L’école

Une mise en place progressive

En A.O.F, la scolarisation se met en place très progressivement, souvent sous l’impulsion des missionnaires.

Comme le souligne Thierry Tréfault, la question de la langue d’enseignement n’a pas été tranchée immédiatement (TRÉFAULT, T. 2000 : 39) 42 . Durant la seconde moitié du XIXe siècle, sous l’impulsion de Faidherbe, qui s’oppose à l’enseignement religieux, ouvrent les premières écoles, appelées d’abord « Ecoles des Otages », puis « Ecoles de fils de chefs ». Elles visent à former une élite en s’associant les enfants de chefs coutumiers - souvent remplacés par des enfants de condition servile 43 .

A partir de 1903 44 , se met en place un système hiérarchisé selon les échelons considérés. Les écoles régionales ou urbaines, dirigées par des maîtres français, implantées dans les chefs-lieux de cercle, ont pour mission de former des auxiliaires de l’administration coloniale. Les écoles de village, tenues par des maîtres africains, visent à donner des rudiments d’instruction et de connaissance de la langue française.

Lors de la conférence de Brazzaville (1944), la revendication d’un enseignement identique à celui dispensé en métropole est affirmée. L’impulsion donnée alors à l’enseignement n’est cependant que d’un effet limité, puisqu’on estime en 1960 le taux de scolarisation à 15% pour le Soudan français (GÉRARD, É. 1997a : 181).

Dans le prolongement de l’Indépendance acquise en 1960, la réforme du système éducatif de 1962 est présentée comme l’instrument d’une « décolonisation des esprits ». L’obligation scolaire et le droit à l’instruction sont institués 45 . Le choix est fait de privilégier la formation des cadres dont le pays a besoin. Comme le montre Etienne Gérard, cette politique a essentiellement eu pour effet de fournir des cadres à l’Etat, sans considération des besoins dans les différents secteurs de l’éducation (GÉRARD, É. 1997a : 27-28). Surtout, les diplômés ont été, dès les années 1980, en surnombre par rapport aux postes offerts dans l’administration, alimentant les rangs des chômeurs, et contribuant à une défiance générale envers l’école. Cette institution a fonctionné comme un facteur de différenciation sociale, permettant la reproduction d’une élite quand d’autres ressources sont mobilisables au moment de l’insertion professionnelle (capital économique ou sociale), mais laissant nombre de jeunes diplômés sans emploi (GÉRARD, É. 1997b). En 1989, une étude est commandée par le Ministère de l’Education Nationale sur la demande sociale en milieu rural. Les résultats indiquent que si 80% des enquêtés reconnaissent l’importance de la scolarité, seuls 45,5% sont d’accord pour envoyer leurs enfants à l’école publique (cité in BRENNER, L. 1991 : 13-14).

Le mouvement qui a amené la chute du régime de Moussa Traoré et l’avènement d’un régime démocratique au Mali en 1991 a été mené par des étudiants et des enseignants. Cependant, les années 1990 n’ont pas permis de résoudre les difficultés de l’école malienne. Dans un contexte où la marge de manœuvre de l’Etat est réduite par l’application de mesures libérales, la volonté politique affichée en faveur de l’enseignement a rapidement trouvé ses limites. L’école au Mali est généralement décrite comme en situation de crise (DUMESTRE, G. 2000). Dans ce contexte, différentes voies sont explorées pour améliorer la situation.

Notes
42.

T. Tréfault rappelle ainsi l’expérience d’école mutuelle mise en place à Saint-Louis, au Sénégal, par l’instituteur Jean Dard entre 1817-1821, et qui comporte notamment un apprentissage de la lecture en wolof. D. Bouche date de cette expérience les débuts de l’instruction publique en A.O.F (BOUCHE, D. 1974).

43.

Selon J.-H. Jézéquel, il s’agit là d’une représentation commune qui ne vaut pas pour tous les contextes (JÉZÉQUEL, J.-H. 2003).

44.

Arrêtés du 23 novembre 1903, organisant le service de l’instruction publique dans les colonies et territoires de l’A.O.F cités in (BOUCHE, D. 1974).

45.

L’organisation des études qui est mise en place alors demeure à peu près inchangée. La scolarisation initiale s’effectue dans le cadre de l’« enseignement fondamental », de 9 ans, divisé en deux cycles. Depuis 1970, ceux-ci se répartissent ainsi : 6 années (de la 1ère à la 6éme) pour le premier cycle, puis un examen, le CFEPCEF (Certificat de fin d’études du premier cycle de l’enseignement fondamental), qui permet de poursuivre ses études au second cycle (7ème à 9ème), à l’issu duquel un autre examen est présenté, le DEF (Diplômes d’études fondamentales). L'enseignement secondaire général, d'une durée de 3 ans, est sanctionné par le baccalauréat. Il comprend l’enseignement général, l’enseignement technique, l’enseignement professionnel et l’enseignement normal.