II. Pour le service de l’Eglise, quel type d’intransigeance ?

Revenons sur la portée du séjour de Mgr de Bonald à Rome de mai à juillet 1839 : en se montrant fidèle, par sa visite “ad limina , à l’enseignement du concile de Trente et à la reconnaissance de l’autorité papale, il faisait partie des quatre évêques français ayant envoyé leur rapport à la congrégation du concile cette année-là 194 , alors que cette habitude avait été presque complètement abandonnée par l’épiscopat français du XVIIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle. En voulant assister à la canonisation d’Alphonse de Liguori, Mgr de Bonald faisait aussi partie de ceux qui remettaient en cause, en quelque sorte, une autre exception française en matière de théologie morale, puisque le clergé français suivait beaucoup plus, à l’époque, une morale rigoriste que la morale liguorienne 195 . Mgr de Bonald figure donc parmi ceux qui ont commencé à intensifier les relations entre la capitale du Saint-Siège et les forces vives du catholicisme en France au moment où le catholicisme “intransigeant” né avec la Révolution, s’affirmait avec Grégoire XVI et la condamnation de Lamennais 196 . Il faut donc nous demander comment l’évêque du Puy se situe par rapport à l’intransigeance de l’Eglise qui, globalement, sous-entend que la foi chrétienne est principe de vérité absolue et que le catholicisme présente un système de vie et de pensée qui répond à tous les besoins de la société moderne 197 . Pour répondre à ces questions, nous verrons successivement quelles furent ses prises de position par rapport à Lamennais, puis nous examinerons ses relations privilégiées avec les Jésuites, et enfin nous verrons quel apostolat il a instauré en direction des protestants de son diocèse.

Notes
194.

Il s’agissait, outre Mgr de Bonald, de Mgr de Marguerye, évêque de Saint-Flour, de Mgr de Bruillard, évêque de Grenoble et de Mgr Villecourt, évêque de La Rochelle. Les années précédentes, seuls, l’évêque de Luçon, en 1830 et 1835, les évêques de Versailles et de Dijon, en 1836 et 1837, avaient envoyé leur rapport à Rome. L’année 1839 marque donc le véritable début de la reprise des relations de visites “ad limina” des évêques français.(Ph. BOUTRY et B. VINCENT (dir.), Les chemins de Rome. Les visites ad limina à l’époque moderne dans l’Europe méridionale et le monde hispano-américain du XVI e au XIX e siècle, Ecole française de Rome, 2002, 273 p. [pp. 249 à 262] ).

195.

Le napolitain Alphonse de Liguori (1696-1787), fondateur de la congrégation des rédemptoristes, voulait abattre les barrières entre le peuple et la fréquentation des sacrements, en particulier l’Eucharistie qu’il considérait comme le moyen d’une régénération morale et non comme une récompense pour le fidèle, comme le pensaient les rigoristes (G. CHOLVY et Y.M. HILAIRE (dir.), Histoire religieuse de la France (1800-1880), …, p. 179 et suivantes).

196.

J.M. MAYEUR, “Catholicisme intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne”, Annales Economie, Société, Civilisation, mars-avril 1972, p. 485.

197.

M. GUASCO, “Intransigeantisme, libéralisme et modernisme” in EmilePOULAT – Un objet de science, le catholicisme, Bayard, 2001, 364 p. (p. 242).