Nous disposons pour les débuts de l’histoire de l’école de deux types de sources distincts : des entretiens avec des acteurs de l’époque (K 2 et H 4, avec Soumaïla Konaté, très impliqué dans l’implantation de l’école, ainsi que des entretiens répétés avec un instituteur en poste à Kina de 1982 à 2000, longtemps directeur de l’école, et des linguistes ayant travaillé au projet d’expérimentation dans d’autres écoles ; les entretiens de la série K avec les premiers élèves de l’école) ; des données issues de la consultation des archives de l’école de Kina, bien tenues. Y sont notamment conservées les correspondances avec l’Inspection, dont les rapports mensuels et annuels qui lui sont adressés depuis l’école, et dont une copie est conservée sur place.
Ces documents permettent de reconstituer des pratiques dont certaines ne sont pas propres aux écoles bilingues. Par exemple, parmi les circulaires et lettres reçues lors des deux premières années scolaires, deux insistent sur l’importance du lever quotidien du drapeau en présence des élèves qui chantent l’hymne national 232 ; un courrier de l’Inspection décline le sens civique de la « ruralisation » des écoles ; une circulaire rappelle la nécessité de la tenue d’un cahier de roulement qui est « le reflet de toutes les activités menées au cours de la journée et le chef-d’œuvre de la classe entière ». Ces documents montrent le fort rôle patriotique dont est investie l’école dans ces années de la dictature de Moussa Traoré. A cette époque, l’école contribue à insérer le village dans des échanges à l’échelle nationale (aux côtés du recrutement dans l’armée), avec une diffusion locale des discours politiques et une association aux causes nationales (par exemple, en 1984, les enfants sont mis à contribution pour apporter une aide financière aux victimes de la sécheresse).
D’autres documents permettent de saisir la spécificité du suivi dont a bénéficié cette école dans le cadre de l’expérimentation bilingue. Ils émanent soit de l’Inspection (située à l’époque à Baguinéda), soit de la DNAFLA. Les liens avec les institutions éducatives à l’échelle nationale (Ministère de l’éducation nationale ou DNFLA) sont particulièrement étroits dans les débuts où le personnel enseignant est constitué de linguistes issus de ces structures. La première cohorte, en 1979, est ainsi prise en charge durant les premiers mois par un linguiste, agent de la DNAFLA, qui passe ensuite la main à un enseignant formé aux règles de transcription pendant un stage de trois mois. Ce linguiste a par ailleurs animé des cours d’alphabétisation pour adultes (suivis par exemple par Moussa Camara, GL 3, K 48). Tous les premiers maîtres, qui ont en charge l’école durant les années 1980 sont des instituteurs expérimentés, soumis à des formations spécifiques (durant les vacances scolaires) et à un suivi régulier.
Cette pratique est toujours en vigueur dans les écoles maliennes.