La 6ème comme dernière classe atteinte

A partir de l’analyse des entretiens réalisés lors du premier séjour de terrain, le critère de la classe de 6ème comme niveau atteint (quels qu’aient été le résultat à l’examen et la scolarité ultérieure) s’est dégagé comme permettant de constituer un groupe à la fois relativement homogène du point de vue des compétences acquises et rendant visible une diversité de configurations dans les usages effectifs et le destin scolaire et social.

A travers les entretiens, nous avons constaté qu’un élève scolarisé au moins jusqu’en 6ème année conserve en général des compétences qui peuvent être réactivées ponctuellement même en l’absence de pratique régulière. La 6ème année apparaît comme un seuil à partir duquel les compétences acquises et la socialisation à l’écrit ont des effets durables. Ce résultat concorde avec les pratiques des évaluateurs de l’alphabétisation, qui s’en tiennent souvent à un niveau de fin de premier cycle pour déclarer quelqu’un alphabétisé.

Il faut toutefois considérer un tel critère, dans le cadre de notre enquête, comme opératoire. Pour souligner le relatif flou de ce critère, nous pouvons nous référer aux données du questionnaire. Celles-ci font apparaître des cas, minoritaires, de personnes scolarisées à un niveau inférieur (5ème, voire 4ème année seulement, cf. tableau A-13) qui revendiquent l’aptitude à lire et écrire une lettre en bambara. Parmi ces personnes, certaines ont complété leur formation scolaire par le suivi de sessions d’alphabétisation, mais ce n’est pas toujours le cas. Inversement, un niveau scolaire supérieur à la 6ème garantit bien l’acquisition des compétences (le tableau A-13 montre que tous les enquêtés ayant atteint au moins la 7ème déclarent pouvoir écrire une lettre en bambara). Cependant, un niveau égal à la 6ème n’assure ces compétences que dans un peu plus de trois quarts des cas. La classe de 6ème apparaît davantage comme un moment autour duquel se cristallise l’acquisition des compétences que comme un seuil définitif.

Ce critère « niveau 6ème » nous a paru plus intéressant que celui de la réussite à l’examen (ou que celui « niveau 7ème »), car tous les élèves de 6ème ne sont pas présentés à l’examen. Le refus de présenter un enfant concerne surtout les filles, car la réussite rend plus difficile de s’opposer à la poursuite de la scolarité à Fana. Certains parents retirent leurs enfants de l’école avant la fin de l’année, ou refusent de faire établir l’acte de naissance indispensable à la présentation de l’examen. Nous préférons élargir notre population à quelques cas de personnes dont les compétences sont incertaines (cas de certains enquêtés de niveau 6ème) plutôt que de risquer de manquer des cas limites.