1. A l’école du cardinal Fesch

Nous avons vu que l’abbé de Bonald est rentré à la grande aumônerie à la suite de sa réception au sous-diaconat : le cardinal Fesch l’avait demandé à M. Emery, supérieur de Saint-Sulpice, pour l’attacher à la grande aumônerie en qualité de clerc de la chapelle impériale ¹¹¹ . Or, Gaston de Sambucy, curé des Carmes, à Paris, avait été sollicité par le cardinal Fesch, dès l’organisation de la grande aumônerie impériale, en 1804, pour devenir directeur de la chapelle de l’empereur ¹¹² et, en cette qualité, présida à l’ordonnance du sacre de Paris le 2 décembre 1804 et de celui de Milan en mai 1805 ¹¹³ .Dans ces conditions, on comprend que Gaston de Sambucy ait pu proposer au cardinal Fesch que le jeune abbé de Bonald fasse partie de la grande aumônerie. Si le grand aumônier a des pouvoirs étendus ¹¹⁴ et si le directeur de sa chapelle a des fonctions importantes, les clercs de la chapelle ont surtout une fonction honorifique, aussi l’abbé de Bonald choisit, comme premier apostolat, pour occuper ses loisirs, la charge d’aumônier de la Salpétrière ¹¹⁵ . Il suivait ainsi les traces des premiers Jésuites et des Pères de la foi qui, après leur arrivée à Paris en 1800, s’étaient dévoués au service des milliers de malades de cet hôpital ¹¹⁶ . L’abbé de Bonald tomba gravement malade en exerçant cet apostolat après avoir confessé un soldat qui devait avoir le typhus. Son rétablissement fut long et sa santé en subit par la suite des séquelles. L’abbé de Bonald s’adonnait aussi à l’œuvre des catéchismes ¹¹⁷  : il était au nombre des zélés catéchistes de Saint-Sulpice et de Saint-Thomas d’Aquin. Il confirmait par là l’estime et la confiance que lui accordaient les responsables du séminaire parisien, qui avait l’habitude de confier aux meilleurs élèves le soin des catéchismes de persévérance de la paroisse voisine de Saint-Sulpice ¹¹⁸ .

Si Gaston de Sambucy put favoriser l’entrée de son parent à la grande aumônerie du cardinal Fesch, ce dernier a apprécié rapidement l’abbé de Bonald à qui il a demandé à plusieurs reprises de l’accompagner à Lyon, au siège de son archevêché. Sans doute Maurice de Bonald a-t-il d’autant plus fait confiance au cardinal Fesch que ce dernier avait de bonnes relations avec M. Emery. Le supérieur de Saint-Sulpice avait été le répondant moral de l’archevêque de Lyon nommé par Bonaparte. En effet, Fesch avait abandonné son sacerdoce pendant près de dix ans et le supérieur de Saint-Sulpice lui avait réappris l’esprit de son état et une amitié s’était nouée entre le prélat et le sulpicien ¹¹⁹ . Malgré ses fonctions d’ambassadeur de France à Rome de 1803 à 1806 et de grand aumônier, que lui avait confiées son neveu, le cardinal Fesch faisait des séjours plus ou moins longs dans son diocèse afin de le réorganiser et d’y établir une vie religieuse plus sereine après les troubles provoqués par la période révolutionnaire : les quelques jours qu’il passa à Lyon en avril 1810 lui permirent de jeter les bases du refuge Saint-Michel en achetant une maison à la nouvelle communauté ¹²⁰  ; au cours de l’été 1811, après l’échec du concile de Paris réuni par Napoléon, qui voulait se passer du pape pour donner l’institution canonique aux évêques ¹²¹ , le cardinal, qui avait reçu l’ordre de son neveu de se retirer dans son diocèse, en profita pour y effectuer un séjour qui se prolongea jusqu’à la première abdication de l’empereur, en avril 1814. Après avoir visité son séminaire, il prit des mesures contre des Jansénistes et des anticoncordataires et au début de l’année 1813, accompagné par l’abbé de Bonald ¹²² , il entama une longue tournée pastorale en visitant de nombreuses paroisses de l’Ain. Il ne rentra à Lyon qu’au mois de juin et s’installa dans sa villa des Chartreux où il voulait établir aussi une maison des missions et une école de hautes études. Après avoir réglé un problème délicat concernant un membre de son officialité métropolitaine qui avait infirmé une décision de l’officialité diocésaine de Chambéry, il partit pour une tournée de confirmation dans le Beaujolais. Ainsi, en suivant le cardinal Fesch, l’abbé de Bonald pouvait apprécier les combats qu’il menait contre son neveu pour défendre les libertés de l’Eglise, les mesures à prendre pour administrer un diocèse particulièrement vaste et vérifier l’état des paroisses au cours des visites pastorales et tournées de confirmation.

L’abbé de Bonald apprit aussi du cardinal Fesch qui collectionnait les livres et les tableaux, le goût pour l’art et les chefs d’œuvre. Il devint curieux de fantaisies de prix et de productions classées. Devenu archevêque de Lyon, il a enrichi le trésor de la sacristie de la cathédrale Saint-Jean de plusieurs pièces rares d’orfèvrerie ancienne : croix processionnelles, bénitiers d’ivoire etc. et il y déposa des manuscrits précieux par leurs enluminures ¹²³ . Il fut d’ailleurs en relations suivies avec un orfèvre de Paris, Poussielgue – Rusand, qui lui proposa en 1864, un autel émaillé pour sa cathédrale. Mais il ne put le commander car le trésorier de son conseil de fabrique lui objecta les problèmes financiers de la fabrique ¹²⁴ . On s ‘étonnera moins, dès lors, de la splendeur des cérémonies religieuses qui eurent lieu dans la Primatiale au cours de son épiscopat : ornements d’une richesse incomparable, mitres ornées de pierres précieuses, agrafes de chape en or ciselé ¹²⁵ . Le cardinal de Bonald a tenu à la pompe lorsqu’il est paru en prince de l’Eglise mais lui-même avait à peine une soutane de rechange.

On ne sait pas quand l’abbé de Bonald prit congé du cardinal Fesch qui dut ruser pour ne pas devenir prisonnier des Autrichiens en février 1814, alors qu’il s’était réfugié chez les religieuses de Pradines ¹²⁶ , près de Roanne. Lorsque le cardinal quitta finalement la France pour l’Italie, avec sa sœur, en avril 1814, Maurice de Bonald ne pensait probablement pas qu’il pourrait lui rendre visite quelques mois plus tard à Rome.