0.3.2. Terrains

Le Mali est un pays que j’ai découvert à l’occasion de ce travail de thèse.

Au cours d’un travail de DEA portant sur les théories de l’écriture, en particulier en Afrique, mon orientation théorique et méthodologique vers une approche ethnographique des pratiques de l’écrit s’est dessinée 72 . Pour le terrain, mon choix s’est porté sur le Mali, et sur la région cotonnière en particulier, en raison de l’extension de l’usage des langues nationales dans cette zone, et de l’importance de la thématique de l’alphabétisation dans ce pays.

Un premier terrain exploratoire, en août-septembre 2001, où j’ai enquêté dans une dizaine de villages à partir du centre urbain de Koutiala, m’a permis de concevoir une problématique plus précise, et m’a décidée à apprendre le bambara. Lors de ce premier terrain, le fait d’être introduite par les agents de la CMDT dans les villages a été un atout, me permettant de comprendre le fonctionnement de cette institution, mais aussi une limite forte, les villageois s’en tenant à des discours convenus sur les bienfaits de l’alphabétisation face à une étrangère perçue comme proche de la CMDT. De premiers cahiers personnels ont été évoqués, et plus rarement montrés, justifiant l’idée d’une approche plus locale.

La complexité de la situation sociolinguistique de la région de Koutiala m’a amenée à déplacer mon terrain. Soucieuse de rester en zone CMDT, j’ai choisi la ville de Fana, au nord de la région cotonnière et en zone bambarophone pour terrain principal. Entre 2002 et 2004, j’y suis retournée à plusieurs reprises, séjournant plus longuement (5 mois en tout) dans un village près de Fana, celui de Kina 73 . Notre travail s’appuie principalement sur les matériaux recueillis dans ce village. Cependant, nous ne concevons pas notre travail à strictement parler comme une monographie. Ce village est pris comme le centre d’une ethnographie qui le réinscrit dans son environnement immédiat (le village voisin de Balan, à 3 km ; la ville de Fana, située sur le « goudron », l’axe routier Bamako-Ségou, à 10 km, où se tient une foire hebdomadaire où se déplacent bon nombre de villageois), et lointain (Bamako, où une partie des premiers élèves de l’école a pu être retrouvée ; les autres villes du Mali ou des pays voisins, qui constituent des centres attractifs lors des migrations saisonnières).

Par ailleurs, les entretiens effectués lors de mon terrain exploratoire en 2001 et au cours de mes déplacements dans d’autres villages permettent d’élargir le propos.

La durée totale de mes séjours sur le terrain pour ce travail de thèse est de 8 mois.

La présentation détaillée des matériaux recueillis et de leur usage interviendra au fil du propos, à chaque fois qu’un nouveau de type de matériau sera convoqué.

Précisons tout de même d’emblée que notre travail recourt à une variété de matériaux ethnographiques : entretiens, observations, corpus d’écrits recueillis et photographiés, ainsi qu’au traitement statistique d’un questionnaire passé dans la village de Kina. Un des enjeux de notre travail est de proposer une articulation de ces différents types de matériaux : statistiques et ethnographie dans la première partie ; entretiens et observations de productions écrites dans les deuxième et troisième parties.

Signalons enfin, comme cela apparaît dès cette introduction, que notre texte recourt aux deux formes de la première personne, au singulier et au pluriel. Le « je » signale les passages où notre implication en tant qu’ethnographe dans une situation précise est pertinente pour la comprendre. Le « nous » est repris, par convention, dans les autres passages, où nous élaborons notre discours en tant que chercheur. S’il y a quelque artifice à vouloir séparer les deux, cette oscillation nous semble tout de même rendre compte d’un élément central de la pratique de l’enquête, qui nous situe dans un mouvement entre le moment ethnographique et le temps de l’analyse.

Carte 1 Le Mali, découpage administratif

Source : Ministère des Affaires étrangères (France).

Carte 2 La zone CMDT

Source : Rapport annuel de la CMDT, 1995-1996.

Notes
72.

Mémoire de D.E.A. d’anthropologie sociale et ethnologie, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, sous la direction de J.-L. Amselle, intitulé Pour une étude des pratiques de l’écrit dans l'Afrique noire contemporaine.

73.

J’ai choisi d’anonymiser ce village, de même que toutes les personnes enquêtées.