L’école à Balan

En recoupant les données issues du questionnaire et des entretiens, et en nous appuyant sur le dépouillement des registres scolaires conservés à l’école de Balan, nous avons identifié 19 villageois de Kina passés par cette école, ce qui constitue la quasi-totalité des effectifs concernés 228 . Nous avons effectué un entretien de la série K avec 9 d’entre eux.

Ces 19 villageois scolarisés à Balan ont été recrutés en 1974, 1976 ou 1978, au sein des trois premières cohortes de l’école de Balan (le recrutement étant biennal). Ils sont nés entre 1965 et 1971. Parmi eux, deux filles seulement.

Dans les entretiens, les enquêtés de cette génération font état de difficultés spécifiques liées à la scolarisation à Balan. Les déplacements quotidiens, à pied ou à vélo, pour parcourir les trois kilomètres qui séparent les deux villages sont parfois évoqués. Le plus souvent, le problème mentionné est celui du repas de midi, pour lequel plusieurs solutions ont été trouvées par les villageois de Kina, la possibilité que les enfants soient nourris sur place étant exclue. Au début, le repas leur était apporté depuis Kina chaque midi. Puis, ceux qui ont pu disposer de bicyclettes rentraient chez eux. Dans l’ensemble, les enquêtés insistent surtout sur des problèmes généraux de l’école malienne à cette époque. Plusieurs enquêtés reviennent notamment sur les excès de la « ruralisation », pédagogie mise en place sous la dictature de Moussa Traoré, qu’ils décrivent comme ayant consisté à accomplir des tâches physiques (aller chercher du bois, de l’eau) au bénéfice des enseignants. Finalement, le fait d’avoir dû aller à l’école à Balan, qui est souvent mentionné au niveau de la collectivité comme un problème 229 , ne semble pas avoir pénalisé outre mesure ces premiers élèves.

Les entretiens font apparaître ces individus comme constituant le premier groupe de scolarisés, l’identification collective apparaissant ici pertinente, à la différence des deux premiers scolarisés du village. Leurs propos sont traversés de références aux autres scolarisés de la même promotion, ou aux autres scolarisés à Balan, ce qui permet d’identifier, pour ce groupe, l’émergence d’une conscience commune qui justifie l’usage du concept de génération au sens « historique ».

Notes
228.

Nous avons exclu les enfants de fonctionnaires résidant à Kina : deux enfants d’un moniteur agricole de la CMDT ; cinq enfants d’enseignants de l’école de Kina qui, arrivant en cours de scolarité, ont dû rejoindre l’école de Balan car les classes qui les concernaient n’étaient pas encore ouvertes à Kina. Par ailleurs, un homme et une femme ayant effectué quelques années de scolarité à Balan n’ont pu être identifiés avec précision (la femme a été mariée en dehors du village, quant au garçon nous ne savons s’il a quitté le village ou est décédé, aucune trace de lui n’apparaissant dans les réponses au questionnaire).

229.

Le fait de devoir à nouveau y envoyer des enfants, depuis l’ouverture d’un second cycle en 2003 à Balan, est également décrit comme quelque chose de très difficile.