1. Le Rouergue, un pays rude, de forte vitalité religieuse

Au sud du Massif central, l’antique province du Rouergue faisait partie avant la Révolution du Languedoc, pays d’état 36 . A partir de 1790, les limites du département de l’Aveyron ont coïncidé à peu près avec celles de l’ancienne province du Rouergue. Ce pays présente une succession de plateaux rocheux, entrecoupés de profondes vallées : géographie sauvage qui, de l’Aubrac aux Ségalas, du Levezou aux Causses,  a donné naissance à un monde original. Ici, la pierre est partout, l’eau nulle part, perdue dans ses cheminements secrets 37  ; il s’agit d’un pays rude qui a forgé les hommes à son image.

La famille de Bonald habitait un hôtel particulier à Millau 38 , ville située au confluent du Tarn et de la Dourbie et cité du gant d’agneau depuis le XIIe siècle. Louis de Bonald résidait aussi parfois avec sa famille au château du Monna où il était né3. Le village du Monna, dominé au nord par le Causse noir, se trouve sur la rive droite de la Dourbie, six kilomètres à l’est de Millau 39 . A partir du Monna commencent les énigmes d’hydrologie souterraine et d’archéologie avec par exemple la source du Riou – Ferrand, se trouvant juste en face du château du Monna 40 .

Mgr de Bonald resta très attaché à son pays natal dont il aimait les belles et poétiques montagnes et il a fait tous les ans le pèlerinage au berceau de sa famille, tant que ses forces le lui ont permis 41 . Les gens du pays qui l’appelaient le bon cardinal, parlaient avec lui la langue d’oc. Les Millavois (habitants de Millau) n’étaient pas les seuls à se flatter de retrouver un des leurs pourvu des hautes fonctions ecclésiastiques. En effet, l’Aveyron était un pays riche en vocations, gros fournisseur d’évêques puisqu’à l’époque concordataire (1802-1905), il y eut dix-neuf évêques originaires de l’Aveyron 42 dont certains devinrent archevêques comme Mgr Giraud, archevêque de Cambrai de 1842 à 1850 et Mgr Affre, archevêque de Paris de 1840 à 1848. L’Aveyron était le deuxième département après la Seine à avoir autant de ressortissants, membres de l’épiscopat 43 . Le recrutement sacerdotal était particulièrement élevé en Aveyron : le diocèse de Rodez comptait en 1880 un prêtre pour trois cent cinquante habitants et contribuait aux besoins d’autres diocèses comme ceux de Paris et de Toulouse, et aux besoins des missions. En 1872, le nombre de pascalisants était encore évalué à quatre vingt deux pour cent de la population 44 . La ville de Millau, pour sa part, avec une main d’œuvre locale, était plus pratiquante bien que plus ouvrière que Villefranche de Rouergue. En tout cas, le Rouergue fait partie de ces régions de forte vitalité religieuse qui encerclent le Massif central par le sud et l’est, du Pays basque au Jura. Le pape Pie IX n’appelait-il pas le diocèse de Rodez, “cette Bretagne du midi” 45  ? Demandons-nous si la famille du futur archevêque de Lyon, Maurice 46 de Bonald, correspond bien à l’image flatteuse des Rouerguats donnée par le pape Pie IX.

Notes
36.

Le Languedoc possédait des états provinciaux chargés de voter, répartir et lever l’impôt.

37.

Jean GIRBAS, “Le meilleur guide du Rouergue est sa mémoire”, Géo, n°190, décembre 1994, pp. 129 et 137.

38.

Témoignage de M. Jean de Bonald, descendant collatéral du cardinal de Bonald, actuel propriétaire du château.

39.

Voir la photographie dans les annexes du T.2 de la thèse.

40.

E. A. MARTEL, Millau capitale des Causses,canyons et cavernes ,impr .Artières à Millau,1925, 512 p.( p. 37-38).

41.

Anonyme, Vie de son éminence le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, Briday, Lyon, 1870, 198 p. (p. 10). (A.M. de Lyon, cote : SM 861).

42.

J.O. BOUDON, L’épiscopat français à l’époque concordataire (1802-1905), Le Cerf, Paris, 1996, 589 p. (pp. 28-29).

43.

Ibid., carte p. 28. Il y en eut autant qu’en Haute-Garonne mais plus que dans le Rhône (17).Parmi les dix-neuf évêques aveyronnais, six le sont devenus sous la Restauration dont Mgr de Bonald. (Ibid., pp. 28 et 31).

44.

G. CHOLVY et Y.M. HILAIRE (dir.), Histoire religieuse de la France – géographie XIX e – XX e siècle, Privat, 2000, 255 p. (p. 82).

45.

Ibid., p. 69.

46.

On lui a sans doute attribué ce prénom car son père se prénommait déjà Louis.