0.2.2.1. Des débuts timides (1896-1946)

Avant la colonisation, la culture du coton était déjà pratiquée au Mali. Il s’agissait de variétés locales, cultivées en petites quantités en association avec des céréales. Le coton était tissé par des artisans spécialisés, les bandes de coton constituant un bien prisé.

L’histoire sociale et économique du Soudan français autour du développement du coton est retracée avec une grande précision par Richard Roberts dans l’ouvrage Two Worlds of Cotton auquel nous nous référons ici (ROBERTS, R. L. 1996). R. Roberts date le début de la politique cotonnière de la France en Afrique de l’Ouest de 1896. Avant même la fin de la conquête (que l’on date de la capture de Samory en 1898), le Gouverneur Trentinian favorise plusieurs missions techniques et commerciales destinées à permettre à des industriels basés en métropole (notamment au Havre), de s’assurer de l’intérêt et des potentialités de la production cotonnière africaine (op. cit. : 76).

Ces initiatives sont affermies par la fondation, en 1903 de l’Association cotonnière coloniale (ACC), qui se donne pour objet de faire de la culture du coton le nerf de la production économique de l’A.O.F. L’enthousiasme initial est de courte durée : des difficultés techniques liées à l’introduction de variétés américaines et la faible mobilisation des sociétés françaises freinent le développement de la production.

Localement, l’application d’un impôt par capitation à acquitter en monnaie en A.O.F. est un moteur pour le développement de la culture du coton. Cependant, d’après R. Robert, la demande de coton locale pour l’artisanat est une concurrence sérieuse, proposant souvent des prix d’achats plus compétitifs que ceux des sociétés françaises.

Pour contourner cet obstacle majeur, les autorités ont mis en œuvre différents dispositifs contraignants (mise en place de champs collectifs, « champs du commandant », dans les années 1920) ou incitatifs (fixation d’un prix plancher en début de campagne en 1928). Des « marchés » locaux du coton supervisés par des agents de la métropole sont mis en place. Une tentative de coton irrigué mise en place par l’Office du Niger, créé en 1932, connaît un relatif succès, grâce à des déplacements de population. Là aussi les problèmes techniques se multiplient, et la fin du travail forcé en 1946 signe le déclin de cette expérience.

Parallèlement, pour fournir le marché local, le coton s’est développé dans les régions plus méridionales, comme une culture pluviale (c'est-à-dire qui se fait pendant la saison des pluies, par opposition à la culture irriguée qui peut se faire toute l’année). Un des acquis de cette période est aussi l’implantation de premières usines d’égrenage par l’ACC, rejointe par des investisseurs privés 59 .

Notes
59.

H. Bloud donne en 1925 les chiffres de 5 usines de l’ACC et 4 usines privées au Soudan (BLOUD, H. 1925 : 43).