Dans une lettre pastorale au clergé du 10 juin 1828, Mgr de Bonald affirme qu’il a “inondé les saints autels de larmes de joie lorsque le ciel nous rendit les Bourbons et rendit avec eux à l’Eglise de France sa véritable liberté 160 ”. Il justifie dans cette lettre son attachement à la branche royale aînée en disant qu’il faut respecter et obéir “aux dépositaires de l’autorité de Dieu” puisque “toute puissance vient de Dieu”. Mais son attachement aux Bourbons est allé plus loin, au cours de son épiscopat au Puy qu’une simple consigne d’obéissance à l’autorité établie par Dieu. Certains anniversaires et événements marquants furent l’occasion d’affirmer son légitimisme. Ainsi, le 13 janvier 1824, un mandement de Mgr de Bonald ordonna un service solennel pour le 21 janvier suivant, dans les églises du diocèse, jour anniversaire de la mort de Louis XVI 161 . Dans ce mandement, il insiste surtout sur la condamnation de la philosophie “des lumières” et des théories révolutionnaires en vouant “une haine éternelle aux doctrines de la révolte, aux maximes de l’anarchie, aux principes d’une séditieuse philosophie”. L’année suivante, quand le comte d’Artois devint Charles X, Mgr de Bonald fut invité par lettre close au sacre à Reims, qui fut célébré le 29 mai 1825 et il profita de l’événement pour rappeler à Charles X l’habitude de ses prédécesseurs d’offrir à Notre-Dame du Puy un gage de leur dévotion ; le roi répondit en envoyant deux épistoliers richement décorés 162 . A la fin du règne de Charles X, lors de l’expédition d’Alger, en juillet 1830, l’évêque du Puy défend l’honneur du drapeau blanc de l’armée royale : “Il est glorieux d’avoir arboré sur les remparts d’une ville vaincue, le drapeau sans tache qu’elle avait outragé 163 ”.
Par ailleurs, Mgr de Bonald était très lié avec le Prince Jules de Polignac qui a dirigé un ministère ultraroyaliste, à partir d ‘août 1829. Ce dernier, qui était une grande personnalité politique de la Haute-Loire où sa famille possédait des châteaux, dînait à l’évêché lors de ses visites au Puy et il accompagnait l’évêque dans les établissements de religion et d’éducation 164 . Rien d’étonnant, donc, si Mgr de Bonald a appelé sur les membres du gouvernement Polignac “l’esprit d’intelligence qui leur apprendra tout ce qui peut dans des temps difficiles, ranimer le zèle des tièdes et réprimer la turbulence des méchants 165 ”.
Son attachement aux Bourbons a même amené l’évêque du Puy à accepter sa participation directe à la vie politique en présidant en décembre 1823 le collège électoral du Puy, même s’il était “éloigné par goût comme par son ministère du tumulte des affaires politiques 166 ”. Toutefois, tout en montrant dans son discours aux électeurs, des Bourbons “tels que nos aïeux les avaient connus, sages et cléments sur le trône, vaillants à la tête des armées”, il s’inquiète tout de même que la manifestation solennelle de ses opinions “n’altère la bienveillance dont il a reçu mille preuves depuis son arrivée dans le département11”. Mais, son légitimisme est suffisamment ardent pour que, jusqu’à la fin de la Restauration, il prenne parti pour les candidats légitimistes sans les nommer, mais en les désignant clairement au nom de l’alliance du trône et de l’autel 167 . Il intervient même directement dans la lutte politique en écrivant aux candidats et leur conseillant les meilleures solutions pour que des députés ultraroyalistes soient élus, déplorant à l’occasion les positions du ministère et du préfet de la Haute-Loire. Après la dissolution de la chambre, le 16 mai 1830, et le renvoi des députés devant leurs électeurs, l’intervention de Mgr de Bonald dans la campagne électorale a été encore plus vigoureuse, d’autant plus qu’il soutenait cette fois le même candidat, Monsieur de Becdelièvre, que le préfet, alors que certains ultras préféraient s’abstenir, faute d’un candidat à leur convenance. Il faut dire que les enjeux étaient importants puisque l’intérêt de l’Eglise, le sort du gouvernement et les convictions personnelles de l’évêque du Puy paraissaient liés en cette circonstance. Les deux lettres que Mgr de Bonald écrivit en juin 1830 à La Rochenégly, personnalité ultraroyaliste influente de la Haute-Loire, montre bien en tout cas qu’il veut user de toute son influence pour sauver la religion et le roi. Dans sa première lettre, il affirme qu’il y aurait péché (mot souligné) à ne pas voter et il lui demande, malgré ses répugnances qu’il comprend, de voter pour M de Becdelièvre. La première lettre étant restée sans effet, il lui écrivit un deuxième lettre encore plus pressante : “c’est un devoir rigoureux dans cette circonstance de voter pour le candidat du roi, tellement rigoureux que je crois qu’un confesseur devrait refuser l’absolution à un pénitent qui refuserait de son côté de concourir à l’élection désirée par le gouvernement 168 ”.
Les interventions de Mgr de Bonald ne rencontrèrent pas le succès escompté et de toute façon, trois semaines plus tard, les ordonnances de Charles X allaient provoquer rapidement la fin de son règne et de l’histoire de la Restauration. La pression morale exercée par Mgr de Bonald sur certains électeurs a été particulièrement forte en 1830, parce qu’il avait sans doute l’intuition que des changements politiques majeurs pouvaient se produire, remettant en cause l’équilibre idéal qu’il souhaitait entre l’Eglise et la monarchie. Mais, sans doute avait-il aussi tiré déjà des conclusions à partir des échecs de certaines de ses interventions et était-il amené à avoir des positions plus conciliantes qu’il devra confirmer après le changement de dynastie en 1830. Mais, auparavant, interrogeons-nous sur ses prises de position concernant les relations entre l’Eglise et l’Etat.
A.D. Haute-Loire. Pourtant, dans cette lettre, l’évêque critique énergiquement l’ordonnance du ministre Martignac qui remet en question l’inspection des écoles primaires par les évêques.
A.D. de la Haute-Loire.
A. RIVET, Les rapports entre autorités ecclésiastiques et autorités civiles dans le diocèse du Puy pendant l’épiscopat de Maurice de Bonald (1823-1840) …, p. 25.
Mandement du 14 juillet 1830 pour ordonner un Te Deum en action de grâces à l’occasion de la prise d’Alger du 4 juillet 1830 (A.D. Haute-Loire).
A. RIVET, Les rapports entre autorités ecclésiastiques et autorités civiles dans le diocèse du Puy pendant l’épiscopat de Maurice de Bonald (1823-1840) …, p. 29.
Mandement du 21 novembre 1829 pour le jubilé universel (A.D. Haute-Loire).
Discours prononcé par Mgr de Bonald, président du premier collège d’arrondissement du département de la Haute-Loire, le 23 décembre 1823. (B.M. du Puy, Fonds Cortial : 4483).
A. RIVET, La vie politique dans le département de la Haute-Loire de 1815 à 1974, Thèse pour le doctorat d’Etat, 1979, éditions des cahiers de la Haute-Loire, 643 p. (p. 318).
J. MERLEY, “Elections et querelles politiques en Haute-Loire sous la Restauration”, in Religion et politique. Les deux guerres mondiales. Histoire de Lyon et du sud-est. Mélanges offerts à Mr le doyen André Latreille, Audin, 1972, 624 p. (pp. 543 à 546).