Troisième partie. Mgr. De Bonald encourage toutes les formes d’apostolat auprès des travailleurs

Introduction

Les débuts de l’épiscopat de Mgr de Bonald à Lyon coïncident avec une période d’expansion industrielle, marquée aussi par des crises fréquentes, faisant brutalement augmenter le nombre de chômeurs, en particulier dans les fabriques lyonnaises et stéphanoises. Le nombre de poursuites contre des coalitions d’ouvriers atteint, en France, son maximum en 1840 2058 et, dans les années qui suivent, la prise de conscience du problème ouvrier, né de l’industrialisation devient plus aiguë. Ainsi, les enquêtes ouvrières se multiplient, de même que les ouvrages des économistes et des socialistes sur la question du travail 2059 . Pour leur part, des catholiques dits “sociaux” 2060 , à cause de leur prise de conscience de la question sociale et de leur volonté de lui trouver des solutions, critiquent le libéralisme économique, que ce soit en France ou dans les pays voisins, touchés également par la révolution industrielle. Leurs solutions, celles des laïcs comme celles du clergé, furent parfois audacieuses et la redécouverte de Jésus-Christ a permis quelques rapprochements entre catholiques et socialistes utopiques, dans l’esprit de fraternité particulièrement à l’œuvre en 1848. Cette réconciliation entre les classes sociales, le Lyonnais Frédéric Ozanam, fondateur des conférences de Saint-Vincent-de-Paul, la souhaitait, comme Mgr de Bonald, arrivé à Lyon en juillet 1840 ; l’étude de la lettre pastorale de l’archevêque à l’occasion de la prise de possession de son siège, nous permettra de mesurer l’intérêt qu’il portait au monde ouvrier. Nous pourrons ensuite nous interroger sur les encouragements qu’il a multipliés concernant tous les types d’apostolat auprès des travailleurs : comment s’est-il impliqué dans la revue de l’“Institut catholique” qui essayait d’établir un lien entre la foi et les connaissances des réalités économiques ? Quel soutien a-t-il apporté à la société de Saint-François-Xavier, qui s’adressait aux ouvriers et qui a permis un certain rapprochement entre le clergé et le milieu buchézien. L’état des esprits était, d’un côté, propice à ce type de rapprochement, puisque, par exemple, la question de l’organisation du travail préoccupait aussi bien les ouvriers qui multiplièrent les coopératives, en 1848, que les dirigeants du journal catholique légitimiste, l’“Union nationale”. Mais, d’un autre côté, ceux qui refusaient l’immixtion de l’Eglise dans le monde du travail, s’en prirent à la société de Saint-François Xavier et surtout aux providences, objet d’une contestation déjà ancienne. Cette contestation, qui s’est intensifiée à partir de l’année 1847, amena l’archevêque de Lyon à prendre position : pouvait-il concilier le point de vue des chefs d’atelier avec celui des fabricants et des dirigeants de providences ? Comment expliquer les violences de 1848 contre ces dernières et quel sera leur devenir après 1848 ? A cette date, des marchands-fabricants avaient déjà installé des usines-internats à la campagne où le travail des jeunes gens était encadré par des religieuses. Nous nous interrogerons sur les causes de leur installation, sur l’intérêt que le cardinal de Bonald leur a porté et sur la finalité que le clergé leur accordait.

La stratégie de l’enfermement appliquée dans les providences et les usines-internats n’a pas été suivie par les pionniers lyonnais d’un catholicisme social prônant un espace de liberté et un minimum de justice pour le monde ouvrier. Ainsi, des solutions ont été trouvées pour faciliter le travail des jeunes femmes à domicile avec l’Œuvre du travail de Marie”. Par ailleurs, des entreprises, plus ou moins utopiques, que nous aurons à analyser, ont pris des formes diverses, que ce soit celle de Camille Rambaud, Pierre-Julien Aymard ou Antoine Chevrier, qui ont donné la priorité aux enfants non catéchisés. Pour leur part, Camille Rambaud et Pauline Jaricot ont conçu un vaste projet concernant le monde ouvrier. Quels en furent les aspects ? Comment l’archevêque l’a-t-il perçu de même que celui du père Chevrier qui souhaitait pratiquer un type de sacerdoce plus conforme à l’idéal évangélique ?

Finalement, Mgr de Bonald a eu une préoccupation permanente et multiforme pour le monde du travail, et dans notre dernier chapitre, nous devrons en préciser tous les aspects : comment jugeait-il la situation des ouvriers et l’attitude des chefs d’industrie ? Pourquoi condamnait-il les doctrines socialistes ? Pourquoi accordait-il une importance majeure à l’observation du dimanche ? En définitive, quelles réponses donnait-il à la question du travail et comment a-t-il assuré la présence de l’Eglise dans les nouveaux quartiers industrialisés ?

Notes
2058.

130 coalitions en 1840 pour une moyenne de 134 par an de 1825 à 1847 (JEAN FOMBONNE, Personnel et DRH. L’affirmation de la fonction Personnel dans les entreprises – France, 1830-1990 …, p. 213).

2059.

Voir le paragraphe consacré aux philanthropes et aux économistes dans le chapitre 6, de même que la 3e partie du chapitre 7.

2060.

On trouve l’expression “catholicisme ou christianisme social” dès 1843 (J.B. DUROSELLE, Les débuts du catholicisme social en France – 1822-1870 …, p. 12).