III. Des saint-simoniens aux fouriéristes : Lyon, capitale du socialisme utopique

Le mot socialisme est né à la même époque en Italie, en Angleterre de même qu’en France où il a été utilisé d’abord dans la correspondance saint-simonienne, vers 1832. Avec le britannique Owen, Saint-Simon (1760-1825) et Fourier (1772-1832) apparaissent comme les fondateurs de ce socialisme, mais l’œuvre des deux Français a été prolongée et réinterprétée par des successeurs, Enfantin (1796-1864) pour le premier, Considérant (1808-1893) pour le second, qui ont fondé des Ecoles 1357 . A côté de ces Ecoles et, parfois, parmi leurs dissidents, il y eut d’autres auteurs et courants socialistes dont les plus influents dans la région lyonnaise ont été Philippe Buchez (1796-1865), Flora Tristan (1803-1844), Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) et Etienne Cabet (1788-1856) 1358 . Les doctrines très diverses de ces théoriciens socialistes ont été qualifiées d’utopiques parce que des économistes libéraux comme Louis Reybaud ou même des socialistes comme Proudhon, critiquant d’autres théories socialistes, saint-simoniennes et fouriéristes, les ont considérées comme telles 1359 . Les socialistes utopiques voulaient des projets de transformation radicale de la société et apporter des réponses plus satisfaisantes que celles des penseurs officiels au problème de l’asservissement des plus faibles provoqué par le libéralisme économique et à celui du paupérisme ouvrier. Quelle a été l’influence sur les ouvriers de ces socialistes, d’origine modeste comme Proudhon, ou bourgeoise comme Cabet et qui, pour certains d’entre eux, se sont rencontrés à Lyon au début des années 1840 ? En quoi les doctrines socialistes pouvaient-elles répondre aux espoirs non seulement des ouvriers mais aussi des ouvrières particulièrement nombreuses dans les villes touchées par l’industrie ? Quelle était la position de ces doctrines qui se référaient souvent à l’évangile, par rapport à l’Eglise catholique ? Pourquoi y eut-il des relations particulières entre les buchéziens, appelés socialistes chrétiens, et les fouriéristes d’une part, et les catholiques d’autre part ?

Notes
1357.

Henri MALER, article sur le socialisme utopique, in Michèle RIOT-SARCEY, Thomas BOUCHET et Antoine PICON, Dictionnaire des utopies, Larousse, 2002, 284 p. (p. 205).

1358.

On pourrait ajouter à ces noms celui de Félicité de Lamennais dont nous avons déjà noté le soutien qu’il avait apporté aux canuts lors des insurrections de 1831 et 1834. Comme les socialistes, Lamennais était favorable à l’association et son ouvrage ,“Les paroles d’un croyant”, avait forgé l’image d’un “Jésus” ami des pauvres et des opprimés. Toutefois, Lamennais reprochait aux socialistes leur athéisme et leurs idées religieuses erronées.

1359.

Henri MALER, in Michèle RIOT-SARCEY…, Dictionnaire des utopies …, pp. 206-207.