II. Pauline Jaricot implique de jeunes ouvrières dans son entreprise missionnaire

Après un déclin des missions catholiques à la fin du XVIIIe siècle 1647 , on assiste en France, au début du siècle suivant, à une renaissance de l’idée missionnaire. Les prêtres, émigrés pendant la Révolution, qui, parfois, sont devenus missionnaires, ont provoqué un renouveau de l’esprit apostolique. De plus, le “Génie du christianisme” (1802) de Chateaubriand, a réhabilité les ouvrages des missionnaires. A Paris, les directeurs les Missions Etrangères, tout juste reconstituées, cherchent à obtenir, comme en Angleterre, une aide financière permanente par le versement d’un ou deux sous par semaine pour leurs missions et s’efforcent d’informer le public 1648 . A Lyon, l’abbé Linsolas qui, déjà en 1788, avait organisé une société de jeunes filles pour la prière et la charité missionnaire, divisée en trois classes 1649 , érigea, pendant la Révolution, le diocèse en missions, ce qui donna à ses collaborateurs itinérants, une vision de l’Eglise dépassant le cadre paroissial. Après sa conversion au total amour de Dieu 1650 , Pauline Jaricot (1799-1862) qui, comme les autres congréganistes, devait rechercher le salut et la sanctification du prochain, se situa également dans une perspective missionnaire. En 1817, elle forma une groupe de jeunes ouvrières, les “Réparatrices du cœur de Jésus méconnu et méprisé”, appelées à travailler par la sainteté de leur vie, à la rechristianisation de la France 1651 . Elle s’adressa aux dévideuses, ourdisseuses et peigneuses de son quartier des Terreaux 1652 , qui furent subjuguées par elle. Elle exerça également son apostolat, à partir de 1818, auprès des 200 jeunes ouvrières qui travaillaient dans l’usine de tissus de soie de son beau-frère, M. Chartron, à Saint-Vallier, dans la Drôme. Préoccupée de leur trouver du travail, Pauline envoya dans l’usine “des pauvres filles tirées des rues de Lyon”, mais, d’après le témoignage du vicaire de Saint-Vallier, “il fut impossible de les dresser au bien 1653 ”. Ce furent les “Réparatrices” et les ouvrières de Saint-Vallier, qui furent les premières, sollicitées pour prier et collecter une petite aumône, chaque semaine, en faveur des missions 1654 .

Notes
1647.

Parmi les causes de ce déclin, il faut souligner les coups portés par les gouvernements et les philosophes contre la Compagnie de Jésus, qui manifestait un grand dynamisme missionnaire et qui a été supprimée par le pape Clément XIV en 1773. [Yannick ESSERTEL, L’aventure missionnaire lyonnaise – 1815-1962, Le Cerf, 2001, 427 p. (pp.13-14) ]. Il faut tenir compte également de la concurrence des sociétés de missions protestantes anglaises.

1648.

Ils ont publié, de 1818 à 1823, huit tomes des Nouvelles Lettres Edifiantes des Missions de la Chine et des Indes Orientales. (J.C. BAUMONT, “La renaissance de l’idée missionnaire en France au début du XIXe siècle”, in Les réveils missionnaires en France du Moyen Age à nos jours – XII e -XX e siècles, Actes du colloque de Lyon – 29-31 mai 1980, Beauchesne, 1984, 423 p. (pp. 202-209).

1649.

Jacques GADILLE (dir.), Histoire des diocèses de France. Le diocèse de Lyon …, p. 188. Voir aussi le début du chapitre IV évoquant l’Eglise clandestine de Linsolas.

1650.

Voir la fin du chapitre II.

1651.

Henri HOURS, “Pauline Jaricot fondatrice”, in Gérard CHOLVY, La religion et les femmes, Centre régional d’histoire des mentalités – Université Paul Valéry, Montpellier, 2002, 287 p. (p. 115). Au désir d’imiter Jésus-Christ, vient s’ajouter un courant mystique de réparation qui s’en prend aux blasphémateurs et aux impies. (G. CHOLVY (dir.), Histoire religieuse de la France – 1800-1880 …, p. 197).

1652.

Pauline Jaricot habitait avec son père, rue du Puits-Gaillot, à l’est de la place des Terreaux. Elle s’adressa de préférence aux jeunes filles de milieux populaires car “pour les riches, précise-t-elle, je n’osais guère espérer me faire comprendre à moins que ce ne fût de bien jeunes personnes”. (“Continuation de l’histoire de ma vie”, Cahier 1, p. 20, citée par J. SERVEL, Un autre visage. Textes inédits de Pauline Jaricot, Le Chalet, 1962, 125 p. (p. 78).

1653.

Ibid., p. 72. L’auteur cite une notice sur la vie édifiante des ouvrières d’une grande manufacture de soieries en France, par un prêtre du diocèse de Valence, l’abbé Bleton, Archives des Pères Dominicains de Lyon, p. 23.

1654.

Dans l’usine Chartron, une jeune ouvrière, Rose Descôtes, était chargée, chaque vendredi, de collecter un sou auprès des ouvrières. (E. SAINTE-MARIE PERRIN, Pauline Jaricot, fondatrice de la société pour la Propagation de la Foi (1799-1862) …, p. 65).