2. Une famille vertueuse appartenant à l’ancienne noblesse

La famille de Bonald appartient à la petite mais ancienne noblesse du Rouergue. Le nom de Bonald est connu en Rouergue depuis le XIIe siècle. La Maison de Bonald prouve sa filiation 47 depuis Jean de Bonald, qui vivait vers 1400. En 1505, Jean II de Bonald, seigneur de Concourès, reçut des Lettres Dressantes données à Blois par le roi, reconnaissant qu’il est “noble et de maison noble et qu’il doit jouir des privilèges attachés à cette qualité 48 ”. Du XVIe au XXe siècle, la famille de Bonald a toujours habité à Millau.

Maurice de Bonald était le sixième enfant 49 du vicomte Louis de Bonald et de Elisabeth de Guibal de Combescure qui était originaire du Vigan dans le Gard et appartenait à une des plus anciennes familles du Languedoc. Le frère aîné de Maurice, Henri, fut journaliste et son autre frère, Victor, fut publiciste, recteur de l’académie de Montpellier de 1814 à 1830 et, comme son père, écrivit des ouvrages de philosophie 50 . Leur sœur, Elisabeth, épousa Louis d’Arnal de Serres et un de leurs enfants, Gustave, devint plus tard vicaire général de l’archevêque de Lyon, son oncle.

Le père du futur archevêque, Louis de Bonald, était devenu mousquetaire du roi après ses études au collège des oratoriens de Juilly. Il le resta jusqu’à leur suppression, en 1776. Ensuite, revenu dans sa ville natale, il fut nommé maire de Millau 51 en 1785 par l’intendant du roi. Il accueillit favorablement les tout débuts de la Révolution, aussi fit-il la transition entre les institutions de l’Ancien Régime et celles de la Révolution : il fut élu maire de Millau en 1790 et devint la même année membre de l’assemblée du département puis sans doute fut-il suffisamment estimé pour devenir président de l’assemblée départementale. Mais il démissionna après que l’assemblée nationale eût voté la Constitution civile du clergé 52 en juillet 1790 et que le roi l’eût acceptée en décembre de la même année. L’argumentation qu’il développe dans sa lettre de démission, montrant son entière soumission à la seule autorité qu’il reconnaisse, celle du pape, laisse augurer la doctrine religieuse qu’il développera par la suite, basée sur une seule Constitution valable, la Constitution primitive et naturelle issue de Dieu : l’assemblée, dit-il, a décrété des changements dans la discipline ecclésiastique que le roi a sanctionnés mais “le chef de l’Eglise se tait, mais les premiers pasteurs rejettent unanimement ces innovations. Et moi, à qui il est commandé de croire, et non de décider, j’irais prévenir la décision du chef de l’Eglise, braver l’opinion unanime de mes pasteurs … 53 ”. Dès lors, il avait rompu avec le nouvel ordre politique. Après sa démission, sur les instances de sa famille qui craignait pour ses jours, il se décida à émigrer en octobre 1791. Sur la route de l’exil, son fils Victor a témoigné plus tard avec émotion de l’attachement de son père à la foi de ses ancêtres : ayant trouvé un crucifix avec l’inscription “au Dieu consolateur”, il fit devant cette image, un halte à genoux entre ses fils 54 . Le père Caussette qui rappelait ce témoignage lors de l’oraison funèbre du cardinal de Bonald qu’il prononça en la primatiale Saint-Jean à Lyon, associa aussi Madame de Bonald à cet éloge, car celle-ci avait forgé l’âme du futur cardinal pendant l’absence de son mari.

Notes
47.

Cette filiation est prouvée par des titres, des actes publics visés dans le jugement de maintenue en noblesse rendu le 28 janvier 1698 en faveur de noble Honoré de Bonald et par les actes de l’Etat-Civil [J. VILLAIN, Généalogie de la Maison de Bonald - Extrait de la France moderne, T. III, Montpellier, 1910, p. 6. Voir la généalogie simplifiée de la famille dans les annexes du T.2 de la thèse.

48.

J. VILLAIN …, p. 6.

49.

Un garçon qui avait les mêmes prénoms était mort peu de temps avant la naissance de Maurice et deux autres filles moururent en bas âge en 1790 et 1793.

50.

Anonyme, Vie de son éminence le cardinal de Bonald …, p. 7.

51.

Gérard GENGEMBRE, “Bonald Louis, vicomte de (1754-1840)”, in Jean-Pierre de BEAUMARCHAIS et alii (dir.), Dictionnaire des écrivains de langue française, Larousse, 2001, T. 1, 1056 p., (pp. 225-226).

52.

Il avait déjà critiqué la déclaration des droits de l’homme de juillet 1789 avec véhémence en soulignant qu’un droit n’était qu’une idée génératrice d’anarchie et il prônait une déclaration des devoirs (Colette CAPITAN PETER, Bonald (Louis-Ambroise de), 1754-1840, in Encyclopaedia Universalis, 1989, Corpus 4, 1055 p. [p. 332]).

53.

L. DE MONTESQUIOU, Le réalisme de Bonald, Nouvelle librairie nationale, Paris, 1911, 248 p. (p. 19).

54.

Oraison funèbre du cardinal de Bonald prononcée par le père Caussette au service solennel de Quarantaine dans la primatiale Saint-Jean, à Lyon, en avril 1870, Bauchu, Lyon, 1870, 62 p. (pp. 10 et 11).