Les causes d’une crise

En 1991/92, une nouvelle chute des cours du coton coïncide avec l’avènement de la démocratie. Une coordination mise en place de manière informelle au départ entre les représentants des AV s’était organisée dès 1989 pour protester, avec succès, contre un nouveau système de crédit mis en place par la CMDT (BINGEN, J. 1998 : 267). Suite au renversement du régime autoritaire de Moussa Traoré, en mars 1991, et à l’instauration d’un gouvernement de transition, cette coordination formule des doléances en soulevant des problèmes liés aux modalités de la commercialisation par la CMDT, et en appelant à la grève (boycott de la culture du coton) après à un premier refus du dialogue par la CMDT. L’intervention du gouvernement permet seule de débloquer la situation. Suite à cette mobilisation, et bénéficiant du nouveau cadre juridique garantissant la liberté d’association, un premier syndicat paysan, le SYCOV (Syndicat des Cotonniers et Vivriers) voit le jour en septembre 1992. Cette instance est depuis reconnue comme un partenaire par la CMDT.

La dévaluation du franc CFA, permet un temps la restauration de la compétitivité et le retour des bénéfices, peu répercuté sur les prix d’achat au producteurs.

Les cours du coton chutent à nouveau à partir de 1998, dans un contexte général de surproduction, lié aux subventions américaines et européennes à leurs producteurs 66 . Les cours mondiaux du coton étant cotés en dollars, la faiblesse de cette devise par rapport au franc français ou à l’euro, conjuguée à la baisse des cours a un effet très fort sur les producteurs des pays de la sous-région (en particulier ceux dont la monnaie est le franc CFA).

D’une manière générale, on constate depuis la fin des années 1990 une dégradation des conditions socio-économiques, avec une réduction du revenu monétaire en raison d'une évolution moins favorable du prix relatif du coton par rapport aux intrants.

Suite à une baisse du prix d’achat à 150 F CFA/kg de coton-graine en 1999-2000, une grève des producteurs a été lancée, avec un appel au boycott de la culture du coton très suivi (la production chute de plus de moitié entre la campagne 1999/2000 et la campagne 2000/01). La remontée de ce prix à 200 F CFA (prix d’achat des campagnes 2001/02 et 2003/04, le prix d’achat de la campagne 2002/03 s’établissant à 180 F CFA) a permis de relancer la production les années qui suivent. Celle-ci atteint même des niveaux record, au début des années 2000, période où nous avons effectué nos séjours de terrain 67 . Les effets de la crise ivoirienne se sont toutefois fait sentir dès la campagne 2002/2003, en renchérissant les coûts de transport.

La pression des bailleurs de fonds, notamment la Banque Mondiale vers une privatisation s’accentue, la CMDT demeurant une des rares compagnies cotonnières de la zone à y avoir échappé. Prévue pour 2005, la privatisation est actuellement reportée à l’horizon 2008. Cette perspective a néanmoins des effets important, amenant la Compagnie à un recentrage sur ses activités productives. La réalisation des infrastructures des villages (puits, école, etc.) et des routes permettant de transporter le coton, les activités de préservation de l’environnement (« programme lutte anti-érosive ») et de formation (alphabétisation et post-alphabétisation), sont progressivement délaissées. Pour ce qui est de l’alphabétisation, le discours des responsables est que des ONG doivent prendre le relais de ces activités, ce qui se fait de manière ponctuelle, au gré de l’engagement de telle ou telle structure, mais sans plan concerté.

Notes
66.

Ce thème fort de la mobilisation contre les inégalités du commerce mondial relève du constat effectué par les institutions internationales elles-mêmes. On trouve par exemple dans un rapport remis à la Banque Mondiale en 2003 la démonstration que « moins de subventions des pays riches réduirait la pauvreté » dans les régions cotonnières de l’Afrique sub-Saharienne (GOREUX, L. & MACRAE, J. 2003).

67.

Notons, même si cela excède les limites chronologiques de notre travail mené sur le terrain de 2001 à 2004, qu’un nouveau mécanisme de fixation des prix a été introduit à partir de la campagne 2005/06, avec un prix prévu dans une fourchette comprise entre 160 F CFA et 175 F CFA le kg, et la fin du système de prix minimum garanti. Le prix d’achat est désormais lié à l’évolution des cours du marché mondial.