dégradation/changement) ont incité à prendre conscience de certaines transformations dans la bouche (avec rôle des dents, de la salive, de la langue). La dissection d’un lapin a aidé au repérage des différents organes et a familiarisé avec l’idée de système (pas de coupure entre les deux extrémités). Les contenus respectifs de l’intestin grêle (aliments liquéfiés) et du gros intestin (excréments) ont sensibilisé à la notion de déchets. Il restait encore à bousculer la fermeture des esprits (résistance) manifestée devant l’obligation d’excrétion. Le groupe « impliqué » a alors proposé une progression intitulée « Pour vous aider à mieux comprendre le rôle de la digestion ».

Deux faux jumeaux (Bernard et Nathalie) s’occupent d’un cobaye (« Magdo ») qui dévore sans vraiment grossir. La fiche n° 1 (« situation pour tous ») interpelle la surprise des enfants en développant une conception de cumul alimentaire sur une quinzaine de jours.

Figure 4-19. Fiche questionnement
Figure 4-19. Fiche questionnement

Le décalage du résultat « conservation pure » (gain de 2,5 kg) avec la réalité (masse augmentée de 80 g) interroge. Cela conduit à formuler un certain nombre de conjectures (transformation invisible, consommation excessive, etc.). On propose ensuite une expérimentation pour mieux comprendre l’idée « d’entrée-sortie ». Il s’agit de mesurer ses propres variations pondérales durant 24 heures en prenant acte d’un apport quantifiable de nourriture.

À 11h 30min, chacun s’est pesé avant le repas pris en commun dans la salle de classe. Le poids de tous les aliments ingérés (liquide et solide) est ensuite noté (fiche ci-contre). Chaque résultat est ratifié par un partenaire (travail en binôme). Ce déjeuner en commun se termine vers 12h 15min. À 13h 30min, un autre relevé de la masse individuelle est effectué (ainsi qu’à 16h 15min, sur la suggestion d’un élève). Enfin, le lendemain, à 11h 30min, a lieu une dernière pesée pour chacun.

On procède à une première exploitation des données.

Figure 4-20. Fiche d’observations individuelles
Figure 4-20. Fiche d’observations individuelles

Après avoir constaté les variations interindividuelles de masse (corporelle), les enfants effectuent un calcul (somme pesante des aliments personnellement ingérés). Peu après, un tableau à double entrée (réalisé par l’enseignant) communique au collectif les nombres obtenus (masse initiale, ration alimentaire, et masse post collation). Un rapport est rapidement identifié : le gain lié au repas.Une autre colonne complète ensuite les résultats avec le poids relevé environ trois heures plus tard. La différence donne lieu à un débat qui permet la formulation d’un certain nombre d’hypothèses (défaut lié à l’instrument balance, transpiration en récréation, passage aux toilettes, transformation en muscles, etc.). Les derniers relevés (lendemain de l’expérience) donnent naissance à une quatrième colonne. Le retour approché à la masse de la veille surprend les enfants (« Pourtant Maître, on a mangé hier soir et ce matin ! »). C’est l’occasion d’échanger des idées, de reprendre les hypothèses émises antérieurement, de proposer d’autres activités.

Ce travail sur cobaye humain reviendra en première étape à distinguer la nourriture qui entre (consommée), celle qui est utilisée (absorbée), et celle qui est rejetée (excrétée). La dernière va permettre de revenir à la situation initiale.

Figure 4-21. Fiche tremplin
Figure 4-21. Fiche tremplin

L’action se poursuivra avec une réflexion collective sur la possibilité d’énoncer clairement ce qui a été (re)découvert activement (les contenus devront suivrent la diversité des conceptions). Un niveau de formulation est un énoncé devant correspondre à un seuil (dans l’abstraction) que l’on a atteint (figure 22). Il ne doit en aucune façon être confondu avec un niveau linguistique. Il constitue un « objectif conceptuel » (Giordan, de Vecchi 1989). L’idée visée quant à la digestion mécanique se réduit volontairement ici (spécificité du public) à une trajectoire en entrée-sortie avec premier passage organique obligatoire et double évacuation.

Figure 4-22. Fiche structuration
Formulation pour l’obstacle « absence d’excrétion »
Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3
(prévoir un codage par dessins)
Une personne va aux toilettes régulièrement. Elle perd ainsi un peu de poids.
Une partie des aliments entrés par la bouche sera rejetée dehors. L’anus et le sexe sont deux sorties visibles. La partie des aliments non digérés passe dans le gros intestin, avant d’être rejetée à l’extérieur par l’anus (matière solide) et par le sexe (liquide).

Des fiches de réinvestissement et de stabilisation (« situation pour soi ») consolideront les acquis. On insiste notamment sur une critique possible des illustrations proposées par les livres.

Figure 4-23. Fiche critiques
Figure 4-23. Fiche critiques

Une communauté de fonctionnement (registre animal) est également privilégiée (exemples).

Figure 4-24. Fiche réinvestissements
Figure 4-24. Fiche réinvestissements

L’ensemble, à renfort de confrontations (entre pairs, avec des documents, etc.) et de quelques perturbations (introduites par le maître) conduira progressivement à de nouveaux niveaux de formulation (implication cette fois des « organes-poches », autre objectif conceptuel).

En Astronomie, le principe adopté est le même (figure 25). La remédiation se fait parallèlement à des activités plus classiques (elles-mêmes informantes d’obstacles). On compte parmi celles-ci l’observation relevée (ciel-météo, alternance jour/nuit, phases lunaires, course du Soleil) et des simulations (rondes, mini-planétarium, géorama, célescope). On propose également des constructions (cadran solaire, boussole, etc.), et de petits questionnaires sur séquences vidéo (émissions « Tous sur Orbite », « E=M6 », « Contes de l’univers », etc.). On recourt par ailleurs à la symbolique du ciel comme à l’imaginaire de l’espace (mythologie et constellations, comparatif des lectures d’une civilisation à l’autre, projections modernes). On établit enfin des liens avec le temps humain (noms des jours de l’année, signification d’un mois et d’une année, rites sociaux).

Figure 4-25. Fiche renforcements
Figure 4-25. Fiche renforcements

Les fiches spécifiques pour l’écueil de la rotondité passe par une observation (rapportée) suivie par une simulation (collective). La première exploite un argument ancien (la forme d’un navire au large - figure 26). Elle s’inscrit en continuité avec une étude sur l’apparition de la vie dans l’eau. Le point de départ est un constat de femmes de marins.

Figure 4-26 : Fiche observation rapportée
Figure 4-26 : Fiche observation rapportée

On se sert de cette observation (si possible confortée par film) pour provoquer la réflexion sur la forme de notre planète (à l’appui de la vision différente avec une Terre plate - figure 27).

Figure 4-27. Fiche « monde plat »
Figure 4-27. Fiche « monde plat »

Le décalage (à rendre concret avec carton et modèle réduit) est ensuite lesté d’un vécu-boule (cette fois avec gros ballon de plage, bateau pliage et figurine - figure 28).

Par tâtonnements successifs, les élèves découvrent ce que l’on peut seulement voir du voilier (notion de champ de vision). Sur la fiche récapitulative, on structure cela en dessinant en pointillés ce que les yeux saisissent.

Figure 4-28. Fiche récapitulative
Figure 4-28. Fiche récapitulative

On revient autant de fois que nécessaire aux manipulations à plus petite échelle. Ce que les femmes de marins ont remarqué (disparition morceau par morceau) s’explique donc en ramenant à de plus grandes proportions (on peut jouer un temps sur la taille du ballon).

Cette responsabilité de la forme planétaire va se confirmer avec une autre observation (figure 29).

Figure 4-29. Fiche anticipation
Figure 4-29. Fiche anticipation

Il convient (« situation pour soi ») de réfléchir et de dire ce qui se verra chronologiquement (un détour par la situation maquette – plateau, ballon, véhicule en modèle réduit - est autorisé).

Figure 4-30. Fiche ordre d’apparition
Figure 4-30. Fiche ordre d’apparition

On fera ensuite varier la forme des objets (navire et camion) puis on alternera le sens du déplacement (départ-arrivée, disparition-apparition), voire la position du sujet (assis, allongé). On reprendra les deux cas de figure (en synthèse notions-images) pour relancer sur de nouveaux. Le lien avec l’espace peut s’envisager avec la perception d’une étoile ou d’une constellation à différents endroits de l’hémisphère (actuellement à l’étude). Le concept de gravitation doit également donner lieu à une sensibilisation concrète et évolutive (en cours de réalisation).

Là encore, l’action se poursuit avec une réflexion collective sur la possibilité d’énoncer clairement ce qui a été (re)découvert activement (figure 31). Nous distinguons cette fois deux étapes dans notre « objectif conceptuel » (planète boule en mouvement dans un système étoile). On remarquera que ce dernier, contrairement à ce qui se passait avec la digestion, finit par rejoindre les concepts approchés (forme et espace).

Figure 4-31. Fiche formulation
Figure 4-31. Fiche formulation

Les instruments et démarches étant explicités, voyons quels effets sont mesurables (préoccupation n° 3 de l’initiative).