Nous avons choisi de prendre l’école de Kina comme unité de lieu en tant que cadre de la formation, ce qui nous a amenée à inclure dans notre population quelques élèves originaires du hameau voisin de Folonda, qui relève de l’école de Kina, dans cette population. La spécificité de leur situation sera à considérer dans chaque cas individuel, mais nous considérons que pour des personnes ayant accompli le premier cycle, la formation commune à Kina constitue une expérience importante, qui justifie qu’on les considère comme un ensemble relativement homogène. En revanche, les quelques enfants de fonctionnaires, même s’ils ont effectué leur scolarité au village n’ont pas été inclus.
Les critères retenus dans la constitution de cette population portant sur une socialisation scolaire passée commune, celle-ci rassemble des individus résidant actuellement à Kina, mais aussi des individus installés ailleurs, ou encore qui sont en migration régulière entre le village et un lieu de travail saisonnier, souvent urbain. Ce travail portant sur les usages de l’écrit en milieu rural, la question de l’inclusion des non-résidents à l’enquête s’est posée. Nous avons pris le parti d’inclure les non-résidents parmi les enquêtés, en leur réservant un traitement particulier.
Les entretiens avec eux 237 visent principalement à reconstituer leur parcours scolaire, puis professionnel. Nous faisons l’hypothèse, notamment pour les élèves de la première cohorte, que ce destin scolaire et social a joué comme un modèle (positif ou négatif) pour les élèves des cohortes suivantes. Ces entretiens ont également permis d’approfondir la reconstitution de la socialisation scolaire commune.
Avec ceux qui reviennent régulièrement au village, de même qu’avec les villageois qui sont des migrants réguliers, nous avons travaillé surl’hypothèse selon laquelle ces migrants constituent des vecteurs d’acculturation à l’écrit : soit indirectement comme représentants d’un mode de vie urbain lié à un certain niveau de scolarisation, soit plus directement comme « diffuseurs » de pratiques de l’écrit lors de leurs passages à Kina (rapportant des documents, écrivant/recevant des lettres, surveillant leurs cadets à l’école, etc. …).
En revanche, l’analyse des entretiens n’a pas été développée dans le sens d’une étude de leurs pratiques en milieu urbain 238 .
Nous avons cherché à rencontrer le plus grand nombre possible d’entre eux, ce qui a été particulièrement aisé à Bamako, où ils sont inclus dans un réseau d’interconnaissance (de manière plus ou moins lâche, mais suffisamment pour que je puisse tous les retrouver).
La population des anciens élèves de l’école est ainsi définie comme l’ensemble des élèves des trois premières cohortes de l’école de Kina ayant atteint la classe de 6ème. La constitution de cette population répond en effet à deux objectifs.
Le premier est d’identifier un groupe de référence auprès de qui effectuer de manière systématique des entretiens tant sur le parcours scolaire et professionnel que sur les pratiques actuelles de l’écrit. Identifier un groupe ainsi par des critères a priori est une manière d’échapper au biais de la pratique ethnographique initiale signalé plus haut. Cela nous a permis d’enquêter auprès de personnes qui ne nous avaient pas été signalées. Une réflexion sur les différences entre les personnes spontanément citées comme lettrées, et celles qui ne le sont pas (à niveau scolaire, voire à compétences, semblables) est ainsi possible.
Le second est de réfléchir à l’hypothèse selon laquelle un groupe de premiers élèves de l’école constitue une génération lettrée (GL 4) au sens où nous l’avons montré pour les précédentes.
9 entretiens de la série KU concernent la GL 4 : 8 à Bamako et 1 à Fana. Parmi les entretiens de la série K, cinq ont été réalisés auprès d’individus établis ailleurs, lors d’un de leurs de passages à Kina (K 16, K 43, K 45, K 50, K 64), et trois auprès de migrants réguliers (passant plusieurs mois par an hors du village : K 19, K 44, K 65).
Ces matériaux n’ont donc été exploités ici que partiellement, l’enquête sur les pratiques de l’écrit en milieu urbain et, plus encore, entre ville et village demandant à être poursuivie sur un corpus plus important, à partir duquel on pourrait aborder les questions des différences (inter-individuelles) entre les pratiques des résidents urbains et des villageois et des variations (intra-individuelles) entre les pratiques d’une même personne selon son contexte urbain ou non de résidence.